Chantage à l’Elysée
par Danièle Dugelay
dimanche 14 septembre 2014
« Comment ? Vous envisagez de refuser de voter la confiance à MON gouvernement VALLS II ? Vous voulez que je change MA politique ? Pour qui vous prenez-vous ? Moi, Président, je vous somme de rentrer dans le rang. Si des membres de la majorité prennent la responsabilité de renverser le gouvernement par des votes négatifs, je vous préviens : je dissous l’Assemblée ».
Le Premier ministre, voulant aussi affirmer son autorité, ajoute : « Je dirai même plus. Si je le pouvais, je dissoudrais aussi ! »
Evidemment, ces termes et attitudes sont le fruit de mon imagination, mais la réalité, elle, est bien celle-ci : pour obtenir que les fameux « frondeurs » votent la confiance, on leur a fait comprendre que la dissolution était sur l’autre plateau de la balance. Quel mot autre que « CHANTAGE » peut définir cette attitude ?
La dissolution est une arme que notre constitution de 1958 a voulu donner au Président de la République face à l’Assemblée Nationale. Par contre, il ne peut plus l’utiliser dans l’année qui suit, ce qui montre bien qu’il s’agit d’une possibilité qui doit être réservée à des situations exceptionnelles. En plus de soixante ans, elle n’a été utilisée que 5 fois, notamment pour éviter une cohabitation trop difficile lorsque les élections présidentielles et législatives ne coïncidaient pas dans le temps. Le Général de Gaulle s’en est servi une fois en 1962 après un vote de défiance des députés : au lieu de changer le gouvernement, il a dissout la chambre et nommé le même premier ministre à la tête du nouveau gouvernement. Ce ne fut pas à son honneur et les professeurs de droit constitutionnel y font encore allusion comme une de ses rares fautes dans le respect de l’esprit des institutions. En brandissant cet article comme une menace pour faire taire ses « opposants internes à la majorité », François Hollande banalise cette mesure exceptionnelle, confirmant par la même occasion la nécessité d’une sixième république et d’une constitution adaptée à notre temps, œuvre d’une assemblée constituante indépendante.
En fait, dans les conditions actuelles, en quoi consiste la menace pesant sur les députés socialistes si une dissolution suivait un vote de défiance :
- à l’évidence, le risque de perdre leur siège (donc leur travail), étant donné la renommée dont jouit le P.S. grâce à la politique libérale assumée, l’apparente médiocrité et les mensonges du Président, soulignés par ailleurs par la brutalité et l’autoritarisme de Manuel Valls,
- mais il y a pire pour ceux qui ont de vraies convictions de gauche. En effet, quelle nouvelle chambre pourrait sortir d’un prochain scrutin ? La Gauche, même la plus sincère, est aujourd’hui déconsidérée comme le PS, la Droite est divisée et désorganisée. Les médias ont favorisé le parti, sûrement ex-diabolique, puisqu’il est dit qu’il a réussi sa dédiabolisation, par un « look » différent, mais le costume ne faisant pas le moine, la mentalité n’a sûrement pas changé. Plusieurs éléments en font foi : les votes à l’assemblée européenne, les scandales racistes incessants, les attaques contre les associations de défense des Droits de l’Homme, les décisions des élus dans les quelques villes tenues par l’extrême droit, les diminutions ou suppressions des aides aux démunis etc… C’est le peuple que le FN fait souffrir. L’homme providentiel enfin, un Sarkozy bien connu, sorti par les citoyens avec un gros soupir de soulagement en 2012, élu en 2007 sur la base d’un compte de campagne falsifié. Il n’y aurait pas mieux en magasin selon les médias…
Ainsi, en choisissant la défiance au gouvernement Valls, les socialistes frondeurs, s’ils devaient croire la menace de l’exécutif, risqueraient d’abandonner la France et les Français aux mains d’une droite défaite ou tricheuse, ou pire d’une extrême droite qui ne cache pas toujours ses liens avec le fascisme : idéologie xénophobe, populisme dans son sens le plus abject et symbole conservé, même stylisé, fidèle au modèle de celui du MSI, le parti italien ouvertement Mussolinien.
ADRESSE À MONSIEUR LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE
Monsieur le Président de République,
Moi, citoyenne française, je vous supplie instamment, pour l’honneur de notre pays et de votre charge, d’annoncer publiquement votre promesse de ne pas dissoudre l’Assemblée Nationale, quelle que soit la réponse à la question de confiance que le Premier Ministre entend poser aux parlementaires.
Convaincue du respect que vous portez aux élus de la Nation et à leur nécessaire liberté dans l’exercice de leur mandat, certaine par ailleurs que j’exprime là un souhait partagé par une grande partie des électeurs de Gauche, je vous remercie par avance de bien vouloir examiner ma requête avec bienveillance.
Je vous prie de croire, Monsieur le Président, à l’expression de mes sentiments profondément républicains. Danièle Dugelay.