Emmanuel Macron, symbole branché d’une modernité imposée

par CharlesMarcou
lundi 3 avril 2017

 Jeune, branché, incarnant une réussite mondialisée, amant avoué d’une caste médiatique qui se cherchait un nouveau Jean Lecanuet, Emmanuel Macron est d’ores et déjà perçu comme le futur Président d’une République à bout de souffle.

 Nos vieux amis canadiens ont élu Justin Trudeau, digne pendant macroniste outre-atlantique, qui brille par sa niaise tolérance, son goût des accommodements raisonnables et de la cause LGBT. Le parallèle est tentant. Aujourd’hui, deux choix semblent s’offrir aux électeurs occidentaux. A l’autorité virile d’un Vladimir Poutine ou d’un Donald Trump s’oppose le jeunisme survolté et exacerbé d’un Macron ou d’un Trudeau.

  Emmanuel Macron incarne un processus d’égalisation. Au libéralisme économique modéré, porté par la plupart des candidats qui se sont succédé à la magistrature suprême, Macron y ajoute un libéralisme moral et spirituel assumé. L’individu, déraciné, devient la valeur de référence, coupé de ses racines, perdant son imaginaire, ses préjugés et apparait comme la monade isolée d’un monde globalisé. Là où Herder faisait l’éloge réfléchi du préjugé, comme symbole de l’ancrage dans une culture particulière et de structures mentales nées des tourments et vécus d’un peuple, entendu comme une réalité biologique, Macron préfère exclure le référent culturel pour exhausser l’individu solitaire. Nul doute que Maurice Barrès verrait en lui le Professeur Bouteiller, dépeint dans Les Déracinés, expression si puissante d’une République s’attachant à détruire les particularismes pour y promouvoir une universalité fantasmée. Mais là où le Professeur Bouteiller incarnait encore une transcendance républicaine, appliquée avec un rigorisme désintéressé et une volonté sincère de contribuer au bien commun, Emmanuel Macron y préfère un individu sans âme.

 Chacun se souvient, sans doute, de sa négation de la culture française. Derrière le côté démesurément sympathique, cool et branché du candidat, se cache cependant un nihilisme destructeur. Le libéralisme libertaire, incarné par une nouvelle génération politicienne, longtemps empreinte de terranovisme, considère la famille, la nation, la culture légitime –car légitimée par la reconnaissance savante- mais aussi toutes les formes de transcendance spirituelle, comme les incarnations désuètes d’un passé méprisé. De la destruction des frontières économiques, dont l’annihilation a débuté lors des différentes phases de mondialisation, doit suivre l’effacement des frontières morales et spirituelles. Au sexe, imposé par la nature à l’enfant à sa naissance, succède le genre, choisi librement par l’individu, en fonction de ses humeurs, des modes ou des attentes de la société, sans aucune forme de réalité naturelle. A la famille traditionnelle, fondée sur des pratiques culturelles et sociales héritées de traditions centenaires, succède la famille recomposée et libérée des carcans réactionnaires. A la vieille vendéenne, décrite par Guy de Maupassant, se signant nerveusement, en passant devant un cimetière à la nuit tombée, succède le jeune startuper, qui révolutionne le monde digital sans toucher au réel. C’est donc une société de l’individu déracinée qu’incarne Emmanuel Macron, ignorant son passé culturel et les héritages anthropologiques, qui l’ont fait naitre dans une communauté particulière et non dans un monde. La destruction des barrières morales, qui font du respect des lois naturelles de l’homme, de la vie et de la mort des réalités intangibles de notre société, représente le dernier espoir des libéraux-libertaires et le combat qui aboutirait à leur triomphe final.

 Le projet culturel de Macron, baigné de multiculturalisme, relève plus du refus du culturel. Rappelons ses mots sur la culture française, qu’il affirmait « ne pas voir ». Le libéralisme moral trouve sa suite logique dans le libéralisme culturel. Le candidat « En Marche » connait sans doute l’héritage culturel français et son apport colossal à l’humanité mais refuse de hiérarchiser. Ce refus de la discriminer entre le groupe de rap de quartier et Mozart, entre la dissertation de lycéen médiocre qui s’essaye au journal intime et l’œuvre puissante d’un Chateaubriand, entre le tag hâtivement posé sur le mur gris d’une cité HLM et le romantisme de Friedrich est le symptôme d’une époque où tout se vaut. Macron revendique et s’inscrit parfaitement dans les aspirations de ce temps quand il prétend qu’il « n y a pas de culture française » mais une « culture en France », qui est « multiple » et « diverse ». La diversité culturelle, à laquelle aspire Emmanuel Macron aspire, renie tant l’héritage historique de la pensée française que l’espérance républicaine de référentiels spirituels et culturels communs, portés aux premières heures de la révolution française.

 Les médias voient dans Macron un jeune, sympa et cool. Nous préférons constater avec douleur qu’il incarne un nihilisme destructeur et que sa candidature est, plus que tout, une œuvre de négation d’un héritage historique commun, de valeurs morales intangibles et d’une certaine vision de l’homme et de sa dignité. Derrière une figure incontestablement rafraichissante s’affirme donc un projet rappelant dangereusement un triste mois de Mai 1968, où il était « interdit d’interdire ». D’ailleurs, est-ce un hasard si Pierre Bergé, mécène de la cause LGBT et Daniel Cohn-Bendit, meneur historique de la contestation estudiantine, ont apporté leur soutien à Emmanuel Macron ?


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