Comment la France a brisé sa propre légende du « rebelle modéré »
par Ollie Richardson
mardi 24 juillet 2018
Et voici donc le geste tellement humanitaire de la France envers les gens de la Ghouta orientale, en Syrie…
Par Ollie Richardson (traduit par Flavio Fragomeli)
Pour ceux qui sont peu familiers de la dernière nouvelle « émouvante » mettant en relation la France et la Ghouta orientale en Syrie, voici un aperçu :
« Un avion militaire russe Antonov An-124 Ruslan a acheminé 44 tonnes d’aide humanitaire française provenant de l’aéroport de Châteauroux à l’aérodrome de Hmeymim, a annoncé samedi le ministère russe de la Défense. La cargaison a été envoyée en Syrie conformément à la décision prise conjointement le 24 mai à Saint-Pétersbourg par les présidents russe et français visant à fournir à la population syrienne de l’aide humanitaire.
‘Un avion An-124 Ruslan assuré par les forces aérospatiales russes a acheminé 44 tonnes d’aide humanitaire sur l’aérodrome syrien de Hmeymim en provenance de l’aéroport français de Châteauroux’, a indiqué le Ministère.
L’avion russe a livré des médicaments et de l’équipement médical d’urgence, des vêtements, des tentes et des produits de première nécessité.
Les médicaments et les biens de première nécessité livrés en Syrie ‘seront distribués notamment aux hôpitaux gérés par le Croissant-Rouge arabe syrien pour répondre aux besoins de la population civile, qui a encore aujourd’hui grandement besoin d’assistance dans la Ghouta orientale’, a ajouté le Ministère.
‘Le suivi de la cargaison sera effectué conformément au règlement de l’ONU, avec le soutien de la Russie et au regard du droit humanitaire international’ a indiqué le ministère russe de la Défense. »
Rentrons maintenant dans le cœur du sujet. Il est connu de tous que la position de la France concernant la Ghouta orientale est très similaire à celle de l’Occident lors de la libération d’Alep. En d’autres termes, l’ours russe assoiffé de sang veut en finir avec les « innocents rebelles » qui résistent au « tyran » Assad. La télévision française diffusait au minimum une information ou un documentaire par jour provenant directement de l’agence de propagande rebelle « SMART News Agency » et les Casques Blancs, dans le but de faire avaler leur récit selon lequel la Ghouta orientale serait un territoire qui est séparé de l’Etat syrien, et qui serait pratiquement membre de l’Union Européenne et de l’Otan. Ainsi, si Assad attaquait la Ghouta, cela serait comparable à une attaque sur un pays membre de l’UE/Otan et donc, l’Article 51 pourrait être invoqué à tout moment !
Les médias français, comme tous les médias mainstream, ont été très attentifs à ne pas montrer trop en profondeur ce qu’était réellement l’enclave « rebelle ». Les Casques Blancs ont été utilisés comme principaux anesthésiants, courant et criant à travers les ruines sous une épaisse fumée. Ce fut suffisant pour convaincre le téléspectateur amorphe et nourri aux médias mainstream que quelque chose de grave était arrivé, et que les sauveteurs des Casques Blancs, les chouchous des Américains, étaient à la rescousse pour sauver l’ordre libéral « démocratique » - un peu comme un débarquement de Normandie 2.0.
Plus l’Armée Arabe Syrienne accompagnée de l’aviation russe s’approchaient des positions « rebelles » dans la Ghouta, et moins les médias français parlaient du prétendu assiègement. Mais au début, ce fut comme-ci un génocide se produisait et que le Tribunal de la Haye attendait Assad et/ou Poutine. Par exemple, le 10 avril le quotidien Le Parisien affirmait catégoriquement que tous les bâtiments contrôlés par le gouvernement légitime en Syrie produisaient des armes chimiques :
France dedicates its main newspapers to supporting Al-Qaeda. There is even a “chemical weapons" cartoon that resembles the ones used by Bush’s America to justify bombing Iraq. @ejmalrai recently said that journalism is on the floor - what more proof is needed ? pic.twitter.com/MWk7fycys3
— Ollie Richardson (@O_Rich_) April 10, 2018
The source of the cartoon’s information ?
• @hrw - yes, @KenRoth. Enough said. • @syriahr - yes, "the man from a bedsit in Coventry”. Enough said. • @AFP - an agency that has supported Al-Qaeda since day 1 of the war. …aaaaand that’s it. Very convincing... pic.twitter.com/PI7gBthu8I — Ollie Richardson (@O_Rich_) April 10, 2018
The opening paragraph is littered with conditionals :
• IF - “If it is proven that Assad again used chem weapons…” It was proven before ? • COULD - “...the president could…" Russell's teapot in full effect. Might as well say “if a dragon attacked France, Macron could…" pic.twitter.com/F6bYayM1f6 — Ollie Richardson (@O_Rich_) April 10, 2018
Here is a close up of the cherry on the cake from today’s Le Parisien. It’s a copy and paste of what was used to push Obama to strike Syria. The newspaper shows Macron as someone who is weak because he won’t bomb Syria.
“Attention, don’t cross this red line again, Bashar !” pic.twitter.com/NrAeL7A9IK — Ollie Richardson (@O_Rich_) April 10, 2018
According to the interviewed director of some French NGO - Bruno Tertrais, the West has two options : focused missile raids or to just bomb the “command centres in Damascus”. I.e., this newspaper violates the Geneva Convention by calling to unilaterally bomb another country. pic.twitter.com/BAXInqTgAa
— Ollie Richardson (@O_Rich_) April 10, 2018
Cependant, l’Occident avait un problème : comment montrer au monde qu’à l’intérieur de la Ghouta se trouvaient des « rebelles » innocents voulant uniquement faire partir le « tyran » Assad tout en cachant la vérité – la Ghouta était prise en otage par des djihadistes financés par ces mêmes occidentaux ? Grâce un false flag à l’arme chimique.
Cette mise en scène a permis aux caméras de braquer l’attention à l’intérieur de la Ghouta plus longtemps d’une manière contrôlée (montrer la « scène du crime », diffuser des interviews de la « population locale » convaincue « qu’Assad attaque son propre peuple ») sans exposer leurs propres arnaques (montrer les drapeaux d’Al-Qaïda, les graffitis takfiri, etc.).
Mais il y avait un autre problème : cela allait avoir un effet temporaire limité étant donné que l’Etat syrien est reconnu par l’ONU et par conséquence, la Ghouta est de facto sujette aux lois syriennes. De plus, si Assad avait réellement commis de tels atrocités, le trainer devant la Cour pénale internationale aurait dû être aussi simple que ce le fut pour les Serbes et les Africains. Par conséquence, les occidentaux ont dû faire attention de ne pas critiquer les mêmes lois qu’ils exploitent au nom de leurs « interventions humanitaires ». Si vous comptez agiter la Charte des Nations Unies, et peut-être même des fioles d’anthrax, alors vous devez également périr par l’épée. Après tout, Assad est légitime selon la version occidentale du droit international, à moins que la définition de « démocratie » ait changé récemment ?
Mais comme nous le savons, le temps c’est de l’argent, et c’est ainsi que la France a failli se faire prendre les mains dans le sac. Des dizaines de vidéos étaient diffusées en masse montrant les habitants de la Ghouta courir vers les territoires contrôlés par l’armée syrienne et par la police militaire russe, les embrassant et les remerciant de les avoir libérés.
La France savait que le temps jouait en sa défaveur. Ainsi, comme c’est aujourd’hui la norme européenne, la Ghouta a peu à peu disparue des grands titres tel un enfant qui jette son jouet démodé à la poubelle. L’Ukraine est un exemple encore plus flagrant de cette tactique – un blackout total de l’information a été imposé pour couvrir comment l’Occident a détruit un état souverain et massacré sa population en provoquant une guerre civile.
Si par le passé nous pouvions voir chaque jour des vidéos de barils explosifs et d’avions militaires russes « terroriser » les citoyens « révolutionnaires » de la Ghouta, dès que la région fut totalement libérée il y eut un long chant de criquet dans les médias français. La position de la France était que la Russie et Assad avaient « envahi » une Syrie parallèle imaginaire née en 2011 qui n’avait aucun lien avec son histoire, et tout simplement avec la réalité. Cependant, les communiqués officiels de l’Elysée exprimaient de « l’inquiétude » quant à la situation humanitaire dans la Ghouta, d’autant plus qu’elle était maintenant « tombée sous les bombardements » du régime d’Assad. Le fait que depuis 2011 la France n’a jamais réellement envoyé de l’aide à ces « rebelles modérés », et concrètement à personne d’autre ayant pourtant été réellement victime de violations du droit international n’avait aucune importance, du moment que Paris pouvait envoyer des millions d’euros d’armes à leurs proxys, ce que Macron et compagnie s’en gardent bien d’en faire des communiqués tonitruants. Après tout, on ne sait pas comment un missile peut résoudre une famine, mais bon…
Syrian troops seized French-made APILAS anti-tank systems in Daraa provincehttps://t.co/hd3GZ7sGMk pic.twitter.com/saxdN3soqm
— Defence blog (@Defence_blog) July 10, 2018
Retournons maintenant à la première section de l’article : la France a pour la première fois envoyée de l’aide humanitaire dans la Ghouta. En mettant de côté le fait que l’Organisation pour l’Interdiction des Armes Chimiques (OPCW) a annoncé ne pas avoir trouvé de preuves de l’utilisation de gaz sarin, pourquoi la France s’associe-t-elle au « monstre » russe pour livrer de l’aide humanitaire à la Ghouta ?
Hey, remember when Trump bombed Syria last April because U.S. INTELLIGENCE found that Assad had used sarin gas ? REPORT : NO SARIN. NO NERVE GAS. https://t.co/b29mRNKUwo
— Ann Coulter (@AnnCoulter) July 18, 2018
Et c’est ici que les incohérences sautent aux yeux. La Russie était conforme à ses objectifs avant, pendant et après l’offensive sur la Ghouta. La Russie a affirmé qu’il y avait là-bas des terroristes et que l’état syrien nettoiera ses terres de cette vermine. A cet égard, à aucun moment pendant la guerre la Russie ne peut être accusée d’avoir manqué en constance. Il y a assez de preuves montrant que les résidents voulaient que l’armée syrienne les libèrent, et qu’Al-Qaïda les retenait effectivement en otage. A contrario, les objectifs déclarés de la France ne sont pas du tout cohérents. Elle disait que la Russie et Assad massacraient des civiles innocents qui résistaient au « régime ». Alors pourquoi la France travaille-t-elle maintenant avec la Russie pour acheminer de l’aide humanitaire à cette même Ghouta qui était semble-t-il, bombardée à tort et occupée par la Russie ?
Si ce que la France disait dans le passé était correct, alors il est tout simplement inimaginable qu’une telle coopération puisse avoir lieu ! Après tout, la Russie est l’ennemie qui massacre des gens comme Hitler (un autre « ami » de l’Occident) faisait ! Les médias français ont répété cette thèse sans arrêt, aussi bien à la télévision que dans les journaux. Le fait même que la France ait livré cette aide humanitaire prouve (selon la version occidentale du droit international où la définition de « preuve » est subjective et il n’y a pas besoin de preuve tangible, comme l’a montré Colin Powell) que le conte de fée des « rebelles modérés » résistant au « boucher de Damas » n’était qu’un ramassis de mensonges. Sinon, pourquoi les médias français ne vont-ils pas maintenant dans la Ghouta interroger les habitants sur ce qui s’est passé ces derniers mois ? Quel est le problème ? Vont-ils dire de bonnes choses sur le « tyran » Assad et son complice russe ?
Si la Russie était vraiment le « monstre » que les médias français représentaient pendant toute la guerre syrienne, que dire alors de Macron qui collabore maintenant avec ce « monstre » ? Les bras de Poutine seraient, semble-t-il, trempés de sang jusqu’aux coudes, alors comment Macron peut-il seulement parler à Moscou et aller jusqu’à transporter dans ses Antonov de l’aide humanitaire française dans une ville que la Russie contrôle ?
La vérité est qu’une fois que les djihadistes ont été éliminé, la France a dû laisser tomber le sujet de la Ghouta comme une patate chaude. Et maintenant que la distraction de la Coupe du Monde est terminée, la France essaye de redorer son blason en prétendant qu’elle était du côté de la Russie durant toute la guerre. Bien sûr, le spectateur moyen affalé devant sa télévision n’y verra que du feu. En fait, la chose la plus alarmante dans tout cela est combien il est facile de duper une nation. La personne moyenne dans la rue est trop occupée à faire des selfies et célébrer la victoire de la Coupe du Monde (au pays de la méchante Russie, souvenez-vous !) pour se soucier de choses qui affectent directement leur vie. Et même si le garde du corps de Macron se comporte comme les rebelles « modéré » de Syrie en face des caméras, il n’y aura pas d’indignation.
When Russian law enforcement detains the fifth column provoker @navalny every time he stages an unsanctioned rally, the MSM screams "Putin's regime". But when @EmmanuelMacron's security detail violates someone who hasn't even committed an offense, there are no such headlines. pic.twitter.com/gt9hyoXjZq
— Ollie Richardson (@O_Rich_) July 19, 2018
Il sera très intéressant de voir comment les médias mainstream présenteront l’offensive prochaine dans la région d’Idlib. Ce ne serait pas surprenant s’ils abandonnaient leurs précieux copains de l’ASL (Armée syrienne libre) et continueront à caresser l’ours russe, puisque la guerre syrienne est maintenant terminée et que l’Union Européenne a besoin de l’argent de l’Eurasie pour compenser le chantage le chantage économique de l'amérique.
Finalement, la Syrie aura le dernier mot, puisque la qualité de vie en France s’effondre de plus en plus au fil des jours (le prix des denrées alimentaires sont les plus élevés depuis 10 ans, selon la télévision française). Les Casques Blancs ont été évacués et viendront bientôt en France drainer d’avantage le budget d’aide sociale. Le boomerang retourne toujours à l’envoyeur. Celui ukrainien approche rapidement, le lancement de Nord Stream-2 sera le premier coup. Et il est probable que la Russie utilise la logique de la stratégie occidentale de « l’agression russe » en Ukraine pour la transformer en « agression occidentale » en Syrie. C’est peut-être pourquoi l’UE ne souhaite plus s’impliquer de trop en Syrie et s’intéresse soudainement à la reconstruction conjointe du pays avec Moscou...
Several days ago President Trump contacted me, as did Canadian Prime Minister Trudeau and others, and requested that we assist in evacuating hundreds of White Helmets from Syria. These are people who have saved lives and whose lives were in danger.
— Benjamin Netanyahu (@netanyahu) July 22, 2018
WATCH : Members of the #WhiteHelmets and their families being evacuated by the #IDF from southern #Syria to #Jordan through #Israel @i24NEWS_EN pic.twitter.com/nVQZxNyAcO
— Shai Ben-ari (@ShaiBenari) July 22, 2018
Une façon appropriée de terminer cet article serait de montrer l’édition du 22 juillet du journal Le Parisien :
Today’s @le_Parisien features an article that calls @RT_com and @SputnikInt “deranged”. The very fact that they dedicated an article to Russian state media, essentially saying “don’t watch these channels, trust only the MSM”, is indicative in itself. I.e., they are very afraid. pic.twitter.com/TSvVtK6cor
— Ollie Richardson (@O_Rich_) July 22, 2018
C'est-à-dire : la raison pour laquelle la France s’inquiète de la popularité croissante des médias d’Etat russes est que, si les gens commencent à devenir curieux et s’intéressent à la guerre en Syrie sous un nouvel angle, l’Elysée aura de graves problèmes. C’est pour cette raison que Paris n’a toujours pas donné à RT l’autorisation de diffuser à l’échelle nationale - du Bataclan à la promenade des Anglais - et c'est pour cela que Macron refuse d’accréditer les journalistes de RT dans les évènements officiels. Des vidéos comme celle qui suit agissent comme des détonateurs numériques au cœur de la bête médiatique anglo-saxonne « civilisée ».