Diversité versus égalité : les écarts de richesses également répartis

par vogelsong
jeudi 23 avril 2009

Dernier en date à faire tinter ses grelots à la cour de l’Élysée, Y.Sabeg est promu nouveau préposé à la diversité et l’égalité des chances. La droite s’offre une respectabilité en ratissant large sur une thématique consensuelle. Après le siphonnage du FN, la chasse aux étrangers, l’identité nationale, le sarkozysme aidé de toutes les naïves bonnes volontés joue les grands airs de la diversité et de l’égalité. À ce petit jeu, les réactionnaires passent les plats aux conservateurs. Les progressistes n’ont pas droit au chapitre.

N.Sarkozy, le MEDEF, le PS fondent sur la diversité comme la misère sur les pauvres. Cela n’interloque personne. Tous, unanimes, chantent les louanges d’un nouveau modèle de société débarrassé de ses oripeaux sexistes, “racistes”, culturels et même un peu sociaux. Des fois.

Ce sont pourtant les mêmes qui depuis de longues décennies pratiquent la politique de l’homme vieux et blanc. Les mêmes qui pour remporter les élections récurent les pissotières du Front National, les mêmes qui font du casting “racial” et sexuel une force de vente au service du conservatisme. À intervalle régulier on évoque la prise de conscience, qui permet de gagner du temps jusqu’à la prise de conscience suivante. Mais le plus édifiant est le dévoiement des responsables politiques. Depuis trente ans, ils délaissent le terrain miné du social pour se consacrer à la diversité, bien plus sensuel. Pour la droite, c’est une aubaine. On ripoline la devanture réactionnaire, pour se poser en chantre de l’équité et de la diversité. Pas question de toucher à la répartition des richesses, la péréquation des couleurs de peau et des sexes dans le magma de la pénurie des salaires est bien plus intéressante. Elle permet de contempler un ordre social constellé de disparités. Et de justifier, même, l’aggravation de ses écarts de richesses, à condition bien sûr qu’elles soient égalitairement réparties. On tolère très bien qu’une avocate d’affaires (non blanche serait idoine dans cet exemple) gagne 20 fois plus qu’une infirmière d’un service de pédiatrie génétique. Mais il est insoutenable que l’infirmier gagne 1,1 fois plus que l’infirmière pour le même travail. Et donc 19 fois moins que la reine du barreau citée plus haut. Ce qui est indigne ce n’est pas que l’infirmier gagne 1,1 fois le salaire de sa consoeur (même si), c’est que l’ordre économique, sous couvert d’équité, établisse que s’occuper d’enfants mourants est 20 fois (ou 19) moins gratifiant que réaliser des fusions acquisitions. Mais bien sûr beaucoup plus valorisant.

Les réactionnaires ont un rôle très important dans le dispositif. Repoussoir facilement identifiable, ils abhorrent la différence de couleur de peau, pensent le XXIe siècle comme l’an mil. Chacun à sa place. Le nouveau voiturier du pouvoir, L.Schweitzer délivre une fulgurance lors de l’émission de France Culture du grain à moudre, “on ne convainc pas un raciste“. L’ennemi est donc là, identifié, et tellement grotesque. Le chef de la HALDE rajoute “il faut le combattre impitoyablement“. Aurait-il fallu leur faire des bisous dans le cou ?

En 2005, le gouvernement de D.de Villepin proposa le chantier sur l’égalité professionnelle. Salves d’applaudissements : Comment faire autrement pour échapper au goudron et aux plumes ? Ce même gouvernement mettait en place le contrat première (nouvelle) embauche au même moment. Étourdi par tant de “modernité”, personne ne fait le lien.

C’est pantois que l’on scrute les “progressistes” qui besognent sciemment ou pas pour les conservateurs. Les valeurs défendues, l’énergie dissipée dans les luttes ne sont pas en cause. Mais la portée idéologique et pratique suscite des questions. Dans bien des cas, les combats “progressistes” sont une arme par destination pour conservateurs. C’est un dilemme. On peut être pour une juste répartition des richesses et l’égalité des sexes (par exemple). Mais on livre des munitions idéologiques aux conservateurs pour affirmer et même justifier les inégalités économiques. Avancer dans un sens, faire un grand bond en arrière dans l’autre, W.B.Michaels vitupère : “quand le spectre grimaçant de l’inégalité économique parvient malgré tout à relever la tête la gauche fournit à la droite un système performant pour apprendre à l’aimer“*. L’effet de propagation sur la société est dévastateur. L’intériorisation des inégalités de classes est largement équilibrée par la force symbolique de la diversité. Un vent de progrès souffle alors dans les médias lorsque l’on annonce la remise à niveau de la rétribution (940 000 euros) pour le vainqueur du simple hommes et femmes à Roland Garros. La caissière à temps partiel (650 euros nets), elle, vit sûrement cet instant magique comme un réel progrès. C’est pourtant les éléments de classes et de répartition qui devraient primer. On brade l’égalité économique pour “l’égalité” néolibérale.
 
Pour la gauche l’abandon est presque total. Les baisses d’impôts, les privatisations, l’intériorisation de la mondialisation débouchent sur un surinvestissement dans la diversité. Ces valeurs sont évidemment estimables, mais le clivage avec la droite s’annonce ardu ; les deux camps sont officiellement sur les mêmes bases. La populaire F.Amara a réussi le mariage parfait en décrochant un maroquin au gouvernement. Après un long travail de sape et stigmatisation, elle est enfin récompensée sur l’autel de la diversité. Elle parle de garçons (surtout), de filles, de violences (surtout), de banlieues, de responsabilités, mais finalement très peu de classes et de répartition. Selon les canons du Figaro, elle est “moderne”.

La France plébiscite l’indocile R.Yade. Selon les éditorialistes, elle aurait des valeurs de “gauche”. Elle sait surtout ne jamais aller trop loin. Symptôme de cette France conservatrice qui n’autorise les dépassements de limites que jusqu’à un certain seuil. La rebelle s’étonne sur son blog qu’il puisse y avoir des “racistes” dans son parti, l’UMP, une formation libérale et diverse. Comme le Parti socialiste.

 

Vogelsong


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