Copé-Fillon : deux stratégies

par jlhuss
vendredi 26 octobre 2012

On peut comprendre qu’un sympathisant ou un électeur de gauche se soit parfaitement ennuyé ou ait changé de programme lors du débat entre Copé et Fillon sur la 2 chez Pujadas. Il aura pu aussi se fâcher tout rouge (rose) en entendant les critiques souvent acerbes des deux compétiteurs vis-à-vis de la politique menée par Hollande. Pour autant rappelons-nous que les primaires socialistes, il y a un an, ont également occupé les écrans bien plus longtemps que cette unique émission sur la compétition à droite. Ces débats au sein des formations politiques ne manquent pas d’intérêts. Ils permettent à ceux qui le veulent de se faire une appréciation et aux autres de « zapper ». Le PAF est si riche en chaînes diverses et variées qu’il n’y a que l’embarras du choix. Passionné de « la chose publique », ayant regardé tous les débats à gauche l’an dernier, je n’ai bien sûr pas manqué ce premier rendez-vous de la « sélection » à droite. Qu’en dire ?

Contrairement à l’envie des journalistes et en dépit des efforts méritoires d’un Pujadas, la petite phrase assassine, le gros couac, la division manifeste, n’ont pas pu se faire jour. Les deux compétiteurs ont évité ce premier obstacle qui leur était tendu. Certains en profitent pour déclarer que c’était un débat « pour rien », les divisions n’apparaissant pas. C’est une analyse trop rapide. Les différences sont apparues clairement mais sur un mode plus subtile, n’empruntant pas à la « petite phrase » ou à l’invective. Manifestement la stratégie n’est pas la même. François Fillon joue déjà 2017 ; il se place au niveau de l’Etat, de la France. Il essaye de se hisser au-delà d’une « querelle » de boutique. Jean-François Copé joue plus prêt du calendrier : une étape après l’autre. Il se préoccupe des militants de l’UMP, les électeurs du moment, et se permet toutes les démagogies à leur égard, insistant avec lourdeur sur les questions sociétales. Conscient de la persistance douloureuse pour ces militants du traumatisme du printemps, il va même jusqu’à déclarer qu’il serait prêt à s’effacer pour un Sarkozy de retour en 2017 : les promesses n’engagent que ceux qui les reçoivent. Il est évident qu’une fois élu, si ce devait être le cas, Copé n’aurait plus rien « à battre » de Sarkozy et ferait tout pour empêcher son retour éventuel et d'ailleurs peu probable. Sur ce point ils sont à égalité et c’est la règle en politique ; Sarkozy en a été lui-même l’exemple marquant. La seule différence réside dans le fait que Copé ment sur ce point alors que Fillon est plus clair. On aura pu noter quelques différences sur le plan de l’économie, certes discrètes, mais essentiellement sur la méthode, toujours moins « brutale et frontale » chez Fillon que chez Copé. Le court chapitre européen laissera également éclater les différences entre un « européen de toujours, ayant tout voté », JF Copé et un F Fillon rappelant son NON à Maastricht derrière Philippe Seguin. Il s'empresse de le corriger avec cette formule admirable, « nous pourrions dire que nous avions eu raison, mais les choses étant ce qu’elles sont, il faut maintenant gérer l’existant et ne plus pleurer sur le lait renversé » Ce rappel habile du passé dans le contexte actuel, pour ensuite embrayer sur les réalités et la nécessité de les prendre en compte et d’y faire face est d’une grande subtilité. Au total les deux hommes ne visaient pas tout à fait le même objectif. Fillon s’adressait au-delà des militants à la France toute entière ; Copé parlait aux électeurs du 18 novembre prochain. Fillon aura plus rassemblé, Copé plus ciblé.

Les conclusions sont très éclairantes. Copé se focalise sur les échéances de 2014 et promet la "vague bleue" : l'UMP a aujourd'hui « un rôle historique à jouer ». Et de développer sa vision pour le parti : « Je veux une opposition extrêmement tonique et je veux montrer que je m'engage totalement à cette démarche de rassemblement, mais sur le terrain. Car la prochaine échéance c'est 2014 et l'objectif c'est une vague bleue pour répondre à la vague rose que nous venons de subir » ; du pur militantisme. Fillon s'il salue "les formidables militants de l'UMP", c'est pour leur dire qu'ils incarneront dès le 18 un espoir pour les Français. Il franchit immédiatement la frontière partisane : "De la crise sociale, on voit poindre la crise politique", s'inquiète-t-il pour souligner une dernière fois la nécessité de se rassembler pour convaincre les Français et pas seulement les militants. Des félicitations pour terminer aux journalistes, FOG en tête, chargés de faire la synthèse de fin d’émission. L’exercice était difficile ; ils ont relativement bien réussi l’exercice périlleux, pour la simple raison qu’ils n’ont pas été ennuyeux. Reste à savoir maintenant quelle sera la « stratégie » la plus payante pour le 18 novembre ? Ce sont les militants de l’UMP qui trancheront.

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