Conseil de lecture : Contre les élections, David Van Reybrouck, Ed. Actes sud

par Maud
samedi 22 avril 2017

Qui a dit que l’Histoire des Démocraties devait se finir avec le point final du suffrage universel ? Certainement pas cet érudit qui aborde dans son livre la notion de fatigue démocratique. La cause : Le système électif. La solution : Le tirage au sort. Pas celui d’un Homme, mais de plusieurs assemblées de citoyen.nes organisées entre elles pour gouverner.

Une lecture qui s’impose à quelques jours du résultat final de la présidentielle française de 2017. David Van Reybrouck, écrivain, journaliste et universitaire, invite à la réflexion. Sa thèse est claire. Les élections sont devenues « un outil primitif » qui condamne les démocraties. Qui pourrait lui donner tort quand on sait que l’abstention est finalement le premier parti de France, avec un taux record sondé à 35% pour dimanche ?

Pour comprendre cette crise politique, David Van Reybrouck a fouillé dans la mémoire des sociétés occidentales. Il a repris les bases fondamentales de la philosophie politique et il nous en rapporte un détail occulté par l’Histoire. « Les élections n’ont jamais été conçues comme un instrument démocratique. »

Si aujourd’hui « élection et démocratie sont devenues synonymes », il en était tout autre dans la Grèce Antique, V siècle avant Jésus. A cette époque, Aristote définit la caractéristique essentielle de cette organisation politique comme étant la liberté politique d’être tour à tour gouvernant et gouverné. Pour ne pas exercer de rupture entre ces deux pôles du pouvoir, on pratique le tirage au sort. L’élection, jugée trop oligarchique, est rangée du côté de l’aristocratie.

Cette distinction, les pères fondateurs de la révolution la connaissaient bien. Le système électoral s’est imposé parce que, finalement, ils n’avaient pas véritablement d’attrait pour la démocratie. Sieyès, pas plus que Madison, ne jugeait bon de laisser le pouvoir au peuple. « Dans ce contexte, le terme de République paraissait plus noble (…) et les élections devenaient plus importantes que le tirage au sort. »

Mais pour David Van Reybrouck, l’Histoire ne s’arrête pas là. 200 ans de démocratie représentative élective sont déjà un miracle au vue de ce malentendu. Le système a tenu, à coups de démocratisation du suffrage et de propagande électorale. Il atteint aujourd’hui ses limites. « Ou bien la politique ouvre tout grand les portes ou bien celles-ci ne tarderont pas à être enfoncées par des citoyens en colère, » avertit l’auteur qui réhabilite, avec l’appui de recherches rigoureuses, ce ressort de légitimité politique.

Alors, le tirage au sort ? Impossible ? David Van Reybrouck n’occulte pas les critiques faites à ce système, il y répond. La plus grande d’entre elles ? Celle de « l’incompétence supposée des personnes non élues. » Pourtant, il y a eu des expérimentations modernes réussies. L’auteur a fait des recherches. Il les connaît. Au Pays Bas, au Canada, en Irlande ou encore en Islande, des Assemblés, tirées au sort, ont démontré la formidable capacité de la population « à des décisions rationnelles et constructives. »

Pour l’heure, nous sommes encore des « fondamentalistes des élections » et ce malgré l’impasse dans lesquelles elles nous mènent. Encore nombreux sont les Français qui iront voter ce dimanche sans penser que leur dimension citoyenne ne se limite pas à ce bulletin. « Le renouveau démocratique est un processus lent » écrit l’auteur. Il nous rappelle la vie d’une idée. « D’abord, on l’ignore. Puis on la ridicule. Enfin, on l’admet. » Le tirage au sort, « formidable école de la démocratie », ne fait pas exception et je fais un pari. Nos sociétés sont en perpétuel perfectionnement vers un horizon toujours plus démocratique et le tirage au sort est la prochaine étape.

 


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