Droit du travail : le gouvernement double les Républicains par la droite
par Laurent Herblay
samedi 20 février 2016
On ne peut pas dire que nous n’avions pas été prévenu, puisqu’en septembre, le rapport Combrexelles avait déjà fait l’effet d’une bombe avec ses propositions qui n’allaient que dans le sens du patronat le plus libéral. Cinq mois après, la loi El Khomri propose de transformer radicalement le modèle social français.
La loi Harz à la française ?
Si le projet de loi parvient à passer sans trop de modification, alors ce sera une véritable révolution. Comme le proposait déjà le rapport Combrexelles, le boulversement proposé est assez insidieux puisqu’il parvient à ne pas défaire les 35 heures, mais repose sur le fait de faciliter tous les ajustements aux règles standards, jusqu’à des niveaux stupéfiants. Bienvenue donc à la semaine de 60 heures, certes dans des circonstances exceptionnelles, mais bien plus facile à obtenir. Le temps de travail et les salaires pourront également être modulés et les indemnités prud’homales seront limitées, la mise en place d’un forfait jour (non soumis au 35 heures) pourra être faite de gré à gré avec chaque salarié, sans accord collectif. Et les syndicats pourront être mis de côté par l’organisation d’un référendum.
En prenant un peu de recul, il est tout de même stupéfiant de penser qu’après 10 ans de majorités dites de droite, ce soit une majorité de gauche qui propose une évolution aussi radicale du travail, faisant presque passer l’ancienne UMP pour un garant du modèle social français ! Du coup, comme le soulignait Natacha Polony vendredi, les médias les plus libéraux se retrouvent contraints d’accorder un satisfecit au projet, qui irrite en revanche certains au PS, comme Gérard Filoche. Mais le gouvernement a préparé une réponse de haute volée, portée dans les matinales : ce ne sont que des grincheux passéistes ! Malheureusement, les interviewers ne se sont pas attardés sur les paradoxes de cette proposition de libéralisation par la gauche après dix ans de pouvoir de droite, sensée être plus libérale.
En avançant à fronts renversés, François Hollande poursuit son travail de triangulation politique, digne de Tony Blair. Et nous arrivons au paradoxe d’un PS qui déborde l’ex-UMP par sa droite pour déréguler notre économie, le tout, quelques années après une crise provoquée par la dérégulation !