Déplafonner Bayrou
par Pale Rider
mercredi 28 mars 2012
Avec toute la méfiance dont il convient d’entourer les sondages, il ne fait pas de doute que François Bayrou touche un plafond dans les intentions de vote. Mais alors, pourquoi crève-t-il ce même plafond dans les indices de popularité, pour arriver à 70% ? Il manque sans doute au candidat centriste de dire avec qui il ne gouvernera pas.
Les Français aiment la vertu par procuration. Ainsi, ils ont longtemps placé l’abbé Pierre en tête des Français les plus aimés, tout en continuant à se doter de politiciens peu soucieux de vérité, de probité financière, et même de droiture en matière de mœurs comme on le constate abondamment ces derniers jours au Parti Socialiste. La sainteté, oui, mais par procuration.
Bayrou serait-il l’abbé Pierre de la politique ? C’est possible. Le problème, c’est que ce n’est plus l’heure de jouer. Si, par un malheur extrême, le candidat sortant n’est pas sorti, c’est la catastrophe garantie, et certainement l’explosion. Et si la France vire à la sauce du capitaine hollandais, c’est le rétropédalage assuré au bout de quelques mois. On aura perdu du temps, des milliards, des emplois.
Le vrai est vu
J'observe que la presse, quelle que soit sa couleur, est quasi unanime à reconnaître que Bayrou dit honnêtement la vérité, et qu'il est même le seul à indiquer les véritables enjeux. « Difficile de lui reprocher le fond de son discours, écrit Mathieu Maire du Poset (Marianne2.fr, 25 mars) : souvent juste dans ses analyses, sur son bilan des trente dernières années et sur l'état de la France, le leader du Modem paraît pourtant à la peine quand il s'agit d'offrir des perspectives d'avenir aux Français autre que l'espoir d'un État bien géré. ‘Déjà pas mal’, répondront certains, mais pour réunir une majorité suffisante pour franchir le premier tour cela risque d'être juste. Et le candidat du ‘constat juste’ risque de se retrouver coiffé au poteau par Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon, pas toujours aussi crédibles, mais bien plus offensifs. » On ne saurait mieux dire.
Alors, pourquoi 70% de popularité, et 11 à 13% d'intentions de vote seulement ?
Le seul bémol sérieux que j’entends (en dehors des « bof » qui ne signifient rien) et qui revient souvent, c'est la question du positionnement de François Bayrou.
Qu'il ne veuille pas trancher entre droite et gauche, c'est normal pour le candidat du Centre. S’il le faisait, il perdrait toute crédibilité, il se déjugerait, et il a donc raison de ne pas jouer le ralliement au deuxième tour avant même que le premier ne soit fait, d’autant plus qu’il ne faut pas désespérer de sa présence à ce deuxième tour. Il sera toujours temps d’aviser.
En revanche, et même s’il a dit ce qu’il convenait sur l’« enfant barbare » qui occupe actuellement le palais de l’Élysée, il devrait dire avec quels barbares il ne gouvernera pas, que ce soit en position de Président... ou de Premier Ministre puisque, si ce n'est pas lui qui est élu, nous irons droit dans le mur et que Bayrou, comme de Gaulle, sera sans doute rappelé aux affaires avant longtemps.
Mieux que de Gaulle
Bayrou peut faire mieux que de Gaulle, qui prit comme ministres des gens aussi peu recommandables que Maurice Papon et André Bettencourt. Sans parler de purges, il y a à l'UMP et parmi les collaborateurs de ce parti des gens infréquentables qu'il faut mettre en vacances pour longtemps. Je ne vais pas jusqu’à comparer le règne de « Nicolas Le Pen », comme l’appelle le New York Times, à ce qui s’est passé dans les années 1940, mais le régime brutal auquel nous sommes soumis depuis cinq ans implique qu’aucune coopération au redressement de la France n’est acceptable avec ceux qui la torpillent depuis cinq ans. Pour moi, Bayrou devrait dire qu'il ne votera jamais pour la candidat sortant, et qu'il ne gouvernera pas avec ses plus proches collaborateurs (aux deux sens du mot), par exemple : François Fillon, l’exécutant servile de toute la politique sarkozienne ; Rachida Dati, qui a laissé des souvenirs terribles au Ministère de la Justice ; Éric Besson (à qui je dédie « L’opportuniste » de Jacques Dutronc) ; Claude Guéant, l’exécutant des basses œuvres ; Brice Hortefeux (même motif, assorti de blagues douteuses) ; ni même Alain Juppé qui, bien qu’étant le moins « irrespectable » de cette équipe, trouve Bayrou « ignoble ». Liste non limitative.
Annoncer la non-couleur
Bayrou peut ainsi éviter de dire vers qui il penche, mais en posant les nécessaires limites à l'union nationale : celle-ci ne doit pas être un fourre-tout.
S’il dit clairement avec qui, ou avec quel types de personnages, il ne gouvernera pas, évidemment, il s'aliènera des votes de droite. Mais il se ralliera certainement des gens qui aujourd'hui sont prêts à voter Hollande pour se débarrasser du candidat sortant, tout en sachant que c'est Bayrou qui dit vrai.
« François Bayrou est cohérent, lit-on dans Le Figaro (26 mars 2012). Mais, peut-être, manque-t-il de ‘surprises’ pour provoquer un électrochoc dans l'opinion en sa faveur. C'est ce qui pourrait expliquer la différence entre sa cote de popularité de 70% et les intentions de vote autour de 13%. »
Que Bayrou déclare explicitement : « Rien avec le candidat sortant ni avec ses acolytes directs », voilà la surprise qui pourrait plaire même au Figaro (dont les articles, c’est à noter, ne sont pas hostiles au candidat du Centre), rassurer l’aile gauche du MoDem et même attirer son aile droite qui, par définition, veut en finir avec le pouvoir actuel.