Droit dans le mur !
par Michel DROUET
vendredi 1er octobre 2021
La mondialisation heureuse
Certes, nous avons accès au marché mondial et nous pouvons acheter ce que nous voulons sans nous préoccuper du reste, mais nous sommes devenus dépendants de pays producteurs pour nous habiller, nous déplacer ou nous soigner…, toutes choses dont la fabrication est plus rentable à l’étranger pour cause de coûts salariaux, sans nous intéresser plus que cela des conditions sociales et environnementales de production. Nous n’exportons plus nos « valeurs » mais notre CO2 et sommes prêts éventuellement à faire la leçon à ceux qui épuisent les ressources terrestres pour fournir les composants électroniques qui serviront à faire rouler nos automobiles à 30 Km/h en ville.
La désindustrialisation de notre pays est la conséquence de ce système. La balance commerciale nous rappelle chaque jour notre dépendance.
Surtout, ne pas se fâcher avec nos fournisseurs aux régimes autoritaires, ou populistes ! Ne pas se fâcher, non plus avec nos « alliés », ceux pour qui le respect de la parole donnée est une vieille lune ! Le rare secteur dans lequel nous étions performants, celui de l’armement, vient d’en faire les frais, mais il est vrai que lorsque la diplomatie endosse les habits du représentant de commerce dans ce secteur pas très éthique, on se dit que parler de politique étrangère est accessoire.
Les valeurs inscrites aux frontons des Mairies ne sont plus un argument de vente. Il est à craindre que la laïcité soit sacrifiée sur l’autel de nos échanges commerciaux, afin de ne pas froisser nos partenaires…
Quelle est la réalité de notre pays ?
Deux blocs cohabitent : le monde économique et financier, friand de « baisses de charges » qui produit beaucoup de milliardaires d’un côté, et de l’autre un gouvernement inefficace qui pose des rustines et s’endette.
Tout se passe comme si les premiers étaient devenus des intouchables ou des vaches sacrées qu’il faut préserver « au nom de l’emploi », bien sûr, et surtout en ne critiquant pas le système qui les protège : baisse des charges indifférenciées qui créent des trappes à Smicard et empêchent les revalorisations salariales dès qu’on dépasse le plafond fixé, CICE bienveillant qui n’a pas créé les emplois attendus mais a rempli de joie les actionnaires et dirigeants, baisse de la TVA pour les restaurants avec promesses non tenues à la clé de créations d’emplois, de revalorisations salariales et de baisse des prix, ces mêmes restaurateurs qui se plaignent aujourd’hui de ne plus trouver de personnel. On peut ajouter aussi la baisse de l’impôt sur les sociétés ou celle attendu pour les impôts de production, tout cela, bien entendu, au nom de la « compétitivité », sachant que la majorité des entreprises françaises ne sont pas présentes à l’international…
Côté gouvernement, la doctrine consiste à s’auto congratuler devant l’augmentation du PIB sans dire qu’il s’agit seulement d’une remise à niveau post covid, en évitant de trop parler du déficit budgétaire et de l’augmentation de la dette et en votant un budget pré-électoral. Les rentrées fiscales attendues avec « la reprise » serviront au mieux à boucher quelques trous ou à honorer deux ou trois promesses juste avant que la prochaine bulle financière n’éclate, ce qui ne saurait tarder.
Tous les problèmes semblent trouver miraculeusement des solutions avec ce leitmotiv : ne rien demander aux entreprises. Désormais, c’est l’Etat qui pourvoit aux questions de pouvoir d’achat contrairement aux envolées lyriques du Ministre de l’économie : « le travail doit payer ». Ce revirement s’est opéré en début de mandat avec la baisse des cotisations salariales qui a « redonné du pouvoir d’achat aux salariés ». Cela s’est poursuivi avec la suppression de la Taxe d’habitation qui privera les collectivités locales de ressources à terme avec transfert sans doute sur d’autres impôts ou taxes locales. En ce moment, on reparle de l’augmentation du chèque énergie parce que les moins aisés ne peuvent pas se chauffer ou se déplacer fautes de revenus salariaux suffisants.
Dernière arnaque, la défiscalisation des pourboires des personnels dans la restauration et les cafés (comme s’ils avaient été un jour déclarés aux impôts…) qui tente de mettre à la charge du client l’augmentation des salaires du secteur que les patrons ne veulent pas augmenter malgré les difficultés à recruter et malgré le cadeau fait avec la baisse de la TVA (cf ci-dessus).
Bientôt un chèque « beurre, œufs, fromages » ou un chèque PQ pour éviter de parler des choses qui fâchent avec les producteurs, les intermédiaires et les distributeurs, bref, toutes les entreprises et les actionnaires qui ne veulent plus entendre parler d’augmentations de salaires et profitent d’un Etat qui ne gère plus que les affaires courantes ?
Combien de temps cela va durer ?
Nous sommes au pied du mur. La question est désormais de savoir à quelle sauce nous allons être mangés. Combien de temps encore devrons-nous idolâtrer le PIB en détournant le regard sur les déficits accumulés et la dette.
A moins que tout cela ne soit seulement un jeu de rôle et que la finalité de ce jeu de dupe ne soit la réforme drastique de notre modèle social à court ou moyen terme.
Attendons la prochaine crise, et son « quoi qu’il en coûte » avec remontée des taux d’intérêts, celle qui fera de notre pays endetté la nouvelle Grèce, avec mise sous tutelle du FMI et des créanciers sous le regard bienveillant de nos voisins européens, cette crise qui nous obligera à faire, à chaud, des « réformes », sur les retraites, sur les prestations sociales, sur les salaires en dégraissant bien sûr l’Etat et les collectivités de ces « horribles fonctionnaires qui coûtent si cher », sous les hourras des pseudos économistes et réformateurs de salon….
Si nous laissons le gouvernement actuel pratiquer la politique du chien crevé au fil de l’eau, comme il le fait actuellement en préservant les seuls intérêts économiques et financiers et en faisant n’importe quoi en matière de gestion budgétaire, en appauvrissant l’Etat pour précipiter l’effondrement du pays, nous ne devrions pas attendre bien longtemps….
En attendant, pour éviter les sujets qui fâchent, le terrain se libère pour les bateleurs, les falsificateurs de l’histoire qui nous vendent de la haine et du rejet de l’autre.