Du sexisme ordinaire dans le monde du travail

par Eliane Jacquot
lundi 16 mai 2016

« L’impunité, c'est fini. Nous ne nous tairons plus. Nous dénoncerons systématiquement toutes les remarques sexistes, les gestes déplacés, les comportements inappropriés. »

Ce texte est issu d'un Appel de 16 anciennes ministres représentatives de l'échiquier politique français et publié par le JDD, ce 16 Mai 2016, cinq ans après la révélation de l'affaire du Sofitel à New York.

Source JDD du 15 05 2016

Nous assistons à une possible libération de la parole féminine, à la suite des révélations en début de semaine dernière de France inter et Médiapart à propos des agissements du député Denis Baupin,Vice-président de l'Assemblée Nationale depuis 2012.

De quoi s'agit-il ?

Face noire du monde du travail, les différentes formes de violence morale et sexuelle envers les femmes, sous le vocable de harcèlement, font des ravages encore sous estimés par la collectivité, tout en agissant sur les performances des intéressées.

Pierre Bourdieu a décrit précisément notre héritage méditerranéen de domination masculine , les institutions existantes contribuant à la subordination des femmes traditionnellement cantonnées à la sphère privée et domestique. Ces dernières, même dotées d'un fort capital culturel, ont mis très longtemps à accéder à une autonomie économique et financière.

Françoise Héritier, quant à elle, a décrit notre mode de pensée universel valorisant le masculin à l'encontre du féminin et souligné que tout le système patriarcal était fondé sur l'intériorisation par les femmes de leur infériorité ( 2011).

Enfin, dans toute l'histoire de notre civilisation, la supériorité a été accordée non pas au sexe qui engendre, mais à celui qui tue.

 

Qu'en est-il dans le monde du travail ?

Une enquête menée au cours de l'année 2013 auprès de 15000 salariés de neuf grandes entreprises françaises par le Conseil Supérieur de l’Égalité Professionnelle conduit aux résultats suivants :

80% des femmes considèrent qu'elles sont confrontées à des attitudes et décisions sexistes dans leur travail, avec des répercussions sur leurs performances et leur confiance en elles,

93% d'entre elles indiquent que ces attitudes conduisent à amoindrir leur sentiment d’efficacité personnelle,

54% d'entre elles estiment avoir rencontré un frein professionnel en raison de leur sexe au niveau de leur rémunération, promotion, formation.

De plus, dans la législation française, on observe une absence totale de jurisprudence relative au délit pénal de harcèlement sexuel cependant élargi aux « propos et comportements sexistes » par la loi du 6 Août 2012. qui aggrave les peines maximales encourues et réprime les discriminations commises à l’encontre des victimes.

Le droit du travail qui demeure la voie privilégiée de la contestation de ce type de discriminations a progressivement reconnu et aménagé le délit pénal de harcèlement moral souvent utilisé en matière juridique à l'encontre des agissements sexistes.

La loi du 4 Août 2014 pour l'égalité entre les femmes et les hommes a modifié certaines dispositions du Code pénal relatives au délit de harcèlement moral. Un nouvel article du Code pénal sanctionne le fait de harceler une personne par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de vie se traduisant par une altération de sa santé mentale ou physique.

Le harcèlement et/ ou l'agression sexuelle faisant de nos jours encore l'objet de déni, est, nous l'avons vu reconnu par le Code du Travail, mais peu de femmes osent porter plainte et très peu de plaintes donnent suite à des poursuites et condamnations judiciaires. Car dénoncer de tels faits conduisent évidemment les victimes à perdre leur emploi.

Des réseaux féminins se mobilisent

Après que des élues aient enfin brisé la loi du silence en dénonçant les faits le 09 mai au matin. L'association Osez le féminisme a salué leur courage et demande l’exemplarité en politique car « Lutter contre les violences machistes implique de ne pas laisser les hommes les plus puissants de notre pays agresser des femmes sans être inquiétés », au travers d'un communiqué de presse. 

Une pétition a également été lancée sur Change.org par le collectif Levons l'Omerta. Intitulée « Violences sexuelles en politique : levons l'omerta », elle est adressée à l'ensemble des responsables de partis politiques ainsi qu'aux présidents de l'Assemblée Nationale, du Sénat et du CESE.

En voici un extrait :

« Pour que ce soit le comportement des hommes qui change et non celui des femmes qui s’adapte, pour que les choses bougent enfin et que l’impunité cesse, pour que la culpabilité change de camp, il faut parler. »

 


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