Désastre diplomatique sans précédent pour la France en Amérique latine

par François Asselineau
vendredi 5 juillet 2013

Comme je l'évoque parfois au détour de l'une de mes conférences, le prestige de la France était immense en Amérique latine, et cela depuis les guerres d'indépendance du début du XIXe siècle contre la puissance coloniale espagnole.

 

DEPUIS LA RÉVOLUTION DE 1789, LA FRANCE BÉNÉFICIAIT D'UN IMMENSE PRESTIGE DANS TOUTE L'AMÉRIQUE LATINE

Francisco de Miranda, qui participa à la bataille de Valmy 20 septembre 1792 au côté des révolutionnaires français et contre l'Europe coalisée, fut ensuite le principal collaborateur du Libérateur Simon Bolivar.

De nombreux symboles hérités de la Révolution française (par exemple le bonnet phrygien) furent repris par les révolutionnaires latino-américains à travers tout le continent dans les armoiries des États nouvellement indépendants (Argentine, Bolivie, Chili, etc.)

Pour avoir participé à la Révolution française et à la bataille de Valmy, Francisco de Miranda est l'un des rares étrangers - et le seul Latino-Américain - dont le nom est gravé sur l'Arc de Triomphe à Paris.

Le prestige de la France resta intact tout au long des dix-neuvième et vingtième siècles, et cela malgré l'effroyable défaite de juin 1940.

Charles de Gaulle, Président de la République française dans les années 60, porta ce prestige et cette influence de notre pays, dans tout le sous-continent latino-américain, à un degré d'incandescence jamais atteint auparavant.

On se rappelle ainsi son voyage au Mexique en mars 1964 et celui dans tout le cône sud-américain à l'automne 1964, qui drainèrent des millions et des millions de personnes sur son passage. Ce fut toute Amérique latine qui salua à cette occasion la volonté française de redevenir un pays souverain, libre et indépendant, servant ainsi de modèle pour le monde entier.

Je renvoie les électeurs à ma conférence Qui gouverne vraiment la France et l'Europe ? , et notamment à cette captation vidéo, à partir de 38'38''


« Mexico accueille De Gaulle » - Couverture de Paris Match (n°781) du 28 mars 1964 qui fit sa "Une" sur l’accueil inouï réservé à Charles de Gaulle par les Mexicains

La Une de France-Soir du 23 septembre 1964 : « Happé, stoppé, acclamé, c’est De Gaulle à Caracas »


La Une de France-Soir du 25 septembre 1964 : « Marée humaine en Équateur pour le Général de Gaulle »


Début octobre 1964 :Vidéo de l'Institut National de l'Audiovisuel montrant les centaines de milliers de Brésiliens, à Sao Paulo et Rio de Janeiro, massés sur les trottoirs ou aux fenêtres pour apercevoir et acclamer le président de la République française.

Il n'est pas inutile de noter que le prestige et le rayonnement de la France en Amérique latine ne se limitaient pas à de belles paroles. Il en résultait aussi de nombreux avantages bien tangibles et concrets pour notre pays :

Parmi cent autres exemples, je citerai notamment la couverture aérienne de l'Amazonie, qui fut confiée au début des années 60 par le Brésil à la France de Charles de Gaulle : le gouvernement brésilien préféra confier à l'entreprise française Thomson la surveillance radar stratégique de tout son arrière-pays, plutôt qu'à des entreprises yankees, qui auraient utilisé les données collectées pour faire de l'ingérence grossière dans les affaires intérieures brésiliennes.


COMME EN AFRIQUE, AU MOYEN-ORIENT ET EN ASIE, L'APPARTENANCE DE LA FRANCE À L'UNION EUROPÉENNE DÉTRUIT TOUTE NOTRE INFLUENCE EN AMÉRIQUE LATINE

Dans la France "mitterrandienne", le prestige de notre pays ne souffrit pas trop.

Ce prestige et cette influence de la France commença à s'émousser cependant rapidement avec l'alignement complet sur Washington que suppose la construction d'une Europe fédérale :

Du reste, c'est sous la fin de la présidence de François Mitterrand - en 1994 - que le Brésil dut renouveler le matériel de la couverture aérienne de l'Amazonie, qui avait été confiée au début des années 60 - je l'ai souligné ci-dessus - par le Brésil à la France de Charles de Gaulle. Mais cette fois-ci, le gouvernement brésilien préféra confier à l'entreprise yankee Raytheon la surveillance radar stratégique de tout son arrière-pays. L'offre française de Thomson, plus chère, n'avait plus d'intérêt politique puisque la France était en passe de devenir une colonie américaine....

Pendant sa présidence, Jacques Chirac eut à cœur de redorer le blason terni de notre pays en faisant un assez long voyage, au printemps 1997, dans plusieurs pays d'Amérique latine (Brésil, Uruguay, Paraguay, Bolivie et Argentine). Je me le rappelle personnellement, pour y avoir participé de bout en bout en tant que conseiller auprès du ministre des affaires étrangères de l'époque, Hervé de Charette.

Ce voyage, qui se voulait une réédition de celui de Charles de Gaulle en 1964, n'en fut qu'une pâle imitation, tant la France du milieu des années 90 s'était déjà alignée sur les intérêts euro-atlantistes.

Néanmoins, l'opposition de notre pays à la guerre en Irak en 2003, et notamment le discours de Dominique de Villepin au Conseil de Sécurité de l'ONU, nous valurent un regain de très large sympathie à travers tout le continent à cette époque.

Mais désormais l'image de la France est en perdition.
 

LE DOUBLE DÉSASTRE SARKOZY-HOLLANDE

Rompant avec des siècles de volonté de souveraineté et d'indépendance nationale, et rompant avec deux siècles de liens confiants avec les régimes latino-américains, les partisans français de la construction européenne sont en train de détruire toute l'image, toute l'influence, tout le prestige et tout le rayonnement de la France en Amérique latine.

L'alignement complet de Nicolas Sarkozy sur les exigences du complexe militaro-industriel américain (participation militaire aux opérations de l'ISAF en Afghanistan, boycott contre l'Iran, guerre en Libye, déstabilisation de la Syrie, etc.) a très profondément dégradé l'image de notre pays en Amérique latine.

Mais l'élection de François Hollande, prétendument « de gauche », a accentué encore cette dégradation de l'image de la France. Car désormais, vu d'Amérique latine, ce sont les deux partis politiques français de gouvernement, « de droite » ou « de gauche », qui sont totalement inféodés aux Yankees.

Comme par un fait exprès, les actions de François Hollande et de son équipe gouvernementale - constituée d'une bande d'amateurs de piètre qualité - ont jeté de l'huile sur le feu :


Cloué au sol contre sa volonté pendant 13 heures sur l'aéroport de Vienne (Autriche), le président bolivien sort un instant de son appareil pour prendre l'air et fait un signe à l'adresse des photographes de la presse mondiale.


Cerise sur le gâteau : l'avion du président Morales est un avion français : un Falcon 900 de Dassault. Il est probable que, lorsqu'il s'agira de renouveler l'appareil, le chef de l'Etat bolivien préfèrera acheter un avion de fabrication russe, chinoise ou brésilienne..

À cette offense immense faite au chef de l'État bolivien – qui a été quand même cloué au sol pendant 13 heures contre sa volonté –, s'ajoute le motif scandaleux du refus de survol : la France est apparue, aux yeux de toute l'Amérique latine, comme le méprisable larbin des États-Unis puisque nos dirigeants trouvent encore le moyen de se plier aux desiderata de Washington alors même que la presse mondiale vient de révéler que les États-Unis écoutent toutes les conversations de nos ambassades !

Tout cela fait beaucoup, et fait même trop.

Dans la nuit de ce 3 au 4 juillet 2013, on apprenait ainsi que, l'un après l'autre, ce sont tous les pays d'Amérique latine qui font part de leur indignation et de leur mépris devant l'attitude du pays qui fut celui de Charles de Gaulle.

En bref, le scandale, le désastre et la honte sont complets ce soir pour la France.

L'appartenance de la France à l'Union européenne est en train de ruiner le capital de sympathie, hérité de deux siècles, dont bénéficie notre pays auprès de 600 millions de Latino-Américains

Pour bien mesurer cette déchéance de notre pays, ces photos du jour sont à comparer à celles que j'ai reportées ci-dessus du voyage de Charles de Gaulle en Amérique Latine en 1964 :


Manifestations anti-françaises à La Paz (Bolivie) les 2 et 3 juillet 2013 : les manifestants décrochent des drapeaux français et européen sur l'Ambassade de France et vont ensuite les brûler devant les caméras. Bien entendu avec la complicité des autorités gouvernementales boliviennes.

Ces photos révèlent que les manifestants boliviens ne partagent pas du tout les boniments de M. Mélenchon - qui se proclame « fédéraliste européen », qui se permet de traiter de « maréchalistes » ceux qui proposent de sortir de l'euro, mais qui se proclame ami des régimes progressistes latino-américains.

Car, n'en déplaise à M. Mélenchon, les manifestants boliviens, qui ont tout compris, brûlent à la fois le drapeau européen et le drapeau français.

Et ils dénoncent sur leur banderole la France comme étant « raciste, hypocrite et fasciste ».

C'est la parfaite confirmation de mes analyses : vue d'Amérique Latine comme d'Afrique, du Moyen-Orient ou d'Asie, l'Europe est une construction fascisante et racialiste, porteuse de conflits et de guerres.

François Asselineau

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