Castex, nouveau chemin : Macron tourne en rond

par Laurent Herblay
samedi 18 juillet 2020

L’interview du 14 juillet et la déclaration de politique générale du Premier ministre nous ont permis d’en savoir un peu plus sur le nouveau chemin promis par le président. En réalité, il s’agit uniquement d’une posture destinée à relancer un mandat. La direction reste la même, à quelques nuances près, et Macron tente par des artifices grossiers d’accréditer une nouvelle dynamique.

 

Même fond, changement superficiel de forme
 
Il est frappant de constater, à nouveau, à quel point les énarques ne comprennent rien à la communication. Pour eux, il semble que cela recouvre deux disciplines : réaliser des coups grossiers pour faire le buzz, ou alors construire une histoire, souvent abracadabrantesque et éloignée de la réalité, afin de justifier un choix contesté ou de tenter de donner une nouvelle dynamique, de manière artificielle. Cela échoue depuis des décennies, mais ils persistent, sans comprendre que la communication est bien plus forte quand elle n’est que pédagogie et explication du réel, sans le moindre compromis avec la vérité, afin de le faire mieux comprendre. Mais devant son impopularité, et à moins de deux ans de la prochaine élection, Macron s’est donc embarqué dans une nouvelle opération politicienne pour tenter de se relancer.
 
Problème, tout sent l’opération politicienne à plein nez. Si le choix de Jean Castex renforce l’OPA que Macron tente de faire sur LR et représente une épine dans le pied de Xavier Bertrand, il ne faut pas se faire d’illusion sur le poids et les chances de l’ancienne droite institutionnelle en 2022, comme l’indiquent les élections européennes et les sondages. L’ambition de parler à la droite des villes moyennes de province ne pourra pas reposer sur le seul accent du nouveau Premier ministre. Car sur le fond, son discours est extrêmement technocratique, probablement très proche de celui que servait le Alain Juppé de 1995 et toute l’emphase donnée à la méthode est une ficelle un peu grosse alors que Président et Premier ministre insistent tous deux pour maintenir la même direction.
 
Macron veut poursuivre sa réforme des retraites qui avait pourtant suscité tant d’opposition. Après avoir orchestré une baisse de la fiscalité des entreprises de plus de 40 milliards sous Hollande, à l’efficacité plus que disutable, Bruno Le Maire a annoncé une nouvelle baisse de 20 milliards. Bref, poursuite de la politique de l’offre, aberrante et sans fin dans un contexte comme le nôtre où nous appartenons à un marché unique comportant des pays où le coût du travail est 80% plus bas. Et entre les nouvelles dépenses et le refus de monter les impôts, cela amènera rapidement à des coupes budgétaires qui ne diront pas leur nom. Tout le plan pour la jeunesse est une redite des plans du passé, qui n’améliorera qu’à la marge une situation rendue d’autant plus mauvaise par le cru 2020 du baccalauréat, dont l’absence de sélectivité va provoquer un afflux d’étudiants mal préparés dans une université mal en point.
 
Un seul point pourrait marquer un changement dans la bonne direction : les initiatives contre le séparatisme religieux. Dans ce domaine, la majorité semble tourner le dos au « en même temps » qui avait permis à de vrais communautaristes, comme Aurélien Taché, de parler en son nom. Aujourd’hui, par souci électoraliste, il semble que Macron, comme Sarkozy après 2007, fasse le choix de la lutte contre le communautariste, et c’est bienvenu. Reste à savoir ce qui sera fait concrètement. Mais au global, tant le 14 que le 15 juillet, il n’y a pas eu la moindre esquisse d’un nouveau chemin, seulement une justification des choix passés et un discours alambiqué pour justifier cette nouvelle étape. Et si Macron a finalement gommé les déclarations les plus révoltantes de son discours, dénoncer la détestation qu’il suscite en l’assimilant à la violence rappelait les pires heures de la critique des Gilets Jaunes. De même, dire que « les Français ont peur » avait le côté très condescendant qui nous irrite depuis si longtemps.
 
Au global, même s’il y a beaucoup de sarkozysme dans le macronisme, entre le caractère sans gêne, les coups un peu grossiers et la revendication d’une présidence assez jupitérienne, les 14 et 15 juillet ont aussi rappelé ses proximités avec le hollandisme, entre une politique de l’offre aberrante, et une synthèse à la petite semaine sans le moindre souffle. 2022 n’est pas gagné pour lui.

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