En Juin, on vote pour quoi, on vote pour qui ?

par Michel DROUET
vendredi 21 mai 2021

En principe, en Juin, ce sont les élections départementales et régionales. Il faut constater le peu d’intérêt de la part de nos concitoyens pour ces collectivités aux compétences méconnues. La tournure prise par la campagne ne va pas les éclairer, tant les débats sont étrangers aux enjeux locaux et visent essentiellement à préparer 2022.

Les temps changent

Autrefois, on votait pour des idées et un programme et on était attentif aux répercussions de son vote sur la politique locale. On connaissait également les candidats. Aujourd’hui, on a du mal à s’y retrouver dans les étiquettes ou les alliances de circonstances. On ne s’y retrouve plus et on tombe dans le piège des « enjeux nationaux ».

On glisse donc dans l’alternative « populisme » ou « vote républicain » déjà en place au niveau national. Actuellement, le seul vote pour un programme, semble donc être celui pour le Rassemblement National alors que le « front républicain » qui est un vote de peur, peut tout à fait s’affranchir d’un programme. Le spectre de cet électorat va de la gauche à la droite en passant par le centre ou les écologistes, selon les circonstances. La seule opposition au RN fait donc office de programme et la désignation du gagnant est secondaire. Cela vaut désormais pour toutes les élections.

La nationalisation des scrutins locaux

On n’avait jamais vu autant de Ministres, et non des moindres, se présenter à certaines élections régionales. On n’avait jamais autant assisté à des manœuvres d’appareils et autant de faux débats pour tenter de discréditer des candidats putatifs à la présidentielle et ainsi faire place nette à Macron et mettre en place dès ces élections locales le système de front républicain censé lui faire gagner les prochaines présidentielles.

Nous assistons par conséquent à un véritable détournement d’élections qui va consister à élire des Ministres qui retourneront à leur Ministère une fois l’élection passée, laissant la place à des suppléants ou des illustres inconnus de fin de liste.

Quelques politicards locaux parfois plus passionnés par la conservation d’un mandat que par l’honnêteté politique, seront tentés par des « alliances » et feront campagne ou alimenterons le débat sur des thèmes (insécurité, immigration, drogue, délinquance,…), n’ayant rien à voir, ou très peu, avec les compétences des Départements ou des Régions (Développement économique, lycées, collèges, transports, routes, action sociale ou aménagement du territoire,…). On peut se demander si le principe de la décentralisation a encore un sens ou s’il existe encore uniquement pour nourrir d’indemnités une classe politique pléthorique qui cherche à faire carrière en se déplaçant d’une case à l’autre de l’échiquier.

Le Président de la République joue avec le feu

Il prend acte du fait que son « mouvement » n’arrive pas à s’implanter localement (cf les municipales), et qu’au niveau national LREM s’effrite lentement au point de devoir être désormais dépendant du Modem, son encombrant allié pour voter, parfois avec difficultés, des textes au Parlement.

Pour les Régionales et les Départementales, il sent bien que ce n’est pas en parlant du goudronnage des routes, du changement de la friteuse dans un lycée ou des horaires de passage du car scolaire que ses militants, quasiment tous hors-sol, arriveront à se faire des places dans les assemblées départementales ou Régionales, alors il rentre dans le jeu du débat national sur des thèmes qui n’ont rien à voir avec ces élections et prépare le coup d’après pour 2022.

La politique de la terre brûlée

Après avoir explosé la gauche socialiste, il s’attaque désormais à la droite républicaine. Il utilise les faiblesses humaines d’un Muselier prêt à lâcher sa famille politique pour une poignée de lentilles (garder son écharpe), suscite des candidatures de sous-marins, comme en Bretagne où l’ancien vice-président se présente contre son ancien Président ou bien essaye d’enfoncer des coins entre les diverses tendances de LR dans le Grand Est. Sans oublier les grandes manœuvres en cours dans les Hauts de France…

Le but final est bien d’installer dans les esprits et dans les faits le duel Macron/Le Pen pour 2022.

Que sortira-t-il de cette « stratégie » ?

Cette stratégie, « quoi qu’il en coûte » pourrait-on dire n’est pas sans risques. Macron sait d’ores et déjà que sa marge avec Le Pen au second tour sera beaucoup plus étroite qu’en 2017, mais qu’il peut toutefois l’emporter pour continuer sa politique néolibérale, serait-ce au prix d’une atomisation de la vie politique française dont on ne connait pas les effets à terme sur la société, compte tenu des mécontentements que cela suscitera.

Il mise désormais sur la récupération des voix des déçus de LR à son profit, sachant qu’une part de cet électorat penchera également en faveur du RN et que le reste s’abstiendra.

Cette « victoire » ne se fera donc pas sans dégâts, peut-être au prix du basculement de régions à l’extrême droite qu’il est sans doute prêt à assumer cyniquement afin de poursuivre son destin « réformateur » avec l’aide des forces économiques et financières qui le soutiennent.

En attendant, la démocratie et la vie locale auront tout perdu et les futurs élus Départementaux et Régionaux seront sommés à terme de rendre des comptes sur l’insécurité, l’immigration, la drogue ou la délinquance qui ne relèvent en rien de leurs compétences.  


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