Dernier round de la réforme des institutions (1) : le Congrès de la discorde
par Sylvain Rakotoarison
samedi 19 juillet 2008
Une nouvelle version a été adoptée en seconde lecture à l’Assemblée Nationale et au Sénat. Une révision constitutionnelle qui doit encore passer l’obstacle incertain du Congrès.
Je reviens donc pour évoquer le texte final du projet de loi constitutionnelle portant officiellement sur la modernisation des institutions de la Ve République.
La seconde lecture au Parlement
Nous en étions restés à la version très remaniée en première lecture par le Sénat le 24 juin 2008.
L’Assemblée Nationale a finalement réagi très vite, après quelques jours de tractations entre les sénateurs UMP et les députés UMP pour adopter dès le 9 juillet 2008 le texte définitif du projet de loi constitutionnelle (elle avait jusqu’au 10 juillet 200 pour statuer).
Transmis immédiatement au Sénat par le Premier Ministre François Fillon qui s’est déplacé lui-même pour présenter le texte devant les sénateurs le 15 juillet 2008 malgré une sciatique qui l’avait fait absenter de la glorieuse cérémonie de la veille, le projet a été rapidement adopté en termes identiques par le Sénat dès le 16 juillet 2008 (alors que l’ordre du jour avait prévu encore des séances le lendemain).
Il est intéressant d’analyser le vote des sénateurs.
Sur 329 votants (Christian Poncelet, Président du Sénat, n’a pas pris part au vote et il y a un siège vacant), 287 se sont exprimés (les autres abstenus) dont 162 pour (majorité 144) et 125 contre.
Dans le détail des groupes, on notera que les 95 sénateurs socialistes et les 23 sénateurs communistes ont tous voté contre.
Les 30 sénateurs du groupe centristes, dans une unanimité ‘courageuse’, se sont abstenus.
Deux sénateurs UMP ont voté contre et trois se sont abstenus.
Quant aux 17 sénateurs du RDSE (ex-Gauche Démocratique, sortes de radicaux de gauche et de droite), 7 ont voté pour, 2 contre et 8 se sont abstenus.
Congrès pour le 21 juillet 2008
Le Parlement a été convoqué par le Président de la République en Congrès à Versailles pour ratifier le texte final le lundi 21 juillet 2008 à 15 heures 30.
Pour l’instant, l’issue du processus est très incertaine.
Le Président de la République Nicolas Sarkozy a fait quelques déclarations publiques qui ne semblent pas avoir transformé le rapport des forces.
Il y aura 576 députés et 330 sénateurs (chaque assemblée ayant un siège vacant).
Pour que le texte de la révision constitutionnelle soit définitivement adopté, il faut une majorité de trois cinquièmes des suffrages exprimés, soit 60%. Cela signifie aussi que les abstentionnistes auraient plutôt tendance à favoriser l’adoption du projet.
Jack Lang a annoncé qu’il ne votera pas contre. Ses amis socialistes le soupçonnent d’avoir eu l’assurance, par Nicolas Sarkozy, d’être nommé comme futur Défenseur des droits des citoyens, fonction crée par la réforme.
Les 8 députés radicaux de gauche ont annoncé qu’ils voteraient pour la réforme, mais ils sont aussi soupçonnée d’avoir négocié leur soutien contre la promesse de pouvoir constituer un groupe autonome à l’Assemblée Nationale (qui les affranchiraient du Parti socialiste).
Le reste de la gauche dénonce des pressions inadmissibles de la part du pouvoir, pour récupérer quelques voix.
Du MoDem, François Bayrou parle même de « marchands de paillassons ».
La mauvaise foi du Gouvernement qui montre par les faits qu’il est hypocrite quand il parle de démocratie irréprochable et qui place l’opposition des élus de gauche comme une simple position politicienne a amené quelques parlementaires de la majorité à se rebiffer.
Le sénateur UMP Charles Pasqua ne votera pas le texte qu’il considère comme une « usine à gaz ».
Le député UMP Henri Cuq va même plus loin : « Il y a des débauchages et des médiocrités dont on avait perdu l’habitude. On nous dit qu’il faut revaloriser le Parlement, or on fait des pressions inacceptables. Des députés ont été convaincus de changer de vote en étant achetés ou contre promesse d’un maroquin. ».
Afin de rendre indiscutable le résultat du scrutin du Congrès, un double comptage sera réalisé : vote électronique et vote individuelle.
Pronostic
N’étant pas devin, je me risque cependant à faire à ce jour un petit comptage qui ne préjuge en rien du résultat final.
En prenant en compte le vote détaillé des sénateurs en seconde lecture (celui des députés n’est pas publié à ma connaissance), et en prenant des hypothèses sur le vote des députés, j’en suis arrivé à ce décompte :
Pour : 504.
Contre : 359.
Abstention : 43.
S’il y aura assurément une majorité absolue, la majorité des trois cinquièmes ne serait pas acquise, selon moi, ne récoltant que 58,4% au lieu de 60%.
Roger Karoutchi se répandait partout en disant que cela se jouerait entre quatre ou cinq votes, ce qui correspondrait à peu près à mes propres calculs. (En prenant mes hypothèses d’abstention, il suffirait de 7 parlementaires qui changeraient d’avis pour bouleverser le sens du scrutin).
Dans tous les cas, on se rend compte de l’importance des élections législatives de juin 2007 : l’élection plus nombreuse que prévu de députés socialistes avait empêché au parti majoritaire UMP d’avoir un pouvoir constituant.
Dans le prochain article, je reviendrai sur le contenu du texte définitif du projet de loi constitutionnelle ainsi que sur le scrutin essentiel du 21 juillet 2008.
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (19 juillet 2008)
Pour aller plus loin :
Constitution du 4 octobre 1958.
Texte adopté au Conseil des Ministres du 23 avril 2008.
Texte adopté en première lecture par l’Assemblée Nationale le 3 juin 2008.
Texte adopté en première lecture par le Sénat le 24 juin 2008.
Rapport n°1009 de Jean-Luc Warsmann du 2 juillet 2008.
Texte adopté en seconde lecture par l’Assemblée Nationale le 9 juillet 2008.
Rapport n°463 de Jean-Jacques Hyest du 10 juin 2008.
Texte adopté en seconde lecture par le Sénat le 16 juillet 2008.
Autres articles sur la réforme des institutions.