D’un cadavre, des noirauds et d’un ministre

par Shanan Khairi
jeudi 19 mars 2015

Ce dix-huit mars, France 2 s'émouvait d'une de nos traditions à laquelle participait notre ministre des Affaires Etrangères MR (parti libéral), Didier Reynders : le cortège des "noirauds". Cette tradition, perpétuée par une société secrète très élitiste, remonte au XIXème siècle où des Bourgeois bruxellois prirent l'initiative de se grimer en nègres pour défiler dans nos rues avant de faire la quête pour diverses oeuvres de charité.

 

Nos bourgeois actuels nous prétendent qu'y voir malice ne serait que pure mauvaise foi. Que se grimer en noir n'est destiné, comble de la générosité, qu'à les rendre anonymes. Ces anonymes nous l'expliquent sur nos écrans de télévision avec leurs noms incrustés en médaillon. Que cette tradition remonte à l'époque où la Belgique lorgnait sur le Congo, riche en mains à couper, ne les perturbe pas. Qu'ils brandissent à hauts cris des symboles racistes dont une tête de nègre sur une pique affublée d'un anneau nasal pas plus.

 

"Y a pas mort d'homme" me dira-t-on... C'est vrai. Tout comme lorsque Monsieur Reynders comparaît le quartier de Molenbeek à l'Afghanistan en plein Parlement. Tout comme lorsqu'il stigmatisait à diverses occasions les minorités colorées. Non, "y a pas mort d'homme".

 

Au fait... Un homme est mort. Dans la très bourgeoise Namur, le sept mars. Jean-Luc, il paraît. La presse ne lui a pas donné de nom. Un Sans Domicile Fixe d'une cinquantaine d'années qui avait frappé à la porte de l'abri de la ville. Abri qu'on lui a refusé, alors que des lits étaient libres, sous prétexte que le règlement communal ne permet ordinairement qu'un quota de 48 nuitées par an aux SDF hors périodes de grand froid. Il avait épuisé son quota et il ne faisait pas "grand froid", seulement - 2°C. Il s'est donc endormi devant la porte de l'abri. Il est mort dans la nuit d'hypothermie malgré les efforts de médecins de garde. Devant la porte d'un abri à moitié vide. De par l'attitude inhumaine d'un fonctionnaire ayant appliqué un règlement malheureux.

Ce règlement a été adopté par la majorité communale... MR-Cdh. Pas Front National, Vlaams Belang ni même N-VA. Non. Une majorité de braves "démocrates humanistes" et "libéraux réformateurs". Comme moi, vous pensez tout d'abord que ce drame résulte de contraintes budgétaires. La faute "à pas de chance". La "crise mondiale, tout ça". Comme moi, vous doutez. Quel montant est-il donc nécessaire pour réunir la centaine de paillasses nécessaire à assurer des nuits à l'abri d'un hangar pour la centaine de SDF de Namur ?

Mais non. A notre consternation, le bourgmestre namurois Maxime Prévot nous apprend que ce règlement a été adopté pour "pousser les sans-abris à se réinsérer et de ne pas faire de l'abri de nuit un hôtel social perpétuel". Oui. Ca a été pensé et mûrement réfléchi. Nos édiles ont considéré que faire dormir des miséreux sur des pavés les amènerait à "se prendre en mains". Le règlement "malheureux" se transforme en règlement criminel. Prévot n'est bien sûr pas de cet avis : "la ville n'a rien à se reprocher". Et là, vous pensez "connard". Ou autre chose si vous êtes plus poli que moi.

On aimerait que Monsieur Prévot passe une nuit sur des pavés à - 2°C. Cela lui permettra peut-être de se reprendre en mains.

On aimerait que Monsieur Reynders cesse de faire des petites blagues xénophobes et de se grimer en nègre pour la gallerie et, en lieu et place, travaille à unir ses concitoyens comme son serment l'y engage. On aimerait qu'il cesse de faire la charité devant les caméras tout en imaginant autant "d'amnisties fiscales" que de moyens de détricoter la sécurité sociale et travaille à donner son sens aux mots "solidarité nationale".


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