Egalité du temps de parole : pourquoi il faut aller plus loin ?
par Javel_PhR
mercredi 21 mars 2012
Sauf « miracle républicain » ou surprise de dernière minute, nous connaissons désormais les candidats qui concourent à l’élection présidentielle d’avril prochain. Ils sont, comme en 1981, dix : 3 femmes, 7 hommes, 5 classés à gauche, 1 classé ni à gauche ni à gauche, 3 classés à droite (voire très à droite) et 1 inclassable (j’allais dire extra-terrestre !).
A un mois du premier tour, c’est une autre campagne qui commence, celle où l’équité (représentativité basée sur les scores réalisés aux dernières élections) fait place à l’égalité de temps de parole puis, à partir du 8 avril, au même temps d’antenne pour les différents candidats. Mais, pour tendre vers une égalité plus complète, ne devrait-on pas coupler à cette égalité de temps de parole, l’égalité budgétaire ? Autrement dit exiger des candidats en campagne qu’ils se limitent à la même enveloppe budgétaire. Ce qui, à mon sens, présenterait plusieurs vertus.
- Les 10 candidats à la Présidentielle 2012
Avant, il conviendrait de revisiter et de repenser les modalités de qualifications des candidats. La réunion de 500 parrainages montre, en effet, ses limites. Il apparaît incohérent qu’un(e) candidat(e) qui recueille, en moyenne à chaque élection, 10 à 15% des votes, connaisse autant de difficultés à entrer en lice – quand bien même, les idées et le programme qu’il ou elle défend sont l’antithèse du triptyque républicain : liberté, égalité, fraternité. (Il est sans doute préférable que certaines vociférations nauséeuses soient encadrées et non reléguées à la clandestinité).
Comment expliquer la présence d’un Jacques Cheminade, si ce n’est par l’expression d’une perversité du système de parrainage ? Un candidat dont la probité, les filiations avec Lyndon LaRouche et le programme pour le moins hallucinant, laissent le citoyen que je suis perplexe. A mon sens, la qualification de J. Cheminade est, en partie, le fruit du harcèlement qu’ont pu subir les élus dans cette quête effrénée aux signatures : un parrainage de protestation, un alibi en quelque sorte. Elle vient pointer un dysfonctionnement institutionnel.
A travers ces deux exemples, il apparaît que le système de parrainage doit être réformé. Il travestit et n’assure pas la sélection naturelle qu’il devrait. De nouveaux garde-fous doivent être instaurés, des modalités sont à réinventer qui garantirait les programmes avec la conformité avec les valeurs républicaines, sans, toutefois, entraver l’émergence de nouvelles idées portées par d’éventuels nouveaux candidats, et en assurerait, ainsi, une représentativité plus conforme à l’aspiration des Français. Nous avons cinq ans pour les penser. Peut-être que ces ajustements nous préserveraient également de l’instrumentalisation de la campagne présidentielle à laquelle se livrent certains candidats en faisant valoir une place, un siège, en négociant un ralliement.
Faudrait-il, par exemple, combiner le parrainage des élus à un parrainage civil ? Sur les 43,2 millions d’inscrits sur les listes électorales, les prétendants devraient-ils réunir 3 ou 400 000 signatures ? Dans ce cas, comment valider les signatures tout en garantissant la confidentialité aux parrains ? (Les primaires socialistes peuvent servir de base à la réflexion).
Ne faudrait-il pas non plus imposer aux candidats, en même temps qu’ils déposent leurs parrainages, qu’ils présentent un programme chiffré ? (A ce jour, certains candidats n’ont toujours pas de programme !) Un programme que la Cour des Comptes ne validerait pas mais qu’elle pourrait annoter et qui viendrait éclairer l’électeur.
Une fois instituées les modalités de sélection des présidentiables, ne conviendrait-il pas alors, dans un souci de plus grande justice, de coupler l’égalité de temps de parole des candidats à une égalité budgétaire ? Chaque candidat disposerait de la même enveloppe pour présenter et défendre son projet.
Il s’agirait de revoir les règles actuelles qui plafonnent à 21,6 millions € les dépenses de campagne pour les deux finalistes et qui prévoient un remboursement des frais à hauteur de 8 millions € pour les candidats ayant franchi la barre des 5%. On pourrait imaginer, cas d’école, que chacun des candidats détienne une enveloppe de 5 ou 6 millions €, mise à disposition par l’Etat, à eux de l’utiliser au mieux pour convaincre et rassembler. Le rapport entre l’argent engagé et le nombre de voix recueillies peut facilement se calculer, en 2002, par exemple, chaque suffrage a nécessité 0.64€ pour Besancenot contre 4.60 € pour Bayrou.
Cette disposition recèle plusieurs vertus et non des moindres. D’abord, et au-delà des qualités intrinsèques du candidat, elle induirait la primauté des idées sur leurs moyens de diffusion, le débat démocratique en sortirait donc grandi. Ensuite, elle révèlerait, par cet exercice grandeur nature, les qualités de gestionnaire et d’efficience dans les choix pris par les candidats. D’autre part, elle éclairerait sur la capacité des prétendants à être imaginatifs, créatifs : si l’argent reste le nerf de la guerre, il n’est pas le moyen exclusif de réussite d’un projet. Elle enverrait, également, un signe fort au contribuable et à l’électorat que le politique consent, lui aussi, un effort. Enfin, cette mesure permettrait de clarifier le financement de la campagne en évitant les liaisons incestueuses des candidats avec Mamie Zinzin, Tonton Mouammar, Oncle Pierrot… dont les étrennes ne sont jamais données sans retours sur investissements.