Cassez-vous les Corses !

par Jean Charles Guerrini
lundi 21 décembre 2015

Cassez-vous les corses !

 

Repli identitaire ou repli jacobin ?

Depuis le 18 décembre c'est un déferlement anti corse qui se déchaîne dans certains cercles politiques mais surtout dans la sphère médiatique parisienne.

L’Élection des Nationalistes à l'assemblée territoriale de Corse est pratiquement passée inaperçue le soir du 13 décembre mais a contrario l'élection du président de l'Assemblée et de l'exécutif territorial a suscité une vague d'indignation très jacobine.

L'étendard de la République et celui de langue française sont brandis contre les hordes corses qui menacent la France.

 

Les mots d'injure et d'insulte se retrouvent partout avec les mêmes conclusions et les mêmes invectives ressassées par la plupart des dénonciateurs. Leur ignorance manifeste du « problème » corse apparaît d'autant plus profonde.

Le « repli identitaire », terme employé maintes fois, est dénoncé avec force par les pourfendeurs de l'unité nationale.

Donc un élu basque, breton, languedocien ou alsacien ne doit pas s'exprimer dans la langue de ses ancêtres dans une assemblée régionale ? L'ex-président du Conseil Général des Pyrénées Atlantiques, François Bayrou, qui s'est exprimé en béarnais n'a suscité aucune réaction à l'époque.

 

C'est une insulte à la France pourtant.

Les centaines de milliers de soldats « français » qui ont été massacrés sur les champs de bataille de Verdun ou de la Somme ne parlaient pas tous français et encore moins dans les troupes « coloniales ». La plupart des unités bretonnes, corses, basques, sénégalaises ou marocaines étaient bien dirigées par des sous-officiers qui parlaient leur langue et ce n'était pas le français !

Mais dans ce cas-là, ce n'était pas une insulte à la République bien sûr.

 

Pourtant que s'est-il passé ce 17 décembre à l'Assemblée de Corse pour ceux qui l'ont vécu ?

Le respect, la tolérance et la reconnaissance.

Respect envers tous les anciens, dirigeants, élus, militants de tous bords.

Tolérance envers toutes les opinions qui s'étaient exprimées lors de cette campagne électorale et reconnaissance sans équivoque de leur présence à l'assemblée.

Reconnaissance envers toutes les ex-majorités qui s'étaient succédées sur ces bancs, pour le travail accompli.

La courtoisie aussi, valeur bien « française », qui se vivait entre les perdants et les gagnants.

 

La liberté.

Dans ce cérémonial de passage de pouvoir, le mot de « démocratie » prenait réellement tout son sens, on la sentait poindre à chaque instant et elle se matérialisait sous nos yeux, dans nos coeurs et dans nos têtes. Instant unique, jamais ressenti à ce point auparavant. Le pouvoir du peuple par le peuple. La liberté d'élire ceux que l'on choisit en dehors de toutes les magouilles politiciennes et d'esprit clanique. Une réelle ferveur démocratique qui redonnait tout son sens au mot de « liberté » pour un peuple capable de choisir librement son destin.

 

L'égalité

Le sens des discours était bien sur orienté mais c'était surtout un appel à tous ceux qui voulaient se battre pour un avenir meilleur en y associant toute la population de cette île, quels qu’ils soient et d'où qu'ils viennent.

La volonté d'intégrer tout un peuple et ce peuple c'est simplement les habitants de cette île qui ressentent cette terre où ils travaillent, s'aiment, souffrent parfois comme l'entité naturelle de leur espace de vie : la Corse.

Tous sur le même bateau. Chacun à sa place mais tous présents.

 

La fraternité.

L'émotion et la fraternité aussi étaient bien présentes quand Gilles Simeoni est allé embrasser à bras le corps, juste après son élection, chacun des élus de tous les bords, du FN aux indépendantistes, la gauche, la droite, les centristes, tous et toutes bien sûr.

On a aperçu aussi un vieux briscard communiste conseillant affectueusement son collègue du FN assis à côté de lui et tout fraîchement élu.

Le président sortant embrassant avec émotion le nouveau président tout aussi affectueusement.

On ressentait que l'ensemble des conseillers des anciennes majorités disaient la même chose aux nouveaux dirigeants : « bonne chance ». Sans aucun esprit de revanche ni sentiment d'hypocrisie politique avec une sincérité bien réelle. On les sentait presque soulagés que les « Nationalistes » accèdent enfin au pouvoir. Ils reconnaissaient ouvertement leur légitimité.

Et puis surtout les discours des nouveaux présidents dans lesquels les mots d'ouverture, de tolérance, de respect des autres quelques soient leurs origines, leur religion ou leurs opinions étaient évoqués sans cesse. Qu'ils aient été prononcés en corse ou en français les mêmes mots revenaient : égalité, espérance, avenir, démocratie, fidélité, action, travail et jamais aucun chiffre, aucun esprit de revanche, aucun anathème, aucune exclusion.

 

Et puis le point d'orgue lorsque l'hymne corse, le Dio vi salvi Regina, cet hymne adopté par les révolutionnaires corses en 1735 a été chanté par tous les élus territoriaux, debouts, à l'exception d'une seule.

Hymne symbole d'une démocratie naissante en 1755, 35 ans avant 1789, que le souverain français s'est vite empressé d'écraser dans le sang.

Le Dio vi salvi Regina, chant d'église à l'origine, dont les paroles ont été modifiées pour devenir l'hymne national corse, n'offense pas la laïcité mais les radicaux laïcards.

 

Repli jacobin

Il y a donc eu ce 17 décembre toute la présence des valeurs de la République française au sein d'une assemblée présidée par les nationalistes corses. Le peuple corse se sent totalement impliqué dans les valeurs de cette République puisque ce sont les mêmes.

Se sentir offensé et dénoncer uniquement la forme sans tenir aucun compte du fond, tient plus de la posture jacobine et politicienne que de l'analyse objective.

Cela a permis à tous les frustrés et envieux de France de déverser leur haine des corses.

Leur stupidité, leur ignorance crasse, leur arrogance, ont abreuvé les commentaires des articles d'information sans parler de Facebook et de Twitter.

D'ailleurs la plupart manient la langue française aussi bien qu'un enfant de trois ans mais l'intensité des horreurs débitées est hystérique.

 

Il faut dire aussi qu'ils ont été bien relayés par la plupart des commentateurs de la sphère médiatique. Mace-Scaron cite Raymond Barre pour nous donner tout de suite l'indépendance, Christophe Barbier n'en parlons pas, il voit et s'habille de rouge quant aux autres je préfère les oublier.

Et il ne faut pas omettre la plupart de nos dinosaures politiques, Chevènement, Le Guen, Juppé, Lienemann, même Guedj s'y met. De quoi se mêle-t-il celui-là ? Le seul son de cloche différent c'est Cécile Duflot.

Fabrice d'Almeida a écrit « J'aime la Corse » après les élections du premier tour, va-t-il nous pondre un article intitulé « J'aime Les Corses » ?

 

Accuser les corses de repli identitaire alors qu'ils prônent les mêmes valeurs républicaines devient un exercice paranoïaque de l'expression ultime du repli jacobin.

Et pour lui donner plus de poids, on fait appel à la frustration des laissés pour compte de la société française. Les bobos médiatiques parlent des « corses ». On entend partout « si les corses », « les corses » alors que le vote nationaliste n'est que de 35%.

Tient, tient, l'amalgame si vite dénoncé par tous les sbires de la « laïcité »ne s'applique pas ici ? Il est vrai que dans leurs têtes nous ne sommes déjà plus français.

 

L'identité corse est basée sur une « entité » : la Corse.

Employé le terme de « repli » sur un territoire parfaitement délimité géographiquement depuis des millions d'années est aussi stupide que de refuser le droit à l'indépendance pour les catalans, les écossais qui n'aspirent qu'à une seule chose : être européens.

Le véritable repli identitaire existe bien mais en Hongrie, en Pologne, dans certains quartiers de la Seine St Denis mais certainement pas en Corse.

 

Le peuple corse a toujours été un précurseur des avancées politiques de l'Europe et cela depuis des siècles. Les hommes politiques corses ont donné à la France et à la République ses meilleurs éléments.

Les expatriés corses et leurs descendants ont réalisé dans le monde des carrières remarquables. En Amérique du Sud par exemple, trois présidents d'origine corse.

Qui se rappelle que l'homme d'Etat qui a fondé le FBI s'appelait Joseph Bonaparte ?

 

Alors nous n'avons à recevoir de leçons de personne, surtout sur l'expression démocratique, la liberté et l'égalité et certainement pas de la part de tous ces politicards jacobins qui ont voulu transformer cette terre pleine d'espoir en bronzoir pacifié pour les fesses ministérielles et celles des milliardaires au détriment des droits fondamentaux du peuple corse.

Nous ne sommes plus à l'époque d'Astérix mais les sbires bobos parisiens veulent donner leur pitance à une populace qui encourage la mise à mort du gladiateur corse.

Qu'ils gardent leurs menaces et leurs anathèmes, l'Histoire les oubliera et la Corse continuera d'avancer.

 

Liberté, égalité, fraternité, La France ne fait que le dire, les Corses le font.


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