Carton rouge à la réaction de gauche

par PROVOLA
lundi 16 janvier 2012

La réaction unanime à l’annonce de la dégradation de la note de la France par Standard and Poor’s a de quoi laisser pantois. « De quel droit ces salauds nous mettent-ils au pied du mur ? « , entend-on de gauche à droite de l’échiquier politique. Mais doit-on bastonner un professeur pour une note jugée mauvaise ? Doit-on casser le baromètre qui vous annonce l’arrivée imminente de la dépression ? 

Or que nous dit Standard and Poor’s ? : « Justifiant la révision de la note française, nous mettons en avant l’insuffisance de l’accord européen du 9 décembre, « fondé uniquement sur une compréhension partielle des causes de la crise, » ne fournissant pas suffisamment d’outils pour venir en aide aux Etats en difficulté, et ne se préoccupant que de rigueur budgétaire renforcée, sans aborder les questions de fond que sont les « déséquilibres extérieurs croissants, et [les] divergences de compétitivité entre le noyau de la zone euro et … la périphérie ». Cette politique hémiplégique, juge S&P, « reposant seulement sur le pilier de l’austérité budgétaire » risque d’enclencher un processus « auto-destructeur », de réduction de la demande entrainant une baisse des rentrées fiscales.

Le comportement du Front de gauche à l’annonce de la dégradation de la France a été totalement incompréhensible, les troupes de Mélanchon, ayant immédiatement fustigé l’agence de notation en l’accusant de déclarer la guerre de la finance à notre pays. Melanchon est monté sur ses grands chevaux en appelant à laver l’affront : « La Banque Centrale doit annoncer immédiatement qu’elle prêtera à la France à un taux très bas. Faute de quoi il faut suspendre les versement français au budget de l’Union européenne »

« Alors que tous les gouvernements et toutes les institutions européennes sont mobilisés, je reste étonné du moment choisi par l’agence », a déclaré hier le commissaire européen aux Services financiers Michel Barnier, regrettant qu’elle ne prenne « pas en compte les progrès actuels ».

Bruxelles a qualifié cette décision d’« aberrante ».

Plus généralement les médias y sont allés de leur version larmoyante en montrant du doigt cette ingérence américaine à l’encontre de notre pays. La crainte est pour un nouveau tour de vis gouvernemental ou l’imminence d’un nouveau plan de rigueur qui viendrait encore assombrir les perspectives économiques.

Si les réactions de la majorité présidentielle ou du PS n’ont pas chamboulé le cadre des postures , la critique du Front de Gauche est pour le moins intéressante à jauger, comment comprendre que le PG se sente outragé alors même que Sand P remet en cause rien moins que la politique de De Funès dans son ensemble ?

Les critères de jugement de l’agence de notation ne semblent pas étonnants au regard des outils employés par les pays de la zone euro, en premier lieu celui d’une pression fiscale mal répartie et de la baisse des dépenses publiques devraient aggraver encore le marché de l’emploi et donc les rentrées fiscales, entrainant à terme une récession sans fin.

La première des admonestations de S and P pointe le défaut de solidarité des pays européens, ce qui revient à fustiger les plus riches, l’Allemagne en premier lieu qui ne montre pas suffisamment d’empressement à se porter au secours de pays du sud. Y a t-il là matière à redire de la part du Front de gauche ? Il n’y a rien de choquant dans cette affirmation. S and P reproche également à l’Europe de ne se préoccuper que de rigueur budgétaire… en effet il semble bien que la course à la bonne note ne soit qu’une fuite en avant dans la réduction du rayon d’action de l’ Etat, l’augmentation de la TVA étant un viatique pour faire payer la note à l’ensemble de la population alors que seules les classes les plus fortunées avaient bénéficié des boucliers fiscaux et contribué à la lente agonie des comptes publics.

Honnêtement comment en vouloir à S and P de montrer les carences des réponses européennes (forgées au système néolibéral) dans la façon d’esquiver les véritables responsabilité dans l’explosion de la dette ?

Sans espoir de rééquilibrage de la compétitivité entre le noyau dur de l’Europe et la périphérie ( on voit facilement à qui fait allusion S and P), la situation ne peut qu’empirer, voilà la raison fondamentale de la dégradation de la note.

En gros, ce qui est condamné , ce n’est pas tant la volonté de la part des pays de la zone euro de réduire leurs déficits et leurs dettes, mais bien plutôt leur incapacité à évaluer globalement les bases d’une relance au niveau continental. Rien qui me choque, ayant pour ma part toujours prôné une harmonisation fiscale et une meilleure répartition des rôles et des possibilités de développement au sein de l’union européenne.

Au lieu de ne se pencher que sur l’arrogance supposée du professeur distributeur de bon ou de mauvais point, le Front de gauche pourrait au contraire acquiescer, au moins sur cet aspect du rapport de S nd P.


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