Désirs d’avenir, les limites d’une campagne participative
par Yves-Marie Cann
mercredi 7 février 2007
Une rencontre de quelques heures après plus d’une année de dialogue en ligne : tel était le principe de la réunion organisée samedi 3 février par l’équipe du site Désirs d’avenir, bateau amiral de la campagne de Ségolène Royal, et dont la presse écrite s’est fait l’écho ce lundi (cf. notamment Le Figaro et Libération).
Le débat en ligne, engagé par la candidate socialiste et son équipe au début de l’année 2006, constituera sans aucun doute l’une des principales originalités de cette campagne présidentielle. D’ores et déjà, il peut se prévaloir d’un succès certain, puisque le site reçoit quotidiennement, selon ses responsables, environ 25 000 visiteurs et aurait enregistré plus de 135 000 contributions.
Je ne m’éterniserai pas ici sur le premier intérêt stratégique du dispositif, rappelons néanmoins qu’il aura permis à Ségolène Royal de se constituer en dehors du Parti socialiste un réseau de soutiens dont l’apport n’aura sans doute pas été négligeable lors de la primaire de novembre 2006.
La mise en scène "désordonnée" de samedi au siège de campagne de la candidate (ne nous leurrons pas : les preneurs d’images étaient nombreux, qu’ils soient journalistes ou observateurs de la netcampagne) offre surtout l’opportunité de s’interroger, à quelques jours de la présentation de son programme, sur les apports et les limites de la méthode participative défendue par la candidate socialiste.
L’ouverture du débat politique, ou en tout cas l’opportunité offerte à de nouveaux publics d’y participer, apparaît sans doute comme l’aspect le plus positif de cette démarche. Elle rompt en tout cas avec les pratiques encore à l’oeuvre dans les formations politiques où seul l’adhérent - dans le meilleur des cas - participe à l’élaboration du programme.
Cette ouverture a pourtant ses limites, et c’est tout le mérite de la rencontre organisée au siège de campagne de Ségolène Royal de les avoir - involontairement - mises en lumière. En effet, et ceci n’a pas échappé à d’autres observateurs, parmi les vingt à trente contributeurs de Désirs d’Avenir invités samedi en fin d’après-midi, force est de constater que l’Education nationale et le secteur associatif apparaissaient nettement surreprésentés. Et l’on finit alors par se demander si l’expérience participative n’aboutit pas à reproduire les travers de la politique "pré-participative", davantage de participants au débat ne se traduisant pas forcément par une meilleure représentativité des différentes sensibilités sociales.
Ceci n’est pas sans risque, car à trop vouloir "coller" aux attentes exprimées par les contributeurs de Désirs d’Avenir, le programme de Ségolène Royal pourrait tout à fait satisfaire ses soutiens en ligne sans répondre efficacement aux demandes d’autres segments de son électorat qui, démocratie participative en ligne ou pas, ne se sont pas davantage engagés dans le débat politique.
C’est toute la difficulté de l’exercice auquel se livrera Ségolène Royal le 11 février.