Le Conseil européen qui vient de s’achever ce soir à Bruxelles a été, comme les précédents, dominé par l’aggravation de la crise grecque.
Sans surprise, les Européens ont décidé de conditionner le versement d’une nouvelle tranche de 12 milliards d’euros du plan d’aide de 110 milliards accordé en mai 2010 sur 3 ans par l’Europe et le FMI, à l’approbation par le Parlement grec d’un nouveau paquet de mesures d'austérité, qui reposera sur un mix de nouvelles économies budgétaires, de nouveaux impôts et d’accélération du programme de privatisations de 50 milliards d'euros promis par le Gouvernement grec.
L’Europe n’avait de toute manière guère le choix : sans ce prêt, la Grèce se retrouverait en défaut de paiement dès courant juillet.
Le Conseil européen de Bruxelles marque toutefois un début d’inflexion sur le traitement du dossier. De plus en plus d’Européens en sont désormais convaincus : l'Europe ne pourra sortir de la crise de la dette souveraine si elle ne propose pas une solution exhaustive dépassant le cadre de l'austérité.
L’Europe est en réalité à la croisée des chemins :
Entre un scénario du pire, qui verrait un enchaînement d’aides financières successives décidées dans l’urgence, ne permettant pas de calmer les marchés, toute hypothèse de restructuration étant hypothéquée par la peur d’un embrasement général de la zone euro et d’une vaste remontée des taux d’intérêts dans la zone. Ce scénario pourrait nous conduire au pire : la sortie contrainte et forcée de la Grèce de la zone euro, un cataclysme pour l’ensemble des Européens.
Et un scénario plus favorable, celui d’une sortie par le haut, dans lequel l’Europe prendrait conscience de l’urgence absolue de construire une nouvelle étape de son intégration, avec l’émission d’eurobonds, une solidarité plus forte entre européens et de nouveaux pas vers l’intégration économique et financière : création d’un ministre des Finances européen, Trésor supranational, et le financement conjoint et solidaire d’une partie des dettes publiques européennes.
Cette position avait été exprimée dès décembre 2010 par Mario Draghi, rejoint par les ministres des Finances luxembourgeois Jean-Claude Juncker, et italien, Giulio Clementi, ainsi que depuis par Guy Verhofstadt et de nombreuses voix européennes
[1].
Cette voie continue à se heurter pour l’instant aux réticences de la chancelière allemande, Angela Merkel, effrayée notamment par l’impact des eurobonds sur les taux d’intérêts à long terme de l’économie allemande, et à la prudence de la ligne française.
Certes l’Europe avance, même si c’est lentement. D’autres progrès ont été enregistrés à Bruxelles sur des questions décisives : le principe d’une contribution des acteurs privés à un rééchelonnement de la dette grecque pour les échéances tombant en 2011, 2012 et 2013 ; la décision de consentir à la Grèce un deuxième paquet d’aides financières, d’un montant plus ou moins équivalent au premier (110 milliards d’euros), et financé comme le précédent par l’Union européenne et le Fonds monétaire international.
Mais le risque qui guette l’Europe est de s’aligner sur le plus petit dénominateur commun acceptable à ce stade par ses Etats membres : un rééchelonnement de la dette, qui ne dit pas son nom, en contrepartie d’une nouvelle aide financière qui ne ferait que repousser le problème à plus tard.
L’Europe doit avoir le courage de dresser le vrai diagnostic de la crise : si elle veut sortir définitivement du chaos dans lequel elle se trouve plongée aujourd’hui, la zone euro doit être entièrement repensée. Ce qui suppose de proposer une solution exhaustive dépassant le cadre de l'austérité et de travailler aux vraies options : une nouvelle étape de son intégration (davantage de fédéralisme budgétaire, la création d'un marché européen de la dette souveraine), et un rééchelonnement d’ensemble de la dette grecque sous l’égide des mécanismes européens.
L’enjeu des prochaines discussions entre européens est bien celui-ci : comment changer l’Europe pour sauver la Grèce ?