Départementales : la France vire à droite
par Laurent Herblay
lundi 23 mars 2015
Les résultats sont d’une clarté limpide : dans la droite ligne des élections européennes, le PS et ses alliés reculent fortement, au coude à coude avec le FN, qui progresse fortement. L’UMP sera en position de force pour le second tour dans une semaine. La crise pousse la France à droite.
Révolte électorale droitière
Les résultats ne laissent pas l’ombre d’une ambiguité. Même s’il est vrai que la participation est faible (51%), le total des voix de droite et d’extrême-droite dépasse 60%, ne laissant qu’environ 35% pour la majorité, la gauche radicale et l’extrême-gauche. En partant du principe que le PS fasse partie de la gauche (ce qui pourrait être questionné), cela signifie que la gauche au sens large a réuni près de deux fois moins de voix que la droite au sens large. Un résultat sans doute d’autant plus parlant que le PS, qui a réuni plus de la moitié des voix « de gauche », tient un discours et mène aujourd’hui la politique économique de la droite la plus bête, pour Paul Krugman. Le Front de Gauche est en échec.
Ce faisant, la France se distingue dans le paysage politique européen, où une force de gauche subsiste en général, que ce soit un de ces partis qui n’ont plus de sociaux que leur nom (SPD à Berlin, Parti Démocrate à Rome, Travaillistes à Londres), ou une nouvelle force, qui se dit plus radicale (Syriza à Athènes, Podemos à Madrid). L’effondrement actuel du PS ne profite nullement au Front de Gauche de Jean-Luc Mélenchon, contrairement à ce qui se passe ailleurs. Et si finalement, la stratégie droitière de François Hollande était une impasse pour sa majorité et ne menait qu’au désastre électoral, comme lors des élections européennes et de ses élections cantonales ? Les résultats sont quand même sévères.
Quel sens donner à ce résultat ?
Au premier abord, on pourrait interpréter ce résultat comme la conséquence d’un mouvement structurel des électeurs, qui rejetteraient à la fois un Etat qui serait perçu comme trop interventionniste, mais aussi auraient une vision plus conservatrice et identitaire de la société, voulant stopper les dérives communautaristes et islamistes et réduire drastiquement les flux migratoires. Et si les vents néolibéraux dominants des médias et d’une grande partie de la classe politique finissaient par avoir une influence sur les citoyens ? Et ce, d’autant plus que les conséquences néfastes du néolibéralisme peuvent pousser la population dans ses bras, ainsi que l’a bien montré Jacques Généreux dans « La dissociété ».
Malgré tout, la tonalité de la campagne amène à relativiser ce jugement. Cette campagne a été indécente de superficialité. Les grands partis, n’ont absolument rien proposé, se contentant de faire une campagne limitée à la dénonciation de leur(s) meilleur(s) ennemi(s), UMP-PS pour le FN, PS pour l’UMP et FN pour le PS. Avec du recul, il est stupéfiant de constater à quel point les trois premiers partis se sont contentés d’une campagne centrée sur la critique et la dénonciation générique d’un ou deux adversaires, sans entrer dans le débat de fond. Finalement, ils suivent la logique de 2007 selon Emmanuel Todd, pour qui les Français avaient davantage voté par rejet de l’autre que par adhésion.
Cette élection est un nouvel échec électoral pour la majorité, après les municipales et les européennes, qui sera confirmé par un second tour qui la verra perdre de nombreux départements. Le balancier politique vire à droite toute. Vrai message de fond, ou faute de mieux conjoncturel ?