Dans le populisme généralisé…

par Orélien Péréol
lundi 12 juin 2017

Dans le populisme généralisé qui caractérise les discours politiques depuis plusieurs années, la fin momentanée de l’alternance de la droite et de la gauche arrivant par Macron est une chance inespérée.

J’appelle populisme l’idée que le peuple est uni, qu’il a un « intérêt général », aisé à déterminer, dans toutes les situations et problèmes. J’appelle peuple tout le monde sur le territoire ou rattaché au territoire par des liens insolubles. Le peuple comprend les citoyens qui ont un bulletin de vote, qu’ils s’en servent ou pas, qu’ils soient allés le chercher au ministère de l’Intérieur ou pas. Les enfants font partie du peuple, bien que trop jeunes pour voter. On peut discuter des marges : les faibles d’esprits à qui on a retiré le bulletin de vote font partie du peuple (voir le roman d’Italo Calvino : la journée d’un scrutateur), en ce qui concerne les nouveaux arrivants, certains vont rester, devenir citoyens donc, d’autres non… ma proposition est que le doute leur profite et qu’ils font tous partie du peuple.

Dans le discours populiste, le peuple est uni dans et par « l’intérêt général ». Dans le discours populiste, ne pas organiser la vie publique pour satisfaire cet intérêt général est d’une violence et d’une imbécillité quasiment inimaginables. Aussi impossible que cela a l’air, c’est toujours ce qui se passe. Ce peuple uni est sans cesse trahi par ses dirigeants qui se présentent dans cette volonté « évidente » de servir l’intérêt général et qui, ensuite, ne le font pas : d’abord, ils se servent eux-mêmes et ensuite, ils servent le libéralisme ou le « grand capital ».

Le Front National avait cette expression « UMPS », pour signifier que cette trahison annoncée des élites était la même à droite et à gauche (et que en sortir pour atteindre la résolution de l’intérêt général était dans le FN). Mélenchon emportait un grand nombre de citoyens sur ce même type de formulation : « Qu’ils s’en aillent tous ». Il propose d’apporter « l’ère du peuple » (titre d’un de ses livres). Lui-même est dans la machine depuis quarante ans et on ne sait pas bien ce qu’il y a fait. Peu importe, il n’y a pas dans les processus de décisions des humains que de la logique. L’UMP a changé de nom, mais l’expression UMPS est restée tout de même (et l’idée bien sûr).

Depuis un certain nombre d’années que ce discours est l’axe d’un grand nombre de discours politiques, il est heureux que ce ne soit pas le FN qui ait brisé l’alternance de la droite parlementaire et de la gauche parlementaire. Pendant toutes les années où ce discours populiste tenait le haut du pavé, le seul parti qui remplissait les critères pour briser cette fausse alternance mortifère du point de vue des populistes, c’était lui.

Mélenchon n’a jamais fait le poids. Il s’était présenté contre Marine Le Pen à Hénin-Beaumont dans le Pas de Calais en 2012 et a eu la moitié des électeurs de Marin Le Pen (42% pour elle, 20% pour lui). Dans le combat des peuples, celui de Marine Le Pen était deux fois plus nombreux que celui de Mélenchon ! Bizarre ! Prudemment, cette fois-ci, Mélenchon s’est attaqué au PS, aux autres forces de gauche (dont il dit que ce n’est pas la gauche, et le tour est joué, sauf pour demander le ralliement des électeurs du PS, mais bon… au point où on en est !).

Le peuple du FN est celui de l’Histoire du territoire français, avec Jeanne d’Arc comme emblème. Le peuple des mélenchonistes est celui des damnés de la Terre qui produit la richesse et se la fait accaparer par les « puissants ». Déjà, l’existence de deux peuples incommensurables a bien tendance à signifier l’invalidité de ce mode de discours.

Donc, il y a bien longtemps que ce désir de casser l’alternance gauche/droite flotte dans les têtes, avec ce danger suprême qu’y céder amènerait un parti d’extrême droite au pouvoir… Et puis, on ne sait d’où, je ne sais d’où, vint Macron, et cette fatalité effrayante : ou l’alternance insipide des mêmes qui trahissent le bon peuple ou, l’extrême droite s’évapore derrière un jeune homme volontaire et souriant, dont on ne sait quasiment rien.

Contrairement à ce que penseront nombre de mes lecteurs, je ne suis pas macroniste ; mais je suis très heureux de cet avènement tout à fait imprévisible et inattendu : la sortie tant désirée d’une alternance perçue comme fausse et improductive, qui falsifierait la démocratie… ne passe pas par le FN qui est dans les choux autant que les partis de gouvernement.

Nous allons avoir une assemblée nationale pleine de citoyennes et citoyens, connaissant la vie économique de l’entreprise et n’ayant, à l’inverse, jamais pratiqué cette politique politicienne où l’entre soi est plus important que les affaires de la société et du monde (dans laquelle excellaient aussi, malgré leurs dires, Marine Le Pen et Mélenchon ).

Il est remarquable que les électeurs de Le Pen et Mélenchon à la présidentielle en se soit pas beaucoup déplacés : Mélenchon qui s’est comporté que le propriétaire de 7 millions de voix n’en a eu que 2,5 millions pour ses candidats (-74%), Marine Le Pen passe de 7,7 millions de voix à 3 millions (-61%).

« Qu’ils s’en aillent tous » ? nous ont répété les populistes radicaux, cela fera votre bonheur. Eh bien, c’est ce qui est en train de se passer (même si peu de monde croit au bonheur).

Que demande le peuple ?

Photo Orélien Péréol
Fastoche. A gauche, le bien. A droite, le mal. T’hésites encore ?

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