Electeurs de Yannick Jadot, vous êtes notre dernière chance

par Patrick Samba
vendredi 24 février 2017

Jusqu’à tout récemment Yannick Jadot en avait parfaitement conscience : il avait un rôle historique à jouer. Et finalement, et selon ses propres termes, il a fini par choisir « l’aventure ».

De l’attitude de Yannick Jadot et des responsables d’EELV pouvait dépendre le destin de la présidentielle et l’avenir du pôle progressiste de la France. Le rôle du candidat écologiste était à priori déterminant, et il jouait, lui qui avait appelé à renoncer à « l’irresponsabilité historique », son propre avenir d’homme politique responsable. La tension des enjeux politiques, la cuisine politicienne dont s’affranchit difficilement EELV, les influences pernicieuses des décombres de la "Firme" incarnées par la revancharde Duflot ont eu raison de sa détermination.

Les dirigeants d’EELV ont bien donné l’illusion le week-end dernier qu’il restait en eux un soupçon de dimension historique, que les calculs politiciens seraient réservés à plus tard. Une visite commune de Jadot et Hamon à Bure, lieu de résistance à l’enfouissement des déchets nucléaires, prévue pour le lundi 20 février, fut annulée au dernier moment pour éviter une image d’alliance prématurée. Mais par qui en réalité ? Par Hamon que les nucléaristes du PS avaient sommé de renoncer à une visite trop engageante, ou par les dirigeants d’EELV soucieux de faire monter les enchères et/ou de laisser un temps supplémentaire à Mélenchon d’apporter encore un peu plus de souplesse à sa position ? Son témoignage d’une nouvelle ouverture (« Nous laissons la porte ouverte »), après une apparente rupture mutuelle avec Hamon alors au Portugal, est arrivé un peu tard : postérieurement à l'annonce publique de Jadot de son allégeance à Hamon.

Et donc apparemment les jeux sont faits. La vraie belle alliance populaire, progressiste, éco-socialiste pourrait ne pas voir le jour.

Sauf surprise de dernière minute. Parce que les électeurs de Jadot peuvent encore renâcler.

 

Dès le départ le choix d’EELV était mauvais

En fait l’erreur d’EELV, qui n’en doutons pas voulait l’alliance des trois candidats, a consisté dès l’origine à privilégier les négociations avec Hamon plutôt qu’avec Mélenchon. Le calcul était forcément mauvais. C’était donner à Hamon et surtout au PS un avantage sur Mélenchon qui s’avèrerait sans doute insurmontable. Dès le départ les électeurs de Yannick Jadot s’en sont-ils convaincus ? Ou vont-ils s’en convaincre avant dimanche soir, limite du vote électronique pour valider ou invalider le choix de Jadot et des dirigeants d’EELV ? Il est indispensable qu’ils l’invalident. Comme l’ont fait les adhérents du PC contrariant le choix de leurs dirigeants qui avaient souhaité ne pas donner leur soutien à la candidature de Jean-Luc Mélenchon. 

Il apparait évident à tout le monde que les convergences entre les programmes et orientations de EELV, Hamon et Mélenchon sont bien plus grandes que leurs divergences, et qu’une coalition historique est à portée de main. Malheur dans ces conditions à celui qui ferait capoter une telle alliance de l’espoir. Il restait à craindre après les appels de Jadot à renoncer à « l’irresponsabilité historique » que l’échec vienne de Hamon ou de Mélenchon.

Quand en réalité, et dans l’immédiat, il est à mettre au débit de Jadot. Et il est clair qu’il paiera cher son « aventure », et nous avec lui. Comment peut-il imaginer qu'une alliance entre Hamon et Mélenchon soit désormais possible ? Benoit Hamon encore à sa surprise d'avoir été élu, se voyant désormais pousser des ailes encore plus grandes, encouragé par le chant des sirènes solfériniennes, ne sera plus enclin au compromis. Et l'aventure de Jadot tournera court puisqu’aucun des deux candidats restants ne parviendra sans l’autre au second tour de la présidentielle.

 

Rappelons-nous le contexte politique national et mondial qui est aujourd’hui le notre

La chape de plomb mondiale qui s’annonçait à partir du 11 septembre 2001, et se préparait à recouvrir durablement la France en 2007 avec l’élection de Nicolas Sarkozy, accéléra sa chute à la faveur de la crise financière de 2008. La résignation citoyenne progressive qui s’en suivit en France, devint totale avec l’humiliation du cuisant échec de la résistance, de forme traditionnelle, à la réforme libérale des retraites de 2009. On put en mesurer l’ampleur devant l’absence totale de réaction en 2011 face à la catastrophe nucléaire de Fukushima. Même les militants antinucléaires restèrent pétrifiés.

Apparut alors le mouvement des Indignés et le printemps arabe. Une nouvelle forme de résistance se fit jour en France : à la suite de l’occupation nuit et jour de l’esplanade de la Défense à l’automne 2011 par les Indignés, c’est Notre-Dame-des-Landes qui s’affirma. Puis Alternatiba, et enfin les "Nuit debout" et les manifestations violentes d’opposition à la loi travail, en plein état d’urgence. La résignation avait cédé.

Entre temps le PS de la social-démocratie avait viré au social-libéralisme, faisant apparaitre de nouvelles personnalités conservatrices (ou plus précisément réactionnaires selon la terminologie classique) ayant tout assimilé du marketing politique : le macronisme était né. Est-il plus ou moins dangereux que le sarkozisme, plus ou moins imprévisible que le berlusconisme, et plus ou moins violemment pernicieux que le blairisme ? Il a en tout cas tout appris de ces courants. 

En réaction à cette évolution, un espace politique pouvait alors s’ouvrir au PS pour une personnalité politique plus à l’image d’un Benoit Hamon encore brut de décoffrage mais policé par une fréquentation assidue des couloirs solfériniens, que d’un Arnaud Montebourg ampoulé, nucléariste et productiviste opposant aux résistants de Notre-Dame-des-Landes.

Tout à sa surprise de son élection à la primaire de la « Belle alliance populaire » (prout-prout ma chère), qu’allait-il en faire ? Se contenter d’une visite de courtoisie à Cazeneuve et Hollande histoire de les anesthésier et s’allier à Jean-Luc Mélenchon et Yannick Jadot afin de constituer un nouveau « front populaire », ou se laisser flatter par le Premier ministre et le Président et recourir aux vieilles ficelles politiciennes ? On connait le résultat : Yannick Jadot a choisi l’aventure.

C’est désormais aux électeurs de Jadot de lui signifier que ce n’était pas la bonne voie stratégique. Qu’il y a en une autre plus collective qu’individuelle. Celle qui consiste à s’allier tout d’abord avec Jean-Luc Mélenchon pour créer un rapport de force favorable à la négociation avec un Benoit Hamon ayant désormais donné de véritables gages de bonne volonté aux caciques de son parti d’élection.

Patrick Samba

 

Crédit photo : Reporterre, le quotidien de l’écologie


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