Contrition française

par Pale Rider
samedi 18 février 2017

Il y a presque cinq siècles, Calvin écrivait qu’on a les autorités qu’on mérite. En démocratie, c’est encore plus vrai puisque c’est le peuple qui les choisit. Or, il existe un homme politique français qui, aujourd’hui, fait le même constat que Calvin. En un mot, dit-il, ne nous plaignons pas des dirigeants que nous nous sommes choisi.

Les Français ont l’habitude de râler contre tout, et notamment contre leurs hommes et leurs femmes politiques. Il faut dire qu’ils ont largement de quoi le faire depuis quelques mois ! On en est presque à un scandale par jour, dont il faut exclure cette chère Marine Le Pen pour deux raisons : elle ne reconnaît pas qu’elle a reconnu des emplois fictifs ; et de toutes façons, la plupart de celles et ceux qui ont décidé qu’ils voteront pour elle crieront au complot en la parant de toutes les vertus de Sainte Jeanne d’Arc. C’est exactement ce qu’on appelle de l’idolâtrie, c’est-à-dire l’incapacité à critiquer la personne qu’on a déjà établie sur son trône.

La morale en politique

À part ce cas désespérant, si nous ne sommes pas contents de nos gouvernants, il y a deux hypothèses : soit nous avons été trompés sur la marchandise ; soit nous avons ce que nous méritons. Ou bien les deux. D’une part, il est extrêmement rare qu’on se fasse élire sur un langage de vérité. Alors, au mieux, on ment par omission. Et au pire, on ment effrontément, et on s’empresse d’avaler les promesses qu’on a faites et qui, très souvent, sont intenables. Pourtant, n’y a-t-il pas moyen d’évaluer les candidats à nos suffrages sur leur façon de s’adresser à nous, sur leur style, sur leur cohérence, et sur leur passé ? Bien sûr que oui ! On a vu se faire élire tel président ou tel maire dont on savait pertinemment qu’ils étaient peu scrupuleux en affaires et très retors dans le jeu politique. Certains sont mis en examen, d’autres attendent leur tour en se bourrant de Xanax. Et pourquoi ont-ils été élus et réélus quand même ? Parce que beaucoup d’électeurs se fichent de la morale en politique. Ce qu’ils veulent, c’est quelqu’un « qui en a », quelqu’un qui peut leur procurer des avantages locaux, régionaux, nationaux, quitte à utiliser des procédés pas très élégants et même pas très honnêtes. Ça devient tellement énorme que les pays qui nous entourent commencent à trouver que la France est un pays d’Ancien Régime où les passe-droits n’empêchent pas de se maintenir au pouvoir alors que, notamment dans les nations scandinaves, la moindre malhonnêteté se paye d’une exclusion pure et simple du champ politique.

Examen de conscience

Cependant, il y a un homme politique qui déplore ouvertement cette situation. Dans son dernier livre, après avoir énuméré tous les maux de la France dont la France est la seule responsable, il déclare : « Nous, citoyens français, sommes directement responsables, y compris même des travers des gouvernants successifs que nous mettons en accusation, surtout quand est venu le temps de leur déclin. Nous sommes responsables de leurs insuffisances et de leurs dérives, puisque nous les avons choisis. Nous les avons choisis, donc nous les avons voulus. […] Nous les avons voulus, et ce que nous leur reprochons, c’est bien souvent ce que le peuple français a préféré chez eux. Même leur cynisme parfois. »

Voilà une exhortation inédite à un examen de conscience collectif et individuel. Si la France est corrompue et désabusée, elle ne peut pas en accuser les voisins ou la fatalité. Maintenant, à nous de savoir si nous voulons des gens cyniques, séducteurs, manipulateurs, voire méchants, ou des gens honnêtes. L’honnêteté ne fait pas tout, mais à mon avis, c’est le premier remède à l’asthénie dans laquelle la France est plongée depuis trente ans.

La citation est de François Bayrou, dans Résolution française, page 47 (Éditions de l’Observatoire, 2017). L’auteur ne m’a versé aucun pot-de-vin pour écrire que le reste de son bouquin est réconfortant et fort bien écrit, sur le fond et sur la forme –ce qui désamorce mes velléités de lui servir de nègre puisqu’il n’en a pas besoin.


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