Chine-Tibet : deux peuples - un même combat contre la dictature, pour la démocratie et la paix

par Philippe Vassé
mardi 1er avril 2008

A l’hiver 1990, à Berne, eut lieu la première manifestation commune rassemblant - contre la venue en Suisse de Li Peng, l’ordonnateur du massacre des étudiants sur la place Tiananmen le 4 juin 1989 - des militants démocrates chinois et tibétains au coude à coude contre la même dictature, soutenus par des associations, organisations et syndicats suisses : celle du régime de Pékin. J’étais présent alors avec des amis dirigeants du mouvement démocratique chinois, dont des survivants du bain de sang qu’avait été la place Tiananmen moins de quelques mois plus tôt. Aujourd’hui, la question de l’unité des deux peuples, chinois et tibétain, contre la dictature qui les opprime tous deux est encore, plus que jamais, à l’ordre du jour.

Fraternité et solidarité de deux peuples pareillement opprimés

A l’heure où se déploie dans le monde entier une offensive d’une ampleur jamais vue à l’initiative des autorités dictatoriales de Pékin, pour calomnier, salir, insulter à la fois le peuple tibétain et tenter de dresser un peuple contre un autre selon un principe bien connu qui assure que « diviser, c’est régner », il m’a paru utile d’apporter ici publiquement un témoignage du combat ancien et collectif des démocrates chinois et des militants tibétains pour le droit à l’autodétermination de leur peuple, un combat qui est par essence COLLECTIF.

J’ai rarement vu une telle campagne de haine, mêlant les rumeurs les plus abjectes aux annonces les plus ignobles, que celle qui se développe contre le peuple tibétain, et qui essaie par là-même d’empêcher le mouvement démocratique chinois d’être entendu clairement.

Rappelons quelle est la position publique de ce mouvement démocratique chinois indépendant qui est l’avenir de la Chine, pays le plus peuplé du monde, sur la question nationale tibétaine : reconnaissance du droit naturel imprescriptible à l’autodétermination du peuple tibétain.

Cette position de principe a été rappelée à plusieurs reprises par le porte-parole le plus connu du mouvement démocratique chinois : Wei Jing Sheng, qui a passé 18 ans de sa vie en prison dans son pays avant d’être libéré en 1998.

Il est nécessaire de rappeler à l’opinion publique internationale ce qu’est la Chine aujourd’hui, derrière les apparences de prospérité présentées à ceux qui ne veulent pas regarder derrière l’image qu’on leur tend : une dictature au profit d’une petite minorité de la population, dictature qui s’appuie pour maintenir et développer ses prébendes, fondées sur une corruption effrénée, sur l’appareil d’Etat et du Parti unique, qui n’a plus de « communiste » que l’appellation incontrôlée, selon un satiriste chinois.

De manière générale, le parti unique, le PCC, et l’Etat, ne font qu’un, cela au profit de quelques dizaines de millions de privilégiés de plus en plus riches pendant que la majorité du pays s’enfonce dans la pauvreté et les difficultés quotidiennes.

Une simple visite des usines dans les zones du sud de la Chine suffit à ramener l’observateur aux conditions ouvrières de vie et de travail pires que celles décrites dans Germinal : violences quotidiennes, brutalités permanentes, amendes, harcèlement sexuel des femmes, viols, humiliations incessantes, situations dégradantes pour la personne humaine, tout y passe.

Ceux qui douteraient de cette réalité peuvent se référer aux informations des syndicalistes chinois indépendants : newsletter@newsletter.clb.org.hk

Car derrière la vitrine d’opulence présentée par la dictature de Pékin, la réalité est dramatique : de haut en bas de l’économie, la corruption sévit et provoque des difficultés croissantes qui tendent à disloquer y compris l’appareil d’Etat.

L’inflation galope, les sociétés étrangères sont engagées dans un processus de délocalisation rapide hors du pays, les exportations chutent, les importations explosent, le chômage de masse devient intolérable pour une large partie de la population, une spéculation inimaginable détruit l’environnement urbain et provoque des centaines d’émeutes urbaines quotidiennes dans tout le pays, sans oublier les grèves et manifestations ouvrières ainsi que les révoltes dans les campagnes qui se multiplient comme un feu de poudre.

Un gigantesque pays au bord du gouffre et de plus en plus incontrôlable

Devant le flot des difficultés générées par sa politique et la corruption des élites dirigeantes qu’il représente, le gouvernement louvoie entre les reculs locaux et la répression acharnée, entre la satisfaction aux revendications populaires et la violence policière, voire militaire contre les citoyens chinois.

Dans ce contexte, les révoltes ou émeutes au Tibet s’expliquent naturellement, du fait que les citoyens tibétains sont victimes à la fois d’une répression accrue et d’une pauvreté plus accentuée, du fait des conditions économiques locales et surtout de la mainmise sur les ressources par les « colons » envoyés par Pékin pour « siniser » le pays.

Au passage, pour l’ironie sur l’ignorance terrifiante des réalités locales des thuriféraires du régime pékinois sur les cultures en Asie - thuriféraires qui essaient de faire accroire que la « CIA a donné des armes aux moines et nonnes de Lhassa » -, il importe de rappeler une réalité que toutes les populations d’Asie connaissent bien tant elle est partie de l’histoire du continent : les moines et nonnes bouddhistes tibétains sont des adeptes du pacifisme le plus complet.

On ne saurait donc les confondre, sauf pour des esprits particulièrement pervers ou amateurs de fictions hollywoodiennes aux « moines » du célèbre temple chinois de Shaolin, qui a rendu fameux dans le monde le « kung fu chinois ».

Mais, ceci étant clarifié, ce qui se passe au Tibet est indissociable du mouvement général de la société en Chine.

La révolte contre le système dictatorial de Pékin est devenue générale, et le feu couve dans toutes les parties de la Chine.

A l’évidence, les autorités, qui ne contrôlent plus l’inflation sur les prix des matières de base, subissent la hausse exponentielle des tarifs des matières premières, font face aux délocalisations massives et aussi aux faillites d’entreprises pour « faits de corruption », appelés ici « mauvaise gestion », et perdent la mainmise sur la situation sociale du pays.

La répression au Tibet, dans un tel cadre, répond à deux priorités pour le pouvoir en crise à Pékin :

1- essayer de dévoyer l’attention du peuple chinois sur un problème extérieur en tentant de créer un vent de nationalisme au seul service politique de la dictature. Les étudiants chinois hors de Chine, filles et fils de l’appareil dirigeant d’Etat, du parti unique et des cadres des sociétés privées nées des privatisations, sont ici dans le rôle naturel de relais et haut-parleurs du régime qui protège leurs intérêts matériels ;

2- essayer d’intimider le mouvement de colère montant en Chine par une répression impitoyable des émeutes au Tibet.

Bilan provisoire d’une situation appelée à évoluer de plus en plus vite

Quoi qu’il en soit, le régime a déjà perdu dans cette « affaire » du Tibet son image « favorable » et « de démocratie en marche ».

Il est apparu tel qu’il était : une dictature prête à tout pour préserver ses luxueux privilèges exorbitants sur le société chinoise toute entière.

Mais, les bases du développement économique en Chine sont maintenant sapées par un quadruple fléau :

1- la cherté des matières premières et leur raréfaction croissante ;

2- la montée des grèves et émeutes sociales, qui oblige à des reculs significatifs, encourageant à leur tour d’autres secteurs à agir collectivement de même ;

3- le départ des entreprises et capitaux étrangers de Chine ;

4- l’inflation incontrôlable des prix des produits alimentaires de base, qui accélère et nourrit la montée de la colère sociale de masse au sein de la population, tant urbaine que rurale.

Le régime est en voie de perdre sa légitimité qui se trouvait depuis près de 20 ans dans la croissance économique et la prospérité espérée.

La réalité quotidienne a détruit ces attentes et espérances : inflation galopante, licenciements de masse, émeutes et grèves se multiplient car le peuple chinois vit en majorité écrasante une situation qui devient explosive.

De manière symbolique, les Jeux Olympiques de Pékin, qui devaient devenir une sorte de consécration internationale du régime dictatorial, sont devenus dorénavant une menace pour la stabilité politique en Chine et une fenêtre sur la réalité profonde de la Chine en 2008.

D’un succès annoncé, la dictature de Pékin est en voie de créer, par ses propres actes contradictoires et sa répression sanglante au Tibet et en Chine même, une situation qui ne peut que lui échapper des mains à terme rapproché, sous les yeux effarés du monde, lors de ces Jeux Olympiques qu’elle a voulus à tout prix.

Certains signes sont annonciateurs du futur : ainsi, hier, à Taipei, le président de la République, élu le 22 mars 2008, Ma Ying Jeou, manifestait avec la population taïwanaise et les militants tibétains et démocrates chinois contre ce qui se déroule au Tibet et... en Chine. Du jamais vu à Taïwan et au monde !!!

D’un certain point de vue, sa présence rappelait que la démocratie est aussi un droit pour la Chine et le Tibet, son élection dans un pays de langue et de culture chinoises démontrant que la démocratie est la seule voie raisonnable pour tous les peuples de la région et pour la paix.

Dans l’intérêt de tous les peuples du monde, il est essentiel que tous les secteurs de l’opinion publique internationale apportent leur soutien inconditionnel aux peuples chinois et tibétain, contre leur ennemi commun : la dictature de Pékin, anomalie anachronique en 2008 et danger potentiel pour les peuples sous sa férule.

Ce soutien général prépare l’avenir et peut seul contribuer à apporter au plus vite la démocratie politique et sociale en Chine, la liberté au peuple tibétain et des possibilités partagées de prospérité pour le monde entier.

NB : l’auteur est parmi les premiers citoyens français à avoir travaillé, avec d’autres, aux côtés et avec le mouvement démocratique chinois et tibétain depuis mai-juin 1989. Il a assuré aussi de nombreux liens, contacts et traductions pour le mouvement démocratique et les syndicats indépendants chinois, notamment via une collaboration avec le China Labour Bulletin - Bulletin des Travailleurs chinois, publié à Hong Kong par le dirigeants syndical Han Dongfang. Il soutient activement démocrates, syndicalistes et dissidents chinois dans leur lutte difficile en Chine.


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