Des moutons à l’Élysée
par Fergus
jeudi 1er avril 2021
À un an de l’élection présidentielle 2022, Emmanuel Macron a décidé d’engager une série d’actions politiques destinées à redorer une image qui reste très déficitaire au plan écologique. En parallèle, quelques mesures symboliques seront prises dans les prochaines semaines. Parmi elles, l’étonnante introduction, dès cette semaine, de moutons dans les jardins du palais présidentiel…
Emmanuel Macron est lucide, il sait que les préoccupations écologiques prennent une part croissante dans les attentes de nos compatriotes, notamment chez les jeunes, nettement plus sensibilisés que leurs aînés aux enjeux environnementaux. Une réalité sociétale qui jouera sans nul doute un rôle important dans le choix des électeurs lors de l’élection présidentielle de 2022.
C’est dans cette optique qu’à la demande d’Emmanuel Macron, Édouard Philippe a, en octobre 2019, chargé le CESE* de mettre en place une Convention Citoyenne pour le Climat. Et cela après que le président ait affirmé en avril 2019 que les propositions qui sortiraient des travaux de cette instance seraient soumises « sans filtre, soit à référendum, soit à un vote du Parlement, soit à application réglementaire directe. »
Un propos réitéré le 29 juin 2020, quelques jours après la restitution par les Conventionnels de 149 propositions à la ministre de la Transition écologique et solidaire Élisabeth Borne. Emmanuel Macron est même allé ce jour-là jusqu’à évoquer un « contrat moral » avec les Français, exception faite pour trois des propositions que le chef de l’État a écartées en brandissant virtuellement des « jokers ».
La séquence politique initiée par cette Convention Citoyenne pour le Climat devait, dans l’esprit d’Emmanuel Macron, contribuer à donner à la future Loi Climat et Résilience une « caution » populaire. Elle devait également, dans l’optique de la présidentielle, contribuer à « verdir » l’image du chef de l’État en renforçant l’affichage de son engagement écologique et environnemental. Malheureusement pour le président de la République, la réaction des Conventionnels est venue jeter un coup de froid sur ce bel édifice.
Chacune des réponses du gouvernement aux 146 propositions retenues par le chef de l’État a donné lieu à une notation par les Conventionnels. Et le moins que l’on puisse dire est que leurs porte-paroles, réunis le 28 février 2021, se sont montrés très sévères à l’égard de l’exécutif. La presque totalité des mesures obtient en effet une note inférieure à 5 sur 10. Pire : la moyenne générale s’établit à… 3,3 sur 10 ! Un camouflet pour Emmanuel Macron, et un gros caillou dans sa chaussure écologique en vue du rendez-vous électoral de 2022.
C’est dans ce contexte que Clément Léonarduzzi, responsable du « pôle Communication » de l’Élysée, a suggéré au président de la République, outre la mise en œuvre rapide des premières dispositions de la loi Climat et Résilience, de « prendre quelques mesures de nature à impacter l’opinion au plan symbolique ». Parmi elles, la surprenante introduction de « tondeuses écologiques » (comprendre des brebis) dans les jardins du palais présidentiel. Une initiative, rapporte un autre conseiller du château, qui a été « vivement soutenue » par le très influent secrétaire général de l’Élysée, Alexis Kholer.
Réflexion faite et encouragé par son épouse, Emmanuel Macron a donné son accord et chargé le ministre de l’Agriculture, Julien Denormandie, de se mettre en quête d’animaux appartenant à une race apte à vivre dans un parc. Après étude, le choix s’est porté sur le mouton d’Ouessant pour sa sociabilité et sa petite taille qui en font une référence de l’éco-pâturage en milieu urbain. Ordre a donc été donné au préfet du Finistère, Philippe Mahé, de se mettre en rapport avec un éleveur breton pour passer commande d’une demi-douzaine d’ovins.
L’heureux élu se nomme Erwan Le Brazidec, éleveur de moutons d’Ouessant à Plounévez-Lochrist. Après sélection d’une demi-douzaine d’animaux dans son cheptel, il les a lui-même acheminés à la Bergerie nationale de Rambouillet où les ovins – un bélier et cinq brebis – ont été acclimatés durant quelques jours, le temps que soit procédé aux contrôles vétérinaires et que soient réalisés les aménagements du parc élyséen.
Hier dans l’après-midi, les six moutons d’Ouessant sont arrivés à l’Élysée, conduits par leur éleveur et Spiridon Roussin de la Hague, vétérinaire à la Bergerie Nationale. Les deux hommes ont été personnellement reçus par le chef de l’État et son épouse dans le salon des Aides de Camp où Erwan Le Brazidec a remis à Emmanuel Macron un panier de spécialités bretonnes comprenant notamment un assortiment de caramels au beurre salé, un kouign amann et une bouteille de lambig vieux.
Une photo officielle de l’arrivée des moutons a ensuite été prise dans le parc de l’Élysée en compagnie des animaux, préalablement baptisés par Brigitte Macron de noms d’étoiles : le bélier se nomme Sirius, les brebis Alhéna, Altaïr, Antarès, Polaris et Véga. Ce document, non communiqué à cette heure, devrait être rapidement rendu public. Nul doute qu’il sera par la suite utilisé dans la communication présidentielle.
* Cese : Conseil économique, social et environnemental.
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