Comprendre le vote FN, sans complaisance

par Laurent Herblay
mardi 17 février 2015

La victoire de justesse du candidat socialiste dans le Doubs, face à une candidate du Front National a de nouveau provoqué des réactions diverses, certains y voyant une victoire du FN, d’autres, comme moi, un résultat pas si extraordinaire. Mais que penser du choix des électeurs ?

Un vote socialement logique
 
Cela fait depuis 2002 qu’il est devenu clair que le vote FN est d’abord social. En effet, certains sondages avaient montré que Jean-Marie Le Pen avait obtenu deux fois plus de voix dans les classes populaires que Lionel Jospin, décillant durement une certaine gauche qui se croyait quasiment propriétaire des voix des ouvriers. Dès 2011, avant même la présidentielle, et lors du premier succès électoral du FN de Marine Le Pen, il était déjà clair que le succès du parti lepéniste auprès des classes populaires, premières victimes de la crise, allait se poursuivre, ce qui a été confirmé un an plus tard, avec les 17,9% de la présidente du FN aux présidentielles et le très bon score des élections européennes.
 
Leur choix est logique  : depuis 40 ans, UMP et PS se partagent le pouvoir, et la situation ne cesse de se dégrader, malgré les alternances et les promesses. Il n’est pas illogique que les premières victimes de la crise souhaitent changer de dirigeants et votent pour le premier parti qui n’a pas été au pouvoir, les Verts, les centristes et la gauche radicale étant teintés par leurs expériences gouvernementales. Pour Hervé Le Bras et Emmanuel Todd « le FN est devenu, économiquement et territorialement, le partis des dominées, de ces faibles qui ont été éloignés, par l’éducation autant que par le métier, des centres urbains de pouvoir et de privilèges, et rélégués dans les zones périurbaines et rurales  ».
 
Un vote important mais marginal

Mais si les frontistes s’appuient sur les derniers scores pour voir l’avenir en rose, il faut quand même noter que le FN pèse dans les élections depuis plus de 30 ans et reste toujours finalement assez loin du pouvoir, au contraire de Syriza et Podemos, dont l’ascension a été bien plus rapide et déterminante pour leur pays, au point de les porter aux portes du pouvoir. Si le parti lepéniste n’est même pas capable de gagner dans le Doubs, une région favorable, au cœur d’une crise sévère et face à un pouvoir extrêmement impopulaire, on peut penser que ce parti restera à tout jamais marginal électoralement, tout en étant paradoxalement le premier parti de France, un peu comme le PCF en son temps.

Les classes populaires votent sans doute majoritairement pour le FN au second tour, mais ce parti reste assez repoussant pour qu’une nette majorité du reste de la population, qui souffre moins, s’oppose à son accession au pouvoir. Et cela n’est pas prêt de changer, comme l’ont montré la comparaison nauséabonde de Louis Aliot sur les obsèques de Charlie Hebdo, mises sur le même plan que des obsèques d’un dignitaire nazi par la seule grâce de l’Internationale, ou encore ce candidat aux cantonales, qui a fait sienne la devise de Vichy. Bref, à sa tête et dans ses rangs, le parti lepéniste charrie toujours les mêmes extrémistes xénophobes, menteurs et démagogiques, ce qui leur barre les portes du pouvoir.
 
Bref, si je respecte et comprend même largement le choix des électeurs du FN, aussi critique que je sois sur le PS et l’UMP, je pense que le parti de la famille Le Pen, même s’il progresse temporairement, restera très heureusement dans la marginalité. La France a besoin d’une nouvelle voie.

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