Comment en finir avec les populismes

par Yannick Comenge
jeudi 30 juin 2011

Une fois de plus le Front National est en train de gacher le débat d'idée de la présidentielle. Quelques idées donc pour en finir avec les populismes... en fait, ce billet est une forme de boite à idée.

La France est sur une pente fatale, celle du populisme. À l’instar de l’Europe, elle voit une population qui vieillit, des systèmes d’égalité sociale qui se grippent, une concurrence internationale qui la broie au fil des transferts de technologie. Le cap fatidique, qui est décrit par Dominique Reynié pour 2015 consiste en des signaux démographiques s’alourdissant : plus de vieux, moins de jeunes et enfin l’afflux de migrants issus de tous les pays en développement. Le migrant cristallisant l’ensemble des problèmes mal résolus par des politiques apeurés et confondant « comm » et bilan réel. La France pourtant est mieux lotie que l’Allemagne qui verra disparaitre « les Allemands » vers 2300 selon les démographes.
 
Ce genre de mécanique, déjà lourdement vécue par le Danemark, l’Autriche, l’Italie a contribué en l’essor de partis extrémistes de plus en plus implantés. L’idée de peur pour sa nation, son drapeau a été rejoint par l’idée d’insécurité pour sa culture héritée, pour sa maison, son environnement local : tout cela se concrétionne dans ce nouveau paradigme : le populisme patrimonial, une sorte de gloubiboulga de peurs irrationnelles, mais très ressenties. Il s’agit du terreau du FN. Grâce au rajeunissement d’image que pousse Marine Lepen, les idées frontistes revigorées par la décomplexions des élus UMP sont plus que ravivées. Les propos de Ciotti, de Guéant, les condamnations d’Hortefeux sont autant d’huile sur le feu pour notre bonne vieille démocratie devenue fort fragile. En ce sens Nicolas Sarkozy est devenu le champion d’une banalisation du frontisme. Il a même réussi le grand défi de ringardiser le Front National uniquement sur son programme économique tout en évitant de heurter un électorat sur les sujets d’immigration. Il a instrumentalisé le FN sur l’échiquier politique comme l’ont eu fait Chirac et Mitterrand : Nicolas Sarkozy se présentant comme le seul rempart au nationalisme. Ceci est élément à garder à l’esprit, car bon nombre de gens apeurés par le FN considèrent que voter à gauche conduirait à une vague extrême pour les élections suivantes. Pas plus que ce dimanche, Borloo s’est également déclaré comme candidat anti-FN idéal. C’est un argument de vente pour certains, mais in fine c’est un jeu dangereux qui divise les français, crée des fractures sur la couleur, la religion, un droit du sang ou du sol.
 
Aussi comment lutter contre ce populisme ? La Boite à idées se remplit très vite.
 
En premier lieu, en gardant à l’esprit les tirades récentes sur les migrants tunisiens qu’on aurait dû renvoyer sur des bateaux, il y a quelques bases à rappeler.
 
- Il faut réapprendre à parler des sujets migratoires en les dédramatisant et en évitant l’instrumentalisation politicienne. Dans ce cadre-là, l’UMP doit changer. C’est un prérequis à l’extinction du parti frontiste. La gauche doit sortir de l’angélisme, car cela emprisonne les populations issues de l’immigration dans des ghettos : ghettos sociaux, ghettos symboliques et causant une forme de fatalité dans le sort des primomigrants et des Français issus de l’immigration. Le migrant est sympa pour la gauche, il est victime et on doit le défendre sur tout. Face à ces communications décalées, il faut reparler sainement de l’immigration.
 
- Il faut peut-être montrer une autre image des migrations et des gens issus de l’immigration. Il ne s’agit pas de supprimer les problèmes liés à l’intégration ratée, mais parler différemment du migrant serait un Plus. Qui sait que bon nombre ont traversé des mers, éviter moult fois la mort pour arriver jusqu’à nous. C’est un gage de motivation, non ? Rappeler que certains sont très jeunes et qu’on ne peut pas dignement leur refuser cette porte d’entrée au vu de cette énergie qu’ils ont eue et qui aurait pu conduire ces corps jeunes à des naufrages à deux encablures des Canaries ou de Lampedusa. C’est à garder à l’esprit.
 
- L’image du migrant c’est aussi de celui qui accepte de tout donner contre un peu d’hospitalité… c’est le cas de l’ensemble de ces petites mains qui font marcher le BTP et les autres secteurs difficiles du pays. Réaliser cela c’est signer pour une autre vision du migrant qui s’active et bosse pour vivre et payer aussi l’impôt. À ce titre-là, ce sont les entreprises qui abusent du travail au noir et des sans-papiers… retournons les clichés pour montrer qui sont les fautifs d’une intégration ratée.
 
- Marteler qu’un français ce n’est pas une religion ou une couleur de peau, mais une adhésion à des principes républicains et laïques. C’est stratégique, car comme l’indique Dominique Reynié dans son ouvrage, si on prend l’exemple allemand, les blancs seront moins de 10% de la population germanique dans deux siècle. Aussi vaut-il mieux faire comprendre que « faire nation » c’est adhérer à des principes dénués de vieilleries religieuses ou raciales. C’est abandonner la bigoterie qu’elle soit voilée, catéchisée…
 
- Aider les enfants de l’immigration : ceci doit exclure des saupoudrages de discrimination positive. Il faut investir dans les quartiers populaires. Les classes d’enfant aujourd’hui sont une reproduction sociale de l’environnement humain. Ici, une rue sera de racine africaine ou turque ou chinoise, c’est ce qu’on appelle par exemple « quartier chinois » banalement. Là dans certaines écoles, le français n’est pas parlé. Non pas par communautarisme, mais juste parce que les nouveaux nationaux ont été zappés de l’éducation du français. En ce sens, une rectrice a produit beaucoup d’émotion récemment alors qu’elle s’inquiétait du « zéro chance » proposé à des générations de gamins, tous à 30 dans des classes, avec un seul prof désemparé. Ce n’est pas une formule pour s’intégrer et apprendre une langue puis savoir écrire le français pour juste mieux vivre ensemble. Plus globalement, une véritable politique d’alphabétisation des parents, des enfants seront utiles… Quand dans certaines classes, on compte plus de 20 enfants qui ne parlent pas le français et dont les parents ne le parlent pas, il faut probablement un effort de la part de l’éducation nationale et surtout un engagement gouvernemental… Cela n’est pas fait avec les moyens qu’il faudrait. Du cout, on « antisélectionne » ces jeunes.
 
- Une sensibilisation des femmes migrantes à leur rôle dans l’intégration au sein d’une culture française laïque et fédérée autour du respect justement de la femme. Elles sont souvent oubliées, car déresponsabilisées par nos bonnes politiques. Et pourtant, une mère est celle qui sera le plus en contact avec les futurs citoyens français… engagée des efforts vers ces populations est crucial.
 
S’attaquer aux dérives des populismes.
 
C’est le deuxième axe. Construire une manière de voir l’autre. C’est l’essentiel. Aussi pour cela, il faut cristalliser l’aspect ringard qui conditionne la création de partis populiste.
 
Être FN aujourd’hui c’est vécu comme un facteur de courage vis-à-vis de la nation. Or, il faut montrer combien ce positionnement va à l’encontre de nos valeurs.
 
La lutte contre les foyers de recul républicain. Cela peut être des associations à visée religieuse ou identitaire qui dans le cadre d’aide sociale vont prêcher des idées d’apéro-saucisson ou du tout « bourka ». En ce sens la démystification de certains tenants d’une France morcelée et populiste sont à combattre. Et à ce niveau, les Tarik Ramadan de gauche et de droite sont nombreux.
Donner l’exemple. L’un des viviers du FN et du populisme, ce sont les mauvaises pratiques des élus. Alors que bon nombre sont dévoués, une minorité se trouve prise dans les scandales… rien de tel pour mener la généralisation la plus classique qui soit. Depuis Maurras on sait que cela fait le corpus idéologique de l’extrémisme… en ce sens, il faut que les partis démocrates puisent toutes leurs ressources pour déboulonner sans scandale ceux qui flanchent éthiquement.
 
Surtout et c’est l’axe qui a déjà été abordé par Julien Bayou sur le Plus, donner une voix aux votes blancs. C’est constituer une sonde démocratique efficace. C’est trouver enfin un moyen de mettre en avant des échecs politiques. Ces abstentionnistes donnent un message important qui est mal écouté alors qu’il pourrait éviter les dérives extrêmes. Donner un poids à l’abstention c’est changer de cap démocratique : les extrêmes paraitront dérisoires numériquement par rapport à la voie du vote blanc ou de l’abstention.
 
Enfin, redonner du sens à la dignité de chacun. Du plus petit niveau au plus haut, il faut trouver des zones de partage et de fraternité. Il y a certes le foot, les cercles maçonniques, il faut trouver d’autres endroits pour cultiver le fait d’appartenir à une nation européenne issue des migrations et des melting pots de l’histoire contemporaine ou lointaine. On voit des associations déjà qui ont compris ce genre d’enjeu, je citerai l’association Macaq qui œuvre sur Paris à l’insertion, qui fait du co-développement, mais aussi devient une plateforme d'échange sans fixation sur des détails de couleur, de religion…
 
Rétablir chacun dans sa responsabilité. C’est donner un travail, des solutions humaines à des problèmes divers. Aujourd’hui, on s’éloigne bien de ces principes avec une communication qui confond échanges et ordres à subalternes. Il faut donc renouer les liens sociaux, humains et fraternels. C’est ce qui soude une nation contre les appétits populistes. En ce sens là, ce sont les DRH et les chefs d’entreprises qui doivent piger le changement à organiser… Mieux vaut s’acheter sa Porsche en fin de carrière : ainsi l’employeur préférant embaucher sur des contrats dignes aura plus de plaisir à réaliser ses rêves plutôt que de chercher l’hyper-rentabilité afin d’assurer des achats compulsifs.
 
En conclusion,
 
Le Populisme et la lutte contre le FN nourrissent des boites à idées complexes à synthétiser, mais in fine, le vivre ensemble et l’intégration coute moins que la ruée vers l’extrême. Aujourd’hui c’est l’extrême droite qui est le problème du vivre ensemble. Face à cela ce sont les républicains de Mélenchon jusqu’aux bonnes volontés de droites qui pourront faire bloc, en laissant évidemment la parole à des têtes nouvelles. Le monde de demain, ce n’est pas avec les anciennes générations qu’il faut le modeler, il faut le construire avec les nouveaux venus en politique.
 
Je finirai par une forme d’ouverture du débat. Aujourd’hui, extrémismes et populismes focalisent sur l’Europe et les migrations. Il serait opportun de traiter de manière identique les groupuscules extrêmes et les spéculateurs qui cassent une idée du vivre ensemble européen. Leur méthode est équivalente. La Grèce en est un exemple probant et c’est au travers de ce symbole d’un pays aux abois qu’il faut trouver aussi les idées qui combattront ces tourbillons d’idées dévastatrices. Là, nous touchons à l’essentiel. Europe et démocratie étant liées en termes de survie face à des populismes ou des comportements individualistes qui poussent à des réactions populistes.

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