Discours de Dakar : ne pas se tromper de procès

par kakadou n’diaye
lundi 28 juillet 2008

Alors qu’il revient sur son fameux discours de Dakar dans un entretien récent pour enfoncer le clou de ses convictions et déclarations, pourquoi faire à Monsieur le conseiller et nègre du président un procès qui n’est pas le sien ?

Car il a raison de s’appuyer sur Braudel pour qui le cycle paysan - le retour du même - structure la pensée de l’avenir.

Mais là où le bât blesse c’est que la société africaine n’est plus une société paysanne et rurale... depuis déjà plus de trente ans. C’est là où effectivement il y a non racisme, mais paternalisme dépassé. C’est là aussi, dans cette Afrique que l’on continue à considérer comme rurale, que résident tous les malentendus culturels. Le roman africain continue, quand il est publié en France, à nous montrer, comme dans les années 50, le drame de la colonisation (Hampeta Ba, Camara Laye, Cheikh Diop, etc.) ; idem la filmographie (Sembene des années 70) alors que l’Afrique est devenue urbaine - majorité urbaine - depuis les années 80 (c’est bien ce que nous montrait le même O. Sembene dans ce merveilleux film visionnaire qu’est « le mandat ») et que le problème de l’Afrique est d ’abord un problème urbain (Cf. à titre d’exemple lesdites émeutes de la faim). L’Afrique a plus de grandes villes que l’Europe. Lagos est plus grand que Londres. Partant la perception de l’avenir n’est plus circulaire et cyclique, Monsieur le conseiller, mais bien linéaire. Elle débouche sur le néant et la mort.

Mais je voudrais aussi faire remarquer à Monsieur le conseiller du président et à ses velléités historiques que l’histoire de l’Afrique nous apprend qu’elle était déjà à l’époque de Soundjiata - XIII et XIVe siècle - plus urbaine, plus guerrière et commerçante, artisanale et industrieuse que rurale et que la France ne réalisa l’égalité urbain-rural que… vers les années 1920 soit avec quelques siècles de retard. Entre les deux, le retour à la ruralité porte un nom et à une cause, Monsieur le conseiller, cela s’appelle l’esclavage qui a détruit les empires et les royautés et tiré du pays, en quelques décennies, quelque millions de personnes.

On peut juger que cette ignorance, cette vision de l’Histoire, est raciste. C’est ce que pense, en France, M. B.-H. Lévy et, de façon plus sérieuse, le rapporteur pour les questions de racisme de l’ONU, M. Doudou Dienne. Je penserais, quant à moi, que cette ignorance, pour criminelle qu’elle soit - elle l’est par les actions qu’elle commande et sous-entend - n’est pas de l’ordre du racisme, mais d’un paternalisme bon teint qui entend protéger l’Afrique, comme un enfant, tout en continuant à l’envoyer aux mines, le protéger de lui-même en lui donnant et en protégeant des mentors soudoyés et incompétents.

Je n’en voudrais comme illustration que les politiques qui veulent depuis plusieurs décennies nous gaver des surplus européens obtenus par grasses subventions qui ont pour effet de ruiner notre agriculture, que les aides multiples accordées à des dirigeants ubuesques, cacochymes, qui sont ce que l’on veut sauf élus démocratiquement (on n’hésite pas alors à les aider par les armes. Qu’ils tuent leurs opposants ne pose pas de problème (Tchad)... Les exactions les dérives, les angolagates, gabonogates, elfgates, etc., sont tellement nombreux bref la politique menée depuis Paris est tellement conforme à cette vision paternaliste qu’il suffit d’ouvrir les yeux.


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