Chirac, le repos sans la paix

par LM
jeudi 22 novembre 2007

On achève bien les vieux : notre déjà ancien président de la République, Jacques Chirac, mangeur de pommes et de tête de veau, s’est vu signifier hier sa mise en examen pour détournement de fonds. Bernadette doit-elle commencer à économiser les pièces jaunes ?

Dans une semaine, Jacques Chirac soufflera sa 75e bougie. Pas encore à l’ombre, mais le sourcil froncé, quand même, après la mise en examen prononcée hier à son encontre dans l’affaire dite des « chargés de mission de la ville de Paris. » Un cadeau de départ à la retraite aussi tardif que boiteux pour l’homme coriace, qui avait jusque-là, de par son statut de chef d’Etat, pu échapper aux soupçons ou aux convocations. Aujourd’hui, le grand Jacques (comme son vieil ami de 30 ans Pasqua Charles) membre du Conseil constitutionnel et touriste en tongs à ses heures, ne contrôle plus son destin. La juge d’instruction Xavière Simeoni s’est donc logiquement engouffrée dans la brèche pour épingler ce gros poisson-là. Lequel gros poisson, comme d’habitude chez les politiques qui tombent, s’est dit, par l’intermédiaire de son avocat, « pas forcément mécontent d’avoir pour la première fois l’occasion de s’exprimer sur ce dossier. » La formule est savoureuse : c’est plutôt la justice qui n’avait pas jusque-là l’occasion de l’entendre. Mais on prend acte : le retraité du Limousin se montre « soulagé » de cette mise en examen, qui devrait lui permettre, selon ses dires, de tordre le cou à de vilaines rumeurs.

A l’Elysée, aujourd’hui tenu de main de maître par M. Sarkozy, silence radio. A l’UMP, en revanche, chacun y va de son couplet de soutien, plus ou moins mou, plus ou moins visiblement insincère à l’adresse de leur ancien chef de troupes. Mais c’est à gauche que le spectacle est le plus drôle, bien sûr. Une mise en examen de Chirac, Montebourg attendait ça depuis qu’il est né, ou pas loin. Le député PS, aujourd’hui marginalisé, sorte de Mamère bobo qui fait ce qu’il peut pour plaire encore à Ségolène tout en hésitant à y croire, Lou Ravi Montebourg donc, s’est empressé de réagir : «  C’est bien tard pour s’en prendre à un homme âgé, qui a des problèmes de santé et qui est retiré de la vie publique.. C’est une sorte de... victoire posthume ». Toujours le mot pour rire, ce Montebourg. Chirac mis en examen ? Qu’il repose en paix ! François Hollande, lui, premier secrétaire de rien, préfère temporiser : il ne souhaite « pas faire de polémique » et « fait confiance à la justice ». En voilà un, ce Hollande, qui sera toujours à l’abri d’un bon mot. Incapable de se délester de cet embonpoint lexical, qui le situera toujours quelque part entre le commandant par défaut et le bouffon pas drôle. André Vallini (André qui ?) que Le Monde nous présente comme le « secrétaire national du PS chargé de la justice » (pourquoi pas ?) indique, lui, que Chirac ne « ne doit faire l’objet d’aucune indulgence ni d’aucun acharnement particulier », ce qui ne mange pas de pain, alors que l’agité de l’OGM, Noël Mamère, toujours énervé, note lui que « Cette mise en examen n’est ni une bonne ni une mauvaise nouvelle, c’est la preuve que la justice prend un peu son courage à deux mains pour mettre en examen quelqu’un qui n’a plus de pouvoir. On aimerait qu’elle soit aussi dure et aussi intraitable avec ceux qui ont aujourd’hui du pouvoir ». Le jour où Mamère se déclarera satisfait de quoi que ce soit, Chirac sera sorti de prison !

Bref, la mise en examen de l’ancien président rangé des voitures n’émeut pas plus que cela la classe politique. On ne saura que dans quelques jours si elle tient d’un quelconque lâchage de Sarkozy, qui avait, selon certains journalistes, assuré Chirac d’une impunité totale au soir de sa victoire. Un Sarkozy qui pourrait bien pourtant goûter avec un certain plaisir (dissimulé bien sûr derrière de grosses lunettes noires) cette mise en examen-là, après les gros ennuis du très (trop ?) chiraquien Villepin, son ennemi de toujours. Sarko serait-il en train de vider ses placards de tous leurs cadavres ?

On verra aussi bientôt si cette péripétie judiciaire n’est qu’un hoquet dans la digestion de Chirac ou le début d’une grosse indigestion d’affaires. Parce qu’il y a aussi quelques frais de bouches par ci, quelques billets d’avion par-là, quelques HLM de la ville de Paris, une affaire Clearstream ailleurs, une propriété de Bity embarrassante, enfin deux ou trois autres casseroles dont d’autres feraient une batterie. De là à penser que celui qui invitait la France à manger des pommes risque de finir à avaler des oranges, il n’y a qu’un pas. Un pas assez grand quand même, une enjambée osée qui ne se fera pas sans mal.

... Ou qui ne se fera pas du tout. Car ce style de coup médiatique politico-judiciaire, que même Roland Dumas (qui s’y connaît) n’a pu que dénoncer, ne sert qu’à amadouer le pékin moyen en lui faisant croire que finalement, si, la justice est la même pour tous. Jacques Chirac, évidemment, ne risque pas plus la prison que Montebourg d’être un jour candidat PS aux présidentielles. En politique comme au catch, la mise en scène compte pour beaucoup.


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