Ces dindes qui votent pour Noël

par olivier cabanel
vendredi 4 novembre 2016

Tout le monde connait Gérard Filoche, ce syndicaliste socialiste connu pour son franc parler et qui a récemment proposé une analyse intéressante concernant ces ouvriers qui se tournent délibérément vers l’extrême droite.

Il est vrai qu’il est difficile de comprendre les raisons qui poussent aujourd’hui ce qu’il est convenu d’appeler « la classe ouvrière » à abandonner le camp traditionnel de la gauche, se tournant, peut être par désespoir, vers l’extrême droite, en argumentant « qu’ils ont tout essayé, sauf l’extrême droite », laquelle serait donc leur dernier espoir.

Il est en effet difficile de positiver sur l’impact qu’a ce gouvernement, dit socialiste, sur la frange la plus pauvre du pays, laquelle se retrouve 5 ans après l’élection, avec quasi le même nombre de chômeurs, et qui hérite en plus d’une « loi travail » aux antipodes de leurs légitimes attentes, ferment d’une logique colère qui poussent certains vers l’extrême droite...

Mais en faisant ce choix, qu’espèrent-ils vraiment ?

C’est la question que s’est posé Gérard Filoche.

Ce candidat à la primaire de gauche de 2017 fait d’abord plusieurs constats sur ce quinquennat hollandais : « François Hollande n’a pas fait ce qu’il fallait. Ce que la gauche attendait c’était une répartition des richesses (...) quand j’ai vu la loi El Khomri, j’ai dit trahison. Cette loi est une des pires que la gauche ait fait depuis un siècle. Elle a cassé les principes fondamentaux du code du Travail  ».

Estimant qu’il y a des limites à la méthode Coué et des limites à l’aveuglement, il conseille au président « de mieux prendre conscience de ce qui ne va pas et de ne pas se représenter ».

Quand 2 milliardaires possèdent plus que 20 millions de français, il trouve anormal que, quel que soit son talent et son génie, un homme puisse gagner 20 fois plus qu’un autre.

Or aujourd’hui, certains patrons gagnent plus de 400 fois le smic.

Quant aux ouvriers qui se tournent vers l’extrême droite, il se permet une belle métaphore : « ils sont comme des dindes qui votent pour Noël. Ils n’ont aucun intérêt, ils sont trompés  ». lien

On peut s’interroger en effet sur ce qui convainc à ce point une partie d’entre eux, d’adhérer aux idées du Front National... ?

Lors des départementales de 2015, près de 50% des ouvriers avaient voté FN. lien

Pour la présidentielle à venir, la tendance s’amplifie, et c’est parmi les couches salariales les plus populaires, ouvriers et employés que le FN enregistre ses meilleurs scores. lien

Est-ce dû à une crainte de se voir « voler » leur travail par cette immigration, qui comme l’on sait, prend plus d’importance aujourd’hui ?

En effet, d’après de récents sondages, l’un des moteurs de ce virage à l’extrême droite d’une partie de la classe ouvrière, porte sur la concurrence que ferait porter dans le monde du travail la présence d’une immigration de plus en plus forte.

Pourtant, selon l’enquête Arval, en 1990, 60 % des français étaient favorables à la préférence nationale concernant l’emploi, alors qu’en 2008, ce chiffre était tombé à 41%.

En 1988, 75% des français jugeaient qu’il y avait trop d’immigrés en France, alors qu’ils n’étaient plus que 52% à le penser en 2007. lien

Y a-t-il des mesures sociales propres à attirer les travailleurs, qu’ils soient ouvriers employés ou paysans ?

Au-delà de leur aveuglement, alimenté par le FN, exacerbant la haine « de ces barbares venus de mondes arabo musulman, et africains, ces galeux d’immigrés, pour lesquels le FN veut retirer le droit du sol au nom de la priorité nationale  » comme l’écrivent dans un blog Alain Hayot, Valérie Igounet et Mourad Lafitte, qu’est-ce qui peut les séduire à ce point ?

Les rédacteurs font remarquer pourtant les convergences idéologiques avec le patronat lors du conflit touchant Air France, convergences éclatant au grand jour lors des propos tenus par les Le Pen, Philippot ou Collard, étalant sans complexe leur haine de classe, bien éloigné du discours social qu’ils tiennent habituellement. lien

Si l’on en croit le chercheur Florent Goujou, ce serait les échecs des gouvernements successifs à résoudre le problème du chômage qui pousseraient ces électeurs à tenter l’alternative frontiste. lien

Mais qu’en est-il réellement de ce programme social frontiste ?

Résoudre le problème du chômage en réindustrialisant le pays, en soutenant les PME et en réformant la formation professionnelle n’a rien de bien nouveau...

Pas plus que l’indexation des salaires sur l’inflation, ou que la majoration de la TVA sur les produits de luxe...

Quant au renforcement du petit commerce face à la grande distribution et dans les zones rurales, au-delà de l’idée propre à séduire l’électeur, il reste à démontrer comment le FN s’y prendrait ?

Ajoutons que si aujourd’hui le FN critique la réforme des retraites voulue par Sarközi, on n’a guère vu les membres de ce parti dans les colonnes des cortèges lors des manifs de 2010 qui avaient pourtant réuni des millions de citoyens. lien

Si le FN promet que, pour la retraite, s’il est élu, de revenir progressivement à l’âge légal de 60 ans, le retour à 40 annuités pour une retraite à taux plein, rien ne nous est expliqué sur les moyens mis en place pour le financer, ce qui laisse planer un gros doute sur la volonté de réaliser ce changement.

Quant aux syndicats, ils en prennent pour leur grade, accusés par Marine Le Pen de « dealer avec le gouvernement  », et si elle est élue, elle supprimera le monopole de représentativité institué après la libération.

Passons sur les promesses d’augmenter de 200 euros net les salaires, sachant que les promesses n’engagent que ceux qui les croient.

Concluons sur la volonté de rendre possible les dérogations aux 35 heures, sans nous expliquer pour autant comment les hausses de salaires seraient financées.

Toutes ces analyses, et quelques autres, sont à découvrir sur cet article paru chez Médiapart.

Comme dit mon vieil ami africain : « C’est souvent trop tard quand le poisson découvre l’hameçon  ».

L’image illustrant l’article vient de penseravantdouvrirlabouche

Merci aux internautes pour leur aide précieuse

Olivier Cabanel

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