Budget : le ridicule jeu de chat de la France et l’UE

par Laurent Herblay
jeudi 5 mars 2015

Conséquence des nombreux traités signés par la France, les budgets de notre pays sont désormais sous la surveillance de la Commission Européenne, donnant lieu à des échanges et des négociations interminables. Nouvel exemple avec la passe d’armes sur le budget 2017.

Entre souk et prison
 
Les traités européens (six pack, two pack, TSCG) sont théoriquement de véritables camisoles budgétaires pour les pays membres. C’est ce que les Grecs ont pu ressentir pendant les cinq ans où leurs dirigeants ont appliqué les potions amères demandées par les instances européennes  : réduction drastique des pensions, forte baisse du salaire minimum, renvoi de nombreux fonctionnaires. La semaine dernière, Bruxelles a donc donné deux années supplémentaires à la France pour atteindre un déficit budgétaire de 3% du PIB, chiffre que Pierre Moscovici, alors ministre, pensait atteindre en 2013, puis a promis d’atteindre deux ans plus tard, avant que Michel Sapin n’annonce qu’il faudrait deux ans de plus.
 
Mais les discussions ne s’arrêtent pas là. D’abord, la France doit trouver quatre milliards d’économies de plus en 2015, ce qui semble davantage répondre à un objectif politique, à savoir montrer que le pays va dans la direction souhaitée notamment par l’Allemagne. Car ce montant n’aura pas d’impact majeur. En revanche, Bruxelles pense que Paris doit trouver 80 milliards d’économie de 2015 à 2017 au lieu des 50 avancés par le gouvernement pour tenir les mêmes objectifs. Le gouvernement annonce que cela aurait un effet désastreux sur la croissance et refuse de changer son plan, d’autant plus que François Hollande vient tout juste d’annoncer qu’il n’y aurait pas de hausse d’impôts
 
Les traités ne sont que des bouts de papier
 
Cette flexibilité dans la fixation des objectifs relativise quelque peu la dureté des textes signés puisqu’on constate parfois une grande souplesse dans leur application. Coralie Delaume, sur son blog et dans le Figaro, explique logiquement que « la Commission est forte avec les faibles et faible avec les forts  », en mettant en rapport la souplesse du traitement de Paris avec les concessions arrachées au gouvernement grec. Le tout présente également une dimension assez surréaliste et arbitraire quand on rappelle que le commissaire européen en charge de la question n’est autre que Pierre Moscovici, qui annonçait comme ministre qu’il tiendrait cet objectif dès l’année 2013, et non en 2017…
 
On se souvient déjà que le premier Pacte de Stabilité, conçu pour la création de l’euro, avait été violé par la France et l’Allemagne, ce qui créé une construction baroque, très réglementée, mais, où, au final, les plus forts peuvent toujours échapper aux règles qu’ils ont écrites et acceptées, tout en les imposant avec une certaine violence à plus faible qu’eux. Au final cette UE consacre le règne de l’arbitraire. Il n’est donc peut-être pas surprenant qu’elle confie à un ministre qui n’a pas du tout tenu ses objectifs le soin de veiller à ce que les autres le fassent. Mais ce faisant, cela montre aussi que ce fatras législatif n’est que du papier qui peut finalement être ignoré à tout moment. L’UE est un château de cartes.
 
Mine de rien, au lieu de mettre 2 ans pour réduire le déficit de 5,2% à 3% du PIB, Bruxelles accepte que Paris le fasse en 6 ans ! Non seulement cela montre que les politiques d’austérité étaient des impasses, mais aussi que les règles, si elles sont souvent contraignantes, peuvent être ignorées…

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