Déclarations ministérielles de patrimoine : omissions, sous-estimations, rectifications, impunité politique et fiscale
par Renaud Bouchard
mardi 23 janvier 2018
Peut-on impunément prétendre servir deux maîtres à la fois : Mammon et l'Etat ?
A quoi peut donc bien servir la Haute autorité pour la transparence de la vie publique ?
A rien, manifestement, dès lors qu'elle ferme les yeux sur des manquements imputables à plusieurs ministres qui semblent avoir failli à leurs obligations de présenter des déclarations de patrimoine exactes, exhaustives et sincères pour pouvoir exercer leurs fonctions gouvenementales.
Amnésies, omissions, erreurs, indélicatesses, sentiment d'impunité, malhonnêteté, il y a sans doute un petit peu et peut-être beaucoup de tout cela dans les sous-estimations qui mettent en cause quatre ministres et un secrétaire d'Etat qui ont allègrement méconnu ou piétiné des obligations légales pourtant impérieuses :
-Madame Nicole Belloubet, Garde des Sceaux et ministre de la Justice, qui aurait ainsi omis de déclarer 330.000 euros pour deux appartements sis à Paris et une maison sise dans l’Aveyron (12), ainsi qu'il résulte de l'examen du document rectificatif de sa situation parimoniale pour des biens immobiliers qui n’apparaissaient pas dans la version précédente de ce document.
-Monsieur Nicolas Hulot, ministre de l'Ecologie, qui aurait lui aussi oublié de déclarer le montant de 150.000 euros correspondant à deux maisons qu’il possède en Haute-Savoie (74), ainsi qu'il résulte du document rectificatif ci-après et de sa version précédente.
-Monsieur Gérard Collomb, ministre de l'Intérieur, qui s'est vu contraint de revoir à hauteur de 315.300 euros la valeur d'une société immobilière initialement estimée à 50.000 euros.
-Madame Nathalie Loiseau, ministre chargée des Affaires européennes, qui a ainsi dû elle aussi, après l'avoir sous-évalué, rehausser de 400 000 euros la valeur de son appartement de 190 m2 à Paris fixée à 2 millions d'euros.
-Madame Geneviève Darrieussecq, secrétaire d’État auprès de la ministre des Armées, qui à son tour a dû quadrupler la valeur de ses parts détenues dans une SCI, rehaussée de 25.000 euros à 106.268 euros.
Rassurons-nous.Tout est désormais d'équerre et les ministres, redevenus intègres grâce à l'absolution de la HATVP, peuvent continuer à contribuer à la lourde mission qui est la leur, rassurés qu'ils sont à leur tour de ne pas avoir à rendre de comptes sur d'infimes écarts de comptabilité qui auraient exposé le moindre citoyen à de sérieux désagréments.
Sans doute s'agit-il d'une mise en œuvre de ce « droit à l'erreur » désormais reconnu aux contribuables.
Est-il besoin de préciser que si j'étais Premier ministre ou président de la République tous ces membres du gouvernement seraient déjà remerciés ?
Décidément Mammon est un dieu bien conciliant avec certains et exigeant avec d'autres.
Quant à l'intégrité personnelle et au service de l'Etat, chacun appréciera.