E. Macron ou l’homme qui s’était trompé d’époque

par Renaud Bouchard
mardi 17 février 2015

"Depuis que les jours raccourcissent, avec l'hiver qui approche, on se lève à 5 heures au lieu de 4 heures ; de vrais horaires de banquier, hein ?"

Neal Cassady, in Un Truc très beau qui contient tout, Lettres 1944-1950, Editions Finitude.

 

Au moment où s'achève l'écriture de ce billet il devient évident que ce que l'on aura appelé la « Loi Macron » a vécu, déjà morte et enterrée avant même que d'avoir été ou non adoptée ou rejetée, ce qui dans les circonstances actuelles signifie la même chose.

 

I- Alerte incendie

Voulue comme le navire amiral du gouvernement de M. Valls, cette loi a même été présentée comme déjà adoptée avant l'heure par un communiqué de presse du ministère de l'Economie imprudemment publié ce mardi 17 février à 10h19 avant que d'être rectifié à 11h17, le temps pour ses parrains de réaliser qu'une majorité d'une trentaine ou d'une quarantaine de députés socialistes « frondeurs » pouvait compliquer sinon en enrayer le processus.

Soumis au vote de l'assemblée nationale après presque 200 heures de discussions en commission et en séance, le projet de loi porté par le ministre de l'Economie « pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques » était dans une position critique telle que le Premier ministre, après avoir déclaré que « sans dramatiser », au moment où il s'adressait aux députés PS, « le texte ne passait pas », a alors pris la décision de réunir à 14h30 un Conseil des Ministres extraordinaire pour recourir en catastrophe avec l'onction du président de la République à la mise en oeuvre de l'article 49.3 de la Constitution , obligeant ainsi les députés à adopter la loi sans vote sous peine de mettre le gouvernement en minorité.

Nul besoin d'être constitutionnaliste pour apprécier l'entorse faite au principe du libre choix des représentants de la Nation invités à découvrir que M. Manuel Valls qui a alors endossé la cape de Mandrake le Magicien vient de les initier au tour de la « carte forcée ».

Ce même article 49.3 dont la dernière utilisation remonte à 2006 pour permettre à M. D. de Villepin de faire passer son projet de loi sur l'Egalité des chances instaurant le contrat de première embauche ( suscitant, on s'en souvient, une réaction « démocratique » de l'opinion) vient donc de redistribuer les cartes en toute hâte.

 

La vérité est qu'il y a effectivement le feu car, conséquence de l'utilisation de cet extincteur procédural, la loi Macron sera considérée comme adoptée à moins qu'une motion de censure ne soit déposée demain avant 16h30 ... et votée.

Véritable aveu d'impuissance à faire voter ce texte crucial pour l'équipe actuelle, cet incident dont la gravité ne saurait être minorée constitue un point d'orgue de l'action gouvernementale de M. E. Valls.

 

II- La fête est finie

La fête est donc finie et l'on voit bien qu'en recourant à un texte fourre-tout qui ressemble fort à un minestrone politico-législatif dans lequel les mesures économiques cotoient les mesures sociales dans un bazar invraisemblable beaucoup plus limité par une ligne à ne pas franchir qu'un fil conducteur, le projet Macron tente de gaver l'oie citoyenne en insérant dans l'entonnoir une pâtée immangeable faite de mesures portant entre autres extension du travail le dimanche et en soirée, statuant sur l'épargne salariale dans les PME, traitant des conditions d'entrée et d'exercice tarifaire des professions règlementées, mettant sur le même pied la libéralisation des transports en autocar et les cessions d'actifs de l'Etat, puisque tout est désormais à vendre ou brader au profit d'intérêts étrangers prêts à payer pour s'emparer des pépites industrielles (Alstom, aéroports etc.).

Véritable mesure cosmétique « Potemkine » destinée à faire accroire l'existence de réformes de fond, voire de réformes dites structurelles – ce qu'elle n'est pas -, ce Combinat crypto-soviétique à la sauce archéo-libérale voulu par le trio Macron-Hollande-Valls n'est en réalité rien d'autre qu'un ensemble creux et sans consistance d'idées révolues, elles-mêmes produites par un logiciel économico-libéral obsolète.

Qui peut en effet croire, à l'heure du co-voiturage, par exemple, qu'un réseau d'autocars (sans doute une nostalgie des vieux Saviem des « Courriers » assurant la désserte des chefs-lieux de régions ) soit en mesure de doper la croissance économique de la France ? Même le Mexique qui a racheté voici quarante ans les vieux Greyhounds à bout de souffle qui sillonnaient les Etats-Unis est passé à un autre mode de transport...Et là, que voit-on, sinon une pitoyable resucée des politiques économiques et sociales expérimentées au siècle dernier par le trio Thatcher, Blair et Schröder avec le succès que l'on a vu, fondées, comme le déclare André Chassaigne, Député du Puy-de-Dôme, « sur ce tryptique dévastateur » pour les peuples européens que représentent la déréglementation tous azimuts, la concurrence sauvage et la régression sociale, le chômage et la précarité.

C'est à se demander si MM. Valls, Macron, Hollande lisent ou comprennent les journaux, écoutent, regardent , voyagent et sont au courant de ce qu'il se passe autour d'eux en Grèce, en Espagne, partout où le modèle politique, économique et social que la Troïka (FMI, BCE, Commission européenne) s'acharne à imposer au nom du Dogme de l'Austérité fait l'objet d'un rejet profond et massif.

 

Le coup de tonnerre qui sonnera la chute inéluctable du gouvernement Valls sera une bénédiction pour enfin passer à autre chose.

Je suis prêt.

 

Références :

http://www.liberation.fr/debats/2015/02/17/loi-macron-la-consecration-d-un-archeo-liberalisme_1203923

http://www.pauljorion.com/blog/2015/02/17/derriere-lintransigeance-allemande-par-francois-leclerc/

http://www.lefigaro.fr/flash-eco/2015/02/17/97002-20150217FILWWW00270-tsiprasla-grece-n-acceptera-pas-de-compromis-avec-la-zone-euro.php


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