CSA : l’UDF de la majorité et l’UDF de l’opposition
par Yann Riché
jeudi 15 juin 2006
Le CSA a tranché : 11 députés de l’UDF appartiennent à l’opposition pour avoir voté la motion de censure du gouvernement avec le PS, et les 19 autres, sauf déclarations expresses, sont présumés appartenir à la majorité (communiqué du CSA du 14/6/06).
Ainsi raille-t-on, à l’UDF ; le président et futur candidat de l’UDF à la présidentielle de 2007 est-il placé dans l’opposition, alors que le porte-parole du même parti est lui dans la majorité ?
Il faudra donc aux télévisions inviter à la fois un UDF de gauche et un UDF de droite pour que les temps de paroles soient équilibrés : bref bravo à l’UMP pour permettre le doublement du temps de parole à l’UDF.
Il est vrai que l’UDF a une drôle de position.
Ainsi les débats peuvent être houleux, on l’a vu au Conseil national de l’UDF de samedi dernier, Gilles de Robien sifflé mais pas viré, et Maurice Leroy très en verve, demandant la tête du ministre de l’éducation nationale pour collaboration avec l’ennemi (ici, il s’agit donc d’un député UDF de l’opposition) très écouté mais pas entendu, car c’est un fait, l’UDF compte plusieurs divisions, dont la division très écoutée de M. Bourlanges qui explique au dans Le Figaro du 14/06 : « Le projet de Bayrou n’est ni mobilisateur ni réaliste ».
Mais comment donc situer l’UDF ? En fait, il faudrait que le CSA se penche sur l’ensemble des sujets de société et sur la sociologie de chaque parti. Au PS, il y aurait ainsi des "pro 35 heures" et des "anti", des libéraux proches du centre et des interventionnistes proches du communisme. Ne parlons pas des Verts, chez qui l’exercice de démocratie et de la représentativité est poussé à l’extrême. Enfin, au sein même du gouvernement, il faudrait savoir qui soutient réellement le premier ministre, et savoir si le fait d’acclamer Borloo en lieu et place de Villepin ne devrait pas scinder l’UMP entre l’UMP du président et l’UMP du prétendant ?
C’est donc un véritable lièvre qui est ainsi levé et qui doit nous amener à nous interroger sur la diffusion de l’information et sur la pluralité à la fois des sources d’information et du traitement de l’information.
C’est aussi un constat que les clivages ont en partie sauté, du moins chez les électeurs. Il reste à droite et à gauche des nostalgiques de l’interventionnisme à tout va de l’État dans la vie économique des Français. Le débat aujourd’hui oppose plutôt les progressistes aux conservateurs, et les conservateurs sont présents aussi bien à gauche qu’à droite et au centre, mais aussi, semble-t-il, au CSA.
Nous le verrons dans les débats qui s’annoncent au sein du PS et de l’UMP pour la désignation (l’officialisation) des candidats pour la présidentielle. Les interventions de Ségolène Royal et de Nicolas Sarkozy vont parfois à l’encontre même de leurs camps initiaux. Pour Sarkozy, il s’agit d’être populiste et de chasser avec de Villiers sur les terres du Front national en proposant surtout de la répression et de la sanction. Pour Ségolène Royal, aussi il faut briser le clivage pour élargir au centre et lutter contre une dérive populiste anti-libérale. A la différence de Sarkozy qui cultive un populisme sur une analyse de la situation, Ségolène (on ne peut dire Royal) est populaire car elle comprend la vie de Français : de la sécurité à la famille et au travail, elle porte des valeurs simples.
Faudra-t-il, là aussi, prendre en compte les positions des uns
et des autres, comme des déclarations de droite ou de gauche, de majorité ou
d’opposition, alors même que la structure de l’électorat n’est pas celle de la
politique ? Faut-il entretenir l’illusion de ce bipartisme qui n’arrange, il est
vrai, que l’UMP aujourd’hui ?
Il faut surtout condamner la position du CSA, qui se doit de penser autrement la parole politique.