Emmanuelle Mignon, une scandaleuse à l’Elysée ; soyez vigilants citoyens !

par Bernard Dugué
jeudi 21 février 2008

Les sectes sont un non-problème en France, voilà ce qu’aurait déclaré la directrice de cabinet de Sarkozy, minimisant du reste la menace de la scientologie et tenant des propos assez détonants.

Le grand public connaît très peu Marie-France Garaud et Jacques Juillet, ce tandem dont la postérité retiendra qu’ils ont drivé Jacques Chirac, voire qu’ils en ont fait un pur-sang de la politique entraîné pour parvenir aux plus hautes fonctions de l’Etat. Ce qui est exact, mais la face cachée de ces deux anciens conseillers du précédent président, c’est leur passion idéologique, violemment opposée au progressisme de Chaban-Delmas, et son concept de nouvelle société, en quelque sorte la rupture qu’attendait la France après 68, que Giscard amorça avec deux réformes emblématiques, la loi Veil sur l’avortement et le vote à 18 ans. C’est ensuite Mitterrand qui ira le plus loin dans cet élan porté à gauche, conseillé entre autres par Jacques Attali qui, lui, est bien connu du grand public. Garaud, Attali, les conseillers très spéciaux sont peu nombreux. Sarkozy a su lui aussi en choisir quelques-uns, mais les plus influents ne sont pas ceux que le grand public connaît et que le président a choisi d’exposer, comme Claude Guéant et Henri Guaino, scribe officiel du prince, mis en avant par l’Elysée, servant de bouclier en forme de tête de Turc spécialement adaptée pour un lynchage médiatique et comme le type aime ça et, de plus, semble coulé dans de l’acier mental, alors la mécanique fonctionne à merveille. Mais dans l’arrière-cour de l’Elysée, Emmanuelle Mignon, directrice de cabinet du président nommée le jour même de l’investiture du président, est peut-être l’une des pièces maîtresses dans le dispositif de Sarkozy, une dame qui joue un rôle équivalent, sinon plus important que celui d’Attali sous Mitterrand. Et qui, elle aussi, rédige les discours présidentiels.

Très récemment, Mme Mignon est sortie de sa réserve, avec l’aval du président, c’est sûr. C’est elle qui a affirmé que le président irait jusqu’au bout dans son projet de devoir de mémoire à l’école et qui vient de faire une sortie médiatique dont on pressent une médiatisation passionnée vu l’état de guerre psychique actuel. Dans un entretien au magazine VSD, elle aurait déclaré que les sectes sont un non-problème en France, puis que la scientologie n’est pas une menace, étant par ailleurs reconnue comme religion dans d’autres pays, que la lutte contre les sectes a permis de dissimuler les vrais sujets, enfin que la liste des sectes consignée dans le rapport parlementaire de 1995 est scandaleuse. C’est certain, le buzz va détoner, surtout sur le web où les blogueurs vont gloser sur d’hypothétiques liens entre le président Sarkozy et l’acteur Tom Cruise, que la rumeur présente comme numéro 2 de la scientologie et contre lequel a été lancé une fatwa par les hackers de la toile. Les propos de M. Mignon sont déjà relayés ce 20 février par toutes les rédactions du web, Point, Express, Obs, Libé, Monde, Croix... Et l’intéressée de démentir. Et VSD de confirmer, si bien qu’on se perd et le site de l’Obs de rectifier son billet en ligne.

Mais le 7 décembre 2004, n’avait-elle pas déjà énoncé quelques propos audacieux, se réclamant de l’ordre, croyant à l’effort, au mérite, à la magie de la main invisible du marché et du reste, disposée à concevoir une éducation nationale entièrement privatisée. Pour ensuite démentir et faire amende honorable quant à un jeu de provocation auquel elle s’est prêtée face aux journalistes. Il n’y a pas à dire, si Mme Mignon n’existait pas, Sarkozy l’aurait inventé. Toujours est-il que la saillie sur les sectes est à observer comme un symbole, voire un point de détail s’inscrivant dans un ensemble idéologique plus sérieux, porté car cette ancienne majore de l’ENA qui, sans doute, représente du gros gibier face à des Minc et des Guaino devenant du menu fretin pour filets médiatiques aux mailles trop fines. Avec ces propos sur la privatisation de l’Education, on comprend mieux cette idée de chèque établissement que chaque famille irait dépenser dans l’école ou le collège de son choix. Cette dame a sans doute de grandes ambitions et se trouve prise dans la fascination du pouvoir, elle qui campe à l’Elysée alors qu’elle avait juré que sa mission de conseillère du candidat Sarkozy une fois achevée, elle retournerait au Conseil d’Etat. Et le journaliste de se demander si elle jouait les désintéressées ou si elle était sincère. Maintenant, nous savons qu’elle avait menti, ou bien au journaliste, ou bien à elle-même.

Dans sa biographie, nous trouvons une éducation religieuse. L’intéressée se dit d’ailleurs de droite et catholique, ayant fréquenté le très catho lycée Ginette à Versailles, puis les scouts unitaires de France, ayant nombre d’amies devenues religieuses. Ensuite, parcours relativement atypique, licence de théologie avortée, ESSEC, IEP, ENA, Conseil d’Etat et conseil du prince (comme d’ailleurs Eric Orsenna, maître de requêtes dans le même Conseil et plume de Mitterrand). La suite est connue, accélération fulgurante chez Sarkozy, dont elle figure au cabinet de l’Intérieur, pour ensuite conduire les « études de l’UMP », vaste programme de recherche pré-électoral où s’est jouée la victoire des idées de la rupture conservatrice. Pour bien comprendre ce qui s’est passé et sans doute, ce qui nous attend, le lecteur pourra lire en détail cette interview de la dame, fort documenté en détails de forme et de fond. Affaire à suivre pour une analyse de fond.

Maintenant, on peut s’interroger sur cette sortie médiatique soudaine d’une femme de l’ombre ayant confié son peu de goût pour l’exposition médiatique. Est-elle en service commandé ou bien y aurait-elle pris goût ? Toujours est-il qu’elle arrive au bon moment, pour attaquer dans les médias sans trop exposer le chef et préparer, diront les maîtres du soupçon, on ne sait quelle réforme concernant la lutte contre les sectes, voire un accueil critique, mais bienveillant au nom de la laïcité aveugle qui ne reconnaît plus les cultes et s’éprend de tout élan spirituel, dût-il être administré par quelques mouvances jugées sectaires. Mais ne cédons pas à la parano, il est juste question pour l’instant d’une remise en question des missions de la Mivilude, qui selon MAM, ministre pas que de l’Intérieur, mais aussi des cultes, doit s’adapter à une reconnaissance de la liberté de croire. Alors que M. Mignon rappelle le plaidoyer de Sarkozy pour qui la spiritualité doit jouer un rôle dans la société contemporaine, accompagnant la quête de sens autant qu’une croyance porteuse de valeurs. Tout en critiquant la Mivilude, organisme d’Etat chargé de lutter contre les sectes, de ne produire que des rapports. Oui mais si c’est sa mission, pourquoi le lui reprocher ? On nage en pleine confusion sur un sujet sensible et pour l’instant, le maître mot face aux manœuvres élyséennes, c’est vigilance. Ensuite, selon l’évolution de la situation, le mot résistance sera de mise. Vigilance, ce mot est venu spontanément à mon esprit, sans aucune association d’idée avec l’appel à la vigilance lancé par 17 politiques. Mais pourquoi pas se dire que le citoyen doit lui aussi prendre en charge cette vigilance.

Un dernier point sur le mot vigilance. Il ne veut pas dire surveillance, n’ayant aucune connotation policière ou militaire, mais il est formé à partir du mot vigie. Etre vigilant à l’ère de Sarkozy, c’est rester au poste de vigie, éventuellement se forger un tel point de vue pour tenter de voir dans quelle direction le capitaine, pardon, notre guide de la rupture Sarkozy, nous conduit au gré de son changement de cap.


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