Carnet d’évaluation

par JLS
lundi 7 janvier 2008

Pourquoi un audit des ministres ?

Notre gouvernement, dans son permanent souci de transparence, nous annonce tout de go qu’à partir de dorénavant les ministères seront audités mensuellement. Le système fonctionnera sur une évaluation chiffrée de chaque ministre, afin de vérifier que la feuille de route qui lui a été impartie est bien respectée. La transparence de ce dispositif semble prendre fin ici, puisque le commun des électeurs n’aura pas, semble-t-il, accès à l’évaluation, et encore moins aux critères y menant.

Le marché a été attribué au cabinet Mars & C°, mais personne n’a entendu parler d’un quelconque appel d’offres. Un marché public doit normalement être attribué en plusieurs étapes. D’abord l’appel d’offres, puis la sélection des entreprises selon leurs capacités, ensuite, parmi les entreprises aptes est choisie celle qui propose l’offre économiquement la plus avantageuse. Cette procédure, certes longue, mais offrant tout de même des garanties, est une des clés de voûte de l’économie des deniers publics. La transparence n’a donc pas été de mise sur ce sujet non plus.

La question qui vient ensuite est celle du bien-fondé de la démarche. D’abord parce que l’action d’un gouvernement semble être fixée sur le long terme (sauf peut-être dans certains régimes bananiers), et donc une évaluation mensuelle ne peut que refléter un état, beaucoup plus difficilement une tendance à long ou moyen terme. Certains indicateurs trop "rapides" pourraient alors ouvrir la porte à certains abus. Est cité notamment comme critère la fréquentation des films français, pour l’évaluation de Mme la ministre de la Culture. En appliquant cette culture du chiffre au pied de la lettre, il serait simplissime de revoir les modalités d’attribution d’avance sur recettes, et de ne pré-financer que les films ayant le plus de chance de faire de gros scores au box-office. Cet exemple est sûrement réducteur, mais on imagine les dégâts que pourrait entraîner une politique "réajustée" mois après mois, d’après un fil d’audits. De plus, est-il logique d’auditer un gouvernement comme une entreprise ? La "culture d’entreprise" est à la mode ces temps-ci, mais l’action publique doit-elle être auditée. Un des présidents de la Ve République avait coutume de dire qu’il croyait "au pouvoir des idées". La politique étant basée sur des idées, peut-on auditer une idée ? Évaluer son coût, sa faisabilité est du domaine du possible, mais pas toujours. Comment noter une idée dont l’aboutissement n’est possible et les effets visibles que plusieurs années après son énoncé, et qui aura nécessité les efforts de plusieurs ministères et administrations pour être mise en œuvre ?

Enfin, MM. Sarkozy et Fillon sont-ils à ce point dénués de discernement, puisqu’ils ont besoin des services d’un cabinet d’audit pour vérifier que la feuille de route qu’ils ont eux-mêmes édictée est bien respectée ?


Lire l'article complet, et les commentaires