Déni de démocratie ? Laissez-moi rire…
par Michel DROUET
jeudi 18 janvier 2018
Oui, laissez-moi rire, car tout de même ceux qui hurlent au déni de démocratie au sujet de l’abandon du projet d’aéroport de ND des Landes sont les mêmes (ou leurs descendants) que ceux qui se sont assis sur le résultat négatif du référendum de 2005 concernant le traité européen et qui l’ont revoté en douce au Parlement quelques mois plus tard.
Mal placés pour faire la leçon…
De gauche, de droite, ou ni de gauche ni de droite, tous réunis autour de ce projet d’aéroport, des élus locaux en passant par les Conseils départementaux de la Loire Atlantique et de l’Ille et Vilaine, des Régions Bretagne et Pays de Loire, en passant par les Métropoles Nantaise et Rennaise, tout ce beau monde réuni dans un syndicat mixte de gestion du futur aéroport, tous hurlent au déni de démocratie ou pour le moins sont déçus de la décision gouvernementale d’abandon du projet.
Très peu manquent à l’appel hormis les élus écologistes ceux de la France insoumise et quelques élus Modem.
Mention particulière pour Jean Marc Ayrault, ancien Maire de Nantes et accessoirement premier Ministre d’un gouvernement qui n’a absolument rien fait pendant cinq ans pour faire avancer le projet, sauf une consultation des habitants de la Loire Atlantique sur laquelle il s’appuie aujourd’hui pour parler de « déni de démocratie ».
Qu’est-ce qui leur a pris ?
Oui, pourquoi cette quasi-unanimité fondée sur ce seul référendum et pourquoi aucun argument sur le fond du dossier, à savoir celui qu’on connait aujourd’hui, enrichi considérablement par le rapport de trois experts désignés par le gouvernement et qui remet les choses à leur place : l’option de l’agrandissement de l’aéroport actuel n’est pas une chimère, mais avait volontairement été ignorée jusqu’à présent.
Oui mais voilà, lorsqu’on est élu d’une collectivité locale, on se lasse vite de gérer des collèges, des lycées, l’aide aux personnes âgées ou bien encore le ramassage des déchets ménagers. Il faut donc faire rêver le bon peuple avec de « grands projets » qui laisseront une trace dans l’histoire et faciliteront la réélection des intéressés.
Dans le jargon des collectivités territoriales, on appelle ça les « éléphants blancs », ce qui peut se traduire par « projets démesurés, peu viables économiquement et qui nécessitent des financements lourds ». La subtilité de l’affaire en matière de communication en direction du bon peuple consiste à dire que le financement sera assuré par une subvention de l’Etat, du Département, de la Région, voire de l’Europe, en oubliant de dire que le contribuable est toujours le même.
L’urgence après cinquante ans de tergiversations
Quelle est la part des déplacements en avion par rapport au nombre total de déplacements en France ? Aux alentours de 5 %, sachant que les déplacements au quotidien s’effectuent principalement en voiture particulière et en train.
Il y avait donc urgence pour ces braves âmes à engager des fonds publics et à faire plaisir à Vinci, tout en saccageant et en imperméabilisant 1500 hectares de terres agricoles, tout en oubliant de développer les transports terrestres, ceux du quotidien qui permettront le désenclavement des zones rurales et aux demandeurs d’emplois de se déplacer pour trouver du boulot.
Car le problème est bien là, pendant qu’on poursuit l’idée d’investissements de prestige qui ne profiteront qu’à quelques privilégiés, on en oublie les compétences de bases des collectivités en matière de transport qui consistent à faciliter les déplacements dans les métropoles, dans les zones périurbaines ou dans les territoires « oubliés de la République ».
La ministre des Transports annonce vouloir s’attaquer aux « zones blanches de la mobilité ». « 80 % des territoires ne sont pas couverts par une autorité organisatrice. Cela représente 30 % des Français dont personne n’est chargée d’organiser la mobilité. Forcément, cela ne peut pas bien marcher », ajoute-t-elle.
Les « autorités organisatrices »
Cette notion a été définie dans un texte des années 80 et reprécisée par les textes relatifs à la décentralisation qui ont suivi. Ces autorités étaient, dans les grandes lignes, les Départements (jusqu’à cette année), les Régions ou bien les intercommunalités par délégation ou les Métropoles, ainsi que l’Etat. Oui mais voilà, mettre des autocars, des tramways, des métros, des transports à la demandes ou des TER partout ne fait pas consensus, soit pour des raisons de coûts de réalisation des infrastructures, soit tout simplement parce que certains élus ruraux n’en veulent pas, persuadés qu’ils sont que cela fera fuir les habitants de leurs communes vers le supermarché du chef-lieu de canton.
Cela conduit notamment certaines métropoles à opter pour des tramways ou des métros uniquement dans le périmètre de la ville centre en ignorant les zones périurbaines, au motif que « cela ne marche pas » (autrement dit, ça coûte trop cher), ce qui conduit inexorablement à l’engorgement des voies d’accès ou de contournement de ces villes par les véhicules particuliers.
Les alternatives…
Lorsqu’on pose la question aux élus en charge des transports collectifs de ces agglomérations, on nous répond invariablement : transports en bus (en oubliant qu’un bus pris dans un embouteillage n’avance pas plus vite qu’une voiture), vélo (électrique) même si les pistes cyclables se réduisent à un coup de peinture sur un trottoir mal entretenu), ou enfin utilisation « d’applis » sur les smartphones pour trouver un « véhicule partagé » (ça ne marche pas terrible dans les zones blanches…).
Du foutage de gueule dans les grandes largeurs, alors que ces mêmes élus militent pour un aéroport qui ne servira qu’à quelques privilégiés, pendant que la populace bouchonnera dans les engorgements des villes ou sera tributaire du voisin pour se déplacer en zone rurale.
Encore quelques éléments pour la route
Parmi ceux qui militent pour ND des Landes et la destruction de 1500 hectares de terres agricoles, il y en a qui, une fois revenu dans leur commune, (dans Rennes Métropole) imposent aux habitants des mesures de densification de l’habitat au nom de la préservation de terres agricoles et qui ont signé avec la chambre d’agriculture une convention allant dans ce sens, sans trop se soucier de la pollution de ces terres par les produits phytosanitaires.
On nous prend pour des imbéciles mais on commence à s’en rendre compte, d’autant que la Chambre d’Agriculture de la Loire Atlantique a toujours été d’une prudence de sioux concernant ND des Landes. On les a connu plus pugnaces concernant la défense du monde agricole.
Comment sortir de ce micmac ?
La politique des transports est au croisement d’intérêts divergents, entre le lobby agricole, celui des constructeurs automobiles et celui des politiques. Elle impacte directement la qualité de vie des citoyens en matière de pollution, d’urbanisme ou encore de facilité de déplacements selon le territoire ou l’on vit.
La politique des transports est comme l’organisation administrative du territoire entre communes, communautés de communes, Métropoles, Régions, Départements et Etat, c’est-à-dire imbitable pour la majorité des citoyens et totalement inefficace et coûteuse.
Alors n’en rajoutons pas avec des projets pharaoniques, les restrictions toujours plus importantes aux déplacements en véhicules légers (avec sous-tendue la question des recettes fiscales pour l’Etat qui vont avec…) et attachons-nous à simplifier la vie des Français au quotidien, mais c’est peut-être beaucoup demander !
Autant dire qu’il faut être raisonnablement pessimiste….