Électeurs du Front de Gauche, ne vous trompez pas de cible

par Fergus
lundi 19 mars 2012

Au terme de cinq années de sarkozysme, le bilan social est très lourd : 8,2 millions de pauvres, 4,8 millions de demandeurs d’emploi, 8 millions de mal-logés, plus de 130 000 SDF, y compris désormais des femmes et des enfants, 15 % de Français qui renoncent à des soins pourtant nécessaires... Un terrible constat dont souffrent principalement les classes populaires. Á l’évidence, l’urgence est de tourner définitivement la page en chassant de l’Élysée le responsable de ce désastre. Certains à gauche ne l’ont pourtant pas compris, préférant concentrer leurs attaques sur leurs alliés de demain...

 Depuis des décennies, je vote PC ou LCR au 1er tour des grands rendez-vous électoraux. Et cela pour trois raisons majeures : 1° exprimer mon attente de justice sociale dans un pays rendu plus en plus inégalitaire par les dérives du libéralisme ; 2° apporter mon modeste soutien à un projet politique visant à remettre l’homme au centre de l’action des pouvoirs publics, et non plus les profits des grands groupes industriels et financier ; 3° contribuer à l’émergence d’une société plus équitable dans le cadre d’une VIe République rendue nécessaire par le dévoiement de nos institutions et la confiscation du pouvoir par une oligarchie servie par un quarteron de valets serviles, parfois revêtus de la livrée rose du PS.

 

Pour tous ces motifs, je voterai Mélenchon le 22 avril. Á cet égard, je suis évidemment très satisfait de l’excellente campagne que mène le leader du Front de Gauche, parfaitement soutenu par les troupes communistes et leur indispensable logistique. Satisfait de voir qu’il galvanise une foule enthousiaste lors de ses meetings, où qu’il prenne la parole. Satisfait de constater que, grâce à son indéniable charisme, à ses talents de tribun, et à ce parler-vrai qui tranche tant avec la langue de bois ou les arguties des autres caciques politiques, il parvient à entraîner des indécis dans son sillage. Satisfait enfin qu’il ait pu réunir, le dimanche 18 mars à la Bastille, des dizaines de milliers de Français qui aspirent à de profondes mutations dans une société gangrénée par les tares d’un capitalisme cynique, dévoyé par un patronat cupide et un personnel politique coupable d’avoir abandonné le peuple.

 

Mélenchon à 10,4 %, un score flatteur mais ambigu

 

Si je suis content de la manière dont le leader du Front de Gauche mène, avec une indéniable efficacité, sa barque électorale en imposant ici ses idées dans le débat, en contrant là les impostures venues de la droite sarkozyste ou de l’extrême-droit lepéniste, je ne cache pas que l’attitude et les commentaires de certains sympathisants du FdG m’irritent au plus haut point tant elles sont contreproductives et potentiellement dangereuses pour l’issue de cette élection présidentielle.

 

Non contents de mener une légitime bataille contre l’UMP et le FN – ces adversaires qu’il faut impérativement battre en 2012 pour éviter un 2e mandat dévastateur de Sarkozy –, ceux-là croient utile, dans le même temps, de dézinguer à tout-va le candidat Hollande dans l’espoir de gagner des parts de marché sur le PS. Un calcul irresponsable. Et cela, Mélenchon lui-même l’a fort bien compris, après s’être laissé aller dans un premier temps à distiller des petites phrases vénéneuses à l’encontre de Hollande, ces flèches, largement relayées dans les médias, n’ayant pour seul effet que de donner des armes et des arguments au camp de Sarkozy, tout heureux de pointer un climat de guerre intestine au sein de la gauche.

 

Le Front de Gauche peut-il encore progresser en termes d’intention de vote ? Sans doute, mais en ramenant des abstentionnistes vers les urnes, et surtout en regagnant à sa cause une partie de l’électorat populaire de Le Pen, principalement issue des quartiers défavorisés, et passée naguère de la gauche communiste au Front National par rejet des partis de gouvernement. Car il serait vain de croire que le FdG puisse, dans le même temps, progresser de manière très significative au détriment du PS tant l’attente d’alternance est grande parmi les électeurs de la gauche socialiste.

 

Il est intéressant, à cet égard, d’observer la moyenne des intentions de vote exprimées pour la gauche non socialiste dans les 6 sondages publiés à ce jour par les différents instituts lors de la dernière vague d’enquêtes (depuis le 12 mars). Résultats : Mélenchon 10,4 %, Joly 2,3 %, Poutou 0,5 % et Artaud 0,4 %. Total : 13,6 %. Des chiffres riches d’enseignements car ils montrent, d’une part que Mélenchon à réussi à assécher les votes NPA et LO, d’autre part qu’il a attiré sur son nom une part importante des électeurs verts.

 

Un impératif : ne pas faire le jeu de Sarkozy

 

Point positif : Mélenchon parvient à fédérer sur sa candidature la presque totalité des votes de la gauche progressiste et révolutionnaire, ce qui donne de la clarté et de la visibilité aux idées du Front de Gauche. Point négatif : avec une moyenne de 13,6 %, la gauche non socialiste fait certes sensiblement mieux qu’en 2007 (10,57 %), mais reste très en retrait de 2002 (19,06 %) et 1995 (17,27 %). Cela montre de manière claire qu’il ne suffit pas à un leader de progrès de réussir sa campagne, tant dans la forme que sur le fond, pour atteindre des sommets dans notre pays.

 

Deux raisons à cela : 1° la France qui s’exprime dans les urnes reste plus que jamais à droite, et cela dans une très large proportion ; 2° une écrasante majorité des sympathisants du PS et une part importante des centristes veulent définitivement en finir avec le sarkozysme. Or les électeurs du PS, ce parti qualifié non sans raisons de « conservateur » par les inconditionnels de Mélenchon, savent pertinemment qu’il ne peut y avoir de victoire de Hollande sans mordre sur cet électorat centriste en opposition ou en rupture avec le président sortant.

 

Que risque-t-il de se passer maintenant pour Mélenchon ? En réalité, tout dépendra de l’évolution des sondages dans les deux prochaines semaines. Soit Hollande parvient à se maintenir devant Sarkozy ou à égalité avec lui – en brisant ainsi toute dynamique à droite –, et Mélenchon peut encore progresser ; soit Hollande est devancé par Sarkozy, et un mouvement de vote utile en faveur du candidat PS, très largement induit par la volonté viscérale d’alternance, s’enclenche au détriment de Mélenchon en le ramenant aux alentours de 10 % des intentions de vote.

Nous n’en sommes pas là, mais en attendant que les choses se décantent, il importe, quelle que soit la défiance que peuvent inspirer le candidat Hollande et un Parti socialiste qui reste largement d’essence libérale, de mobiliser toutes ses forces dans deux directions : d’une part, dans la défense des idées du Front de Gauche, afin de les faire progresser autant que possible dans l’opinion ; d’autre part, dans la dénonciation de la calamiteuse gestion du mandat qui s’achève et le combat contre le candidat de la droite. Ne pas comprendre cela et persister dans l’amalgame, parfois virulent, entre PS et UMP dans l’espoir d’une très hypothétique révolte populaire aux conséquences imprévisibles, reviendrait de facto à faire le jeu de Sarkozy et à faciliter son éventuelle réélection. Au grand désespoir de tous ceux, parmi les humbles et les précaires, qui ont le plus souffert de sa gouvernance brutale, cynique et injuste durant le mandat qui s’achève. Il s’agit là d’une exigence morale.


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