Delphine Batho, mauvaise perdante de la star académie gouvernementale

par Laurent Herblay
vendredi 5 juillet 2013

Hier, Delphine Batho s’est exprimée après son éviction du ministère de l’écologie. Qu’il semble loin le temps où les ministres étaient solidaires et savaient garder une réserve républicaine ! A l’heure de Twitter, elle s’est davantage exprimée comme une candidate de télé réalité venant d’être éliminée…

 
Epandage d’états d’âme et règlements de compte
 
Quand on pense qu’Alain Peyrefitte a attendu trente ans pour révéler ses discussions avec le Général, on mesure la détérioration considérable du comportement des ministres, qui, à peine la porte de leur ministère fermée, se répandent en états d’âme, politiques ou personnels, à la manière des candidats de télé réalité qui viennent d’être éiminés. François Fillon, en 2005, avait tourné le dos à la réserve républicaine que devraient observer les anciens ministres en dénigrant fortement Jacques Chirac. Aujourd’hui, la déliquescence atteint un nouveau palier avec la conférence de presse de Delphine Batho
 
A quoi sont prêts les ministres aujourd’hui pour avoir leur quart d’heure de gloire médiatique ? Cet étalage de rancœurs et ce refus enfantin de la réalité sont les symptômes d’une classe politique qui n’a rien compris à ce qu’est la chose publique. Car Delphine Batho a bien eu du culot de dire « en aucun cas, je n’ai manqué à la solidarité gouvernementale », deux fois. Pour un ministre, dire de son budget qu’il est mauvais est un manquement élémentaire à cette solidarité et refuser de le voir est bien ridicule. Pire, elle a admis ne pas avoir plus poussé que cela pour voir Jean-Marc Ayrault sur les arbitrages !
 
Il y avait aussi quelque chose d’indécent à voir une ancienne ministre régler ses comptes avec le premier ministre, dont elle a critiqué la « crispation  » et son absence lors de ses réunions. Elle a aussi dénoncé « le tournant de la rigueur qui ne dit pas son nom et qui peut mener l’extrême-droite au pouvoir », « la fin de la collégialité  » du gouvernement et, de manière un peu dérisoire, le retard dans le dépôt par le gouvernement d’un texte à Bruxelles. Amère, elle a dénoncé le fait que Jérôme Cahuzac avait été remercié pour son travail à l’annonce de son départ, ce qui n’a pas été le cas pour elle.
 
Un story telling bien étudié
 
Bien sûr, on peut juger que son éviction n’est pas totalement juste étant données les nombreuses prises de liberté d’autres ministres avec la solidarité gouvernementale. Cependant, François Hollande a dit récemment qu’il ne tolèrerait plus les dérapages. En outre, rompre avec la solidarité budgétaire en étant ministre est assez inédit. Du coup, insister sur le fait que d’autres s’étaient permis plus de liberté qu’elle, qu’elle n’avait jamais commis la moindre bourde, et en niant son manquement évident à la solidarité gouvernementale sonnait extrêmement creux et totalement déconnecté de la réalité.
 
Elle s’est ensuite présentée comme une victime des lobbys, citant Vallourec et les défenseurs des gaz de schistes, soignant son positionnement de défenseur de l’environnement, en développant précisément les points de désaccord qu’elle pouvait avoir avec le Premier Ministre ou en disant qu’elle apportera son aide à la Fondation Hulot. Elle s’est également positionnée comme une vigie de gauche au sein du Parti Socialiste, qui veillerait aux engagements de campagne et aux renoncements de l’équipe au pouvoir. Elle a remercié en premier lieu Arnaud Montebourg, un signe très intéressant.
 
Certes très travailleuse, Delphine Batho est l’aboutissement de l’individualisme égocentrique qui règne de plus en plus dans le milieu politique, à mille lieues des serviteurs de l’Etat qui ont honoré gauche comme droite dans le passé. On imagine qu’une socialiste devait sans doute mieux comprendre que quinconque ce qu’est le collectif et voici qu’à peine limogée, une ancienne ministre règle ses comptes publiquement avec le Premier Ministre. En outre, on rappellera au passage que sa gestion du ministère était contestée, comme le rappelle Authueil ou Rue 89, tant sur le fond que sur la forme.
 
Malgré tout, ce départ avec fracas du gouvernement a toutes les chances d’être oublié d’ici quelques jours, comme le souligne Sarkofrance sur Marianne. François Hollande a eu raison de sanctionner son évident manque de solidarité gouvernementale. Mais l’étalage d’hier était bien déplaisant.

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