DSK, à qui profite le crime ?

par AJ
lundi 16 mai 2011

Le directeur général du Fonds monétaire international Dominique Strauss-Kahn a été inculpé ce matin d'agression sexuelle, de séquestration de personne et de tentative de viol. D'après la police américaine, une employée de ménage serait rentrée dans sa chambre lorsque DSK serait sorti complètement nu de la salle de bain et aurait alors tenté de l'agresser sexuellement.

L'ancien ministre de l'économie a plaidé non-coupable, obligeant le parquet de New York à mener une enquête dont les délais pourraient excéder le calendrier de la primaire socialiste. DSK sera d'ailleurs entendu dès 18 heures par un juge et devrait pouvoir être libéré sous caution. Sa compagne depuis 1991, Anne Sinclair, s'est exprimée dans un communiqué, disant ne pas croire une seule seconde aux accusations de la justice américaine. Néanmoins, si les faits venaient à se confirmer, l'hypothèse d'une candidature de Dominique Strauss-Kahn deviendrait caduque. Le feuilleton DSK touche à sa fin, tout en en ouvrant un moins glorieux pour le patron du FMI.

"Le directeur général du FMI ne sera jamais le Jacques Delors de 1995"

La candidature de DSK m'apparaissait pour diverses raisons compromise et je ne doutais guère de son retrait prochain. Néanmoins, jamais je n'aurais imaginé une sortie de route si dégradante pour l'homme providentiel, le leader expatrié de la gauche depuis 2007. Souvent, la comparaison avec Jacques Delors a poursuivi Dominique Strauss-Kahn. Même envergure internationale, même côte de popularité invulnérable, même capacité à rogner sur l'électorat centriste et même statut d'homme au dessus de la melée.

Le retrait de Jacques Delors en 1995 alors même que le père de Martine Aubry était crédité de 60% des suffrages au second tour (et ce, après quatorze années de mitterandisme) lui avait offert une certaine grandeur. Sa volonté de privilégier sa famille l'avait rendu humain. Pour DSK, cette fin de partie a un goût beaucoup plus amer. Le directeur général du FMI ne sera jamais le Jacques Delors de 1995.

"Le scénario des primaires tend à se préciser"

En revanche, là où la comparaison entre DSK et Delors est légitime, c'est sur les conséquences politiques provoquées par leur retrait. Jacques Delors avait ouvert la voie à Lionel Jospin et Henri Emmanuelli. L'"affaire" DSK renforce l'hypothèse d'une candidature de Martine Aubry, qui n'est plus liée par le pacte officieux la liant au directeur du FMI. Sans DSK, le ciel se dégage pour la maire de Lille qui devrait inévitablement se déclarer candidate.

Le scénario des primaires tend par la même occasion à se préciser : un duel Hollande-Aubry se dessine. Ironie du sort, les ennuis judiciaires du directeur général du FMI interviennent en effet au lendemain d'un sondage confirmant la percée de François Hollande, l'ancien premier secrétaire venant faire jeu égal avec Dominique Strauss-Kahn. D'après un sondage Ifop pour le JDD, si le premier tour des élections présidentielles avait lieu demain, DSK obtiendrait 26% des suffrages contre 23% pour François Hollande contre 27% et 21% la semaine dernière. 

"Marine Le Pen pourrait bénéficier de cette affaire"

Si cette affaire sonne le glas des ambitions présidentielles de Dominique Strauss-Kahn, elles constituent également un coup dur pour l'ensemble de classe politique dite "républicaine". Nicolas Sarkozy ne sera pas épargné par cette affaire. L'inculpation de DSK, c'est celle du "sleazy money" (argent sale) comme le titre le New York Post aujourd'hui. Le choix d'El Pais ou du Daily News d'illustrer la une du site par une photo mettant Sarkozy et DSK face à face est un symbole. Les français n'ont pas oublié que c'est le président de la république qui a offert le FMI sur un plateau à l'ancien député de Sarcelles. 

Dès lors, Marine Le Pen pourrait bénéficier de cette affaire. A l'inverse des autres reponsables politiques, la présidente du Front National n'a pas insisté sur la présemption d'innoncence qui prévaut mais a fait preuve d'une certaine virulence sur le plateau de BFM TV, déclarant que la candidature [de DSK] vient d'enregistrer aujourd'hui un coup d'arrêt, d'autant que la parole va se libérer et démontrer que Monsieur Strauss-Kahn a semble-t-il un comportement depuis de nombreuses années connu de tous, caché par tous parce que c'est un petit peu le système en France. 

En usant de la rhétorique du "système" et de la dissimulation, Marine Le Pen en profite pour tremper toute l'"establishment" dans l'affaire, et bien montrer que l'impunité prévaut parmi notre classe politique. Le refus de mettre en avant la présemption d'innoncence et de se lancer dans la dénonciation du directeur général du FMI lui permet de faire monter l'adrénaline, d'exalter la colère de l'opinion, tandis que l'opposition comme la majorité avaient refusé de céder à la tentation de la récupération populiste. Malheuresement, pour eux, les prochains sondages feront office de désaveu...


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