Cameron : une victoire à la Pyrrhus ?

par Fergus
lundi 11 mai 2015

David Cameron arborait un large sourire au soir de l’« Election Day  » du Royaume-Uni. Et pour cause : son parti venait, contre tous les pronostics, d’obtenir une majorité absolue qui donne aux « Tories » la possibilité de gouverner seuls, ce que les Conservateurs n’avaient pu obtenir lors de la précédente élection. En dépit des apparences, le mandat de Cameron pourrait néanmoins tourner au cauchemar...

Avec 331 sièges à la Chambre des Communes (contre 306 en 2010), le parti Conservateur de David Cameron renforce indiscutablement sa légitimité et ses capacités de gouvernance. En apparence du moins. Certes, le Premier ministre voit son adversaire principal, le parti Travailliste, fortement reculer (232 sièges contre 258 dans la précédente assemblée) sous la houlette d’Ed Miliband, et il n’a désormais plus à composer avec les Libéraux démocrates de Nick Clegg, laminés par ce scrutin (8 sièges contre 57 auparavant). Mais David Cameron va devoir faire face à des défis de taille pour la cohésion du pays. En annonçant, notamment pour siphonner les voix du parti populiste UKIP de Nigel Farage, l’organisation d’un référendum sur le maintien du Royaume-Uni au sein de l’Union Européenne – au plus tard en 2017 –, David Cameron a en effet mis lui-même en place un piège redoutable.

Un OUI à la sortie du Royaume-Uni entraînerait ipso facto l’organisation d’un nouveau référendum d’indépendance en Écosse. Or, il semble quasi-certain que cette nation, farouchement pro-européenne à la différence de l’Angleterre, choisirait cette fois de divorcer du Royaume-Uni pour ne pas être entraînée contre sa volonté hors de l’UE. Et ce ne sont pas les résultats écossais de l’Election Day qui peuvent apporter un démenti à ce scénario : en raflant 56 des 59 sièges, le Parti National Écossais de Nicola Sturgeon a fait voler en éclats les Travaillistes locaux, coupables aux yeux des électeurs d’avoir soutenu en 2014 le NON à l’indépendance en s’alignant sur les Conservateurs et en agitant les mêmes épouvantails que les financiers de la City de Londres.

D’autres menaces, économiques celles-là, risquent de surgir en cas de sortie du Royaume-Uni. Plusieurs grands groupes industriels et financiers ont clairement menacé de quitter Londres pour s’installer sur le continent, à Paris ou, plus probablement, à Francfort pour rester au cœur du vaste marché européen. De tels départs entraineraient une chute de l’attractivité de la City sur laquelle repose une grande partie de la réussite économique du Royaume-Uni, très largement dépendante des activités financières de la place de Londres, et notamment des résultats de ces poids lourds possiblement tentés par un départ vers le continent.

Pour éviter ce scénario catastrophique, David Cameron va tout faire pour obtenir de l’ Union Européenne des concessions sur plusieurs points, et notamment sur les droits sociaux et la circulation des personnes. Y parviendra-t-il ? Rien n’est moins sûr car, du point de vue des membres du Conseil Européen et de la Commission, ce serait enfoncer un coin dans les textes en vigueur et donnerait des arguments à d’autres pays pour, sinon renégocier le Traité de Lisbonne, du moins l’assouplir sur différents points en fonction de la convenance nationale des uns et des autres. Ce qui reviendrait de fait à rendre ce traité caduc. Nul doute que de fortes oppositions à une telle évolution verront le jour au sein des 28, au détriment de David Cameron.

Curieusement, la question du « Brexit » (British Exit), autrement dit d’une possible sortie du Royaume-Uni de l’Union Européenne, a été relativement peu évoquée durant la campagne électorale, ni les leaders du parti Conservateur ni ceux du parti Travailliste n’ayant intérêt à placer la question du référendum au centre du débat, les premiers par crainte d’une réaction publique très négative des grands patrons de la City, tous très pro-Union Européenne, les seconds pour ne pas rappeler à leurs électeurs eurosceptiques qu’ils étaient opposés à la tenue de ce référendum. Une réticence des deux grands partis qui a laissé le champ libre aux adversaires de l’UE, ce qui a paradoxalement servi les intérêts des Tories, grâce à la promesse de référendum de David Cameron.

Soyons en certains, c’est sous la pression constante de la partie de ses propres troupes hostiles au maintien dans l’UE, et des militants populistes de l’UKIP, troisième force du pays avec ses 12,6 %, que David Cameron va devoir envisager les conditions de ce référendum à très haut risque pour l’avenir du pays. Une possible sortie de l’Union Européenne et, de manière concomitante, une très probable indépendance de l’Écosse laisseraient le Premier ministre à la tête d’un « Royaume-Désuni », pour reprendre le mot de Dennis MacShane, l’ex-ministre des Affaires européennes de Tony Blair. Désuni et potentiellement très affaibli sur le plan économique et en termes d’influence sur la scène internationale. David Cameron porterait seul le poids de ce désastre. Pas sûr que ses nuits soient paisibles dans les mois qui viennent.


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