(en) MARCHE ou GREVE

par olivier cabanel
lundi 9 avril 2018

Malgré une manipulation malsaine qui veut faire croire que « des cheminots privilégiés » tiendraient en otage tous les français, histoire d’opposer des français aux autres, il semble bien que la mayonnaise sociale soit en train de prendre, agglomérant des luttes.

S’agit-il d’un gouvernement qui déraille, se sentant aux abois, malgré les postures du président, qui pour donner le change, fait semblant de se désintéresser de la question, s’affichant en train de jouer au tennis, après avoir serré quelques mains, une presse aux ordres ayant sélectionné comme par hasard, les encouragements d’un citoyen lambda « ne lâchez pas avec la SNCF !  »...avait-il crié, sous les caméras bienveillantes de BFMTV (lien)...« Vous inquiétez pas ! » avait répondu droit dans ses bottes celui qui est qualifié par certains humoristes taquins « l’en pire ».

Essayons de comprendre ce qui serait reproché à la SNCF ?

Sur l’antenne de France Inter, le 5 avril, le premier ministre faisait une comparaison entre l’entreprise nationale de transport française, pour l’instant encore publique, et son équivalent allemand, évitant au passage de la comparer au service ferré anglais...lequel, depuis qu’il est privatisé, accumule les critiques, 7 fois plus cher que notre réseau, au point que les anglais en réclament la renationalisation. lien

La SNCF a l’un des meilleurs réseaux du monde, le meilleur d’Europe, à égalité avec celui des Pays-Bas, le plus performant d’Europe, (avec une note de 5,76 sur 7), avec ses 30 000 km de ligne, et ses 3000 gares, dont 2600 km de lignes à grande vitesse. lien

Ajoutons pour la bonne bouche que depuis 1925, il y a eu énormément de lignes qui ont déjà disparu, et que la rentabilité voulue par ce gouvernement, provoquera à terme encore plus de fermetures de lignes et de gares.

Mais lorsqu’il s’agit d’un service public, la rentabilité est-elle un critère acceptable ?

En haut lieu, on évoque aussi la dette de la compagnie nationale... 50 milliards, oubliant au passage de signaler que lorsque l’état impose à la SNCF des lignes TGV non rentables, il est le responsable de ce déficit.

Prenons par exemple, le cas du Lyon-Turin, déclaré dans tous les rapports comme non rentable, ce qui n’a pas empêché l’état de le valider. lien

C’est le moment de rappeler que la LGV Perpignan-Figueras, laquelle était un projet franco-espagnol, dans un partenariat « public/privé », a fait faillite, mise en liquidation judiciaire, et ce sont les gouvernements qui ont mis la main à la poche...lien

Et ce n’est pas un cas isolé...

Pourtant, le gouvernement, se basant sur le rapport Spinetta , préfère fermer les petites lignes du réseau secondaire, dans les coins reculés du pays, au profit d’autocars. lien

Etonnamment ce rapport Spinetta ne mentionne pas les pertes qui se chiffrent par milliards concernant le réseau LGV...

A titre d’exemple, si l’on prend la LGV Paris-Bordeaux, elle a perdu en 6 mois d’activité la coquette somme de 90 millions d’euros... et elle n’est pas la seule car finalement, les 2/3 des dessertes TGV sont déficitaires. lien

D’ailleurs, une contre-enquête déboulonne totalement les conclusions de ce rapport. lien

On doit ce nouveau rapport au cabinet Degest, lequel impute clairement à l’Etat la responsabilité de l’endettement : « depuis 2010, l’état a engagé SNCF réseau dans un programme d’investissements dépassant les 5 milliards d’euros annuels  »... en 8 ans, ce sont donc 40 milliards qui ont été engagés par la seule volonté des pouvoirs publics, soit une bonne partie de la fameuse dette.

En même temps, formule chère à qui l’on sait, l’état a réduit drastiquement les subventions, obligeant l’entreprise nationale à s’endetter pour rembourser une dette crée par l’état.

Selon le rapporteur de cette contre analyse, « pour 100 euros empruntés par la SNCF 59 euros sont consacrés au remboursement de la dette, ne laissant que 41 petits euros pour améliorer le réseau ».

Le cabinet Degest qui a produit cette contre-analyse préfère le ferroviaire au routier, rapport aux faibles couts externes générés par le transport ferré face à celui des automobiles, et poids lourds... cout des accidents, de la pollution de l’air, du bruit, et le cabinet de conclure : « l’enjeu semble être que l’Etat change son mode de gestion du ferroviaire et couvre l’ensemble des dépenses en dotant le train de financements pérennes qui encouragent le report modal ». lien

C’est toute la question du service public qui est donc posée, car finalement, lorsque des milliards sont distribués en cadeaux aux grands patrons, ne serait-il pas plus judicieux de défendre le service public sans lui imposer un concept de rentabilité ?

On se souvient des cadeaux fait par l’Etat en faveur des classes les plus favorisées : 7 milliards d’euros annuels pour les 3000 foyers les plus aisés du pays. lien

Si l’on prend le seul cas de Patrick Drahi, le patron milliardaire du groupe Altice (Numéricable/SFR) c’est tout de même un cadeau de 14 milliards qui a été fait en échange d’une campagne de matraquage. lien

Quel serait donc le problème ?

Le salaire des (soi-disant privilégiés) cheminots ?...ou celui du grand patron de la SNCF qui, avec 450 000 euros de salaire fixe, est à l’abri du besoin. lien

A ce stade de la réflexion, pourquoi ne pas s’interroger aussi sur le salaire de celle qui est devenue ministre des armées, Florence Parly, en l’occurrence, qui gagnait 52 000 euros par mois, pour nous faire préférer le train, en tant que directrice générale chargée de la SNCF voyageurs. lien

A mettre en parallèle avec celui des cheminots qui est en moyenne de 1500 €... même si l’INSEE affichait 3000 € peu crédibles. lien

Bien sûr, certains gagnent 3200 € net, comme Patrick, 41 ans, qui conduit des RER depuis 2001, mais  40% de cette somme est variable, et peut retomber à 1800 € s’il se casse une jambe, ou s’il part en vacances. lien

Voici le bulletin de paye d’un cheminot.

Le gouvernement a déjà prévenu que la réforme irait à terme, mais en même temps, il affirme qu’il y a concertation... et le 5 avril, c’est une sorte de chantage qu’a tenté d’exercer le 1er ministre, en mettant dans la balance la reprise de la dette, en échange d’un abandon de la grève...étrange vision de la « concertation »..

L’une des dernières réunions a duré 6 heures, dans une ambiance « dialogue de sourds », mais le patron de la SNCF affirme que le dialogue n’est pas rompu, et il a sorti la pommade affirmant qu’il n’a « jamais accepté, et n’accepterait jamais qu’on dise » des cheminots « qu’ils sont privilégiés »... lien

C’est entendu l’état prétend vouloir faire des économies...soit, mais alors comment justifier les 35 millions d’euros qui vont être dépensés pour faire voyager la Joconde du Louvre, jusqu’à Lens ?

C’est bien pourtant ce qui est envisagé : 2 millions d’euros pour l’assurance, 3 millions d’euros pour la vitrine spéciale, 3 millions pour l’emballage, et jusqu’à 2 millions d’euros pour la faire voyager, escortée par le personnel qui doit assurer sa surveillance pendant les 200 km du trajet. lien

Revenons à notre train...

Avons-nous déjà oublié cette déclaration surprenante du chef de l’état, le 29 juin 2017 : « une gare c’est un lieu où l’on croise les gens qui réussissent et les gens qui ne sont rien » ? lien... une phrase qui en dit long sur son mépris des classes les plus humbles.

Alors pas étonnant dès lors que cette grève des cheminots soit en train de faire tache d’huile : avocats et juges, éboueurs, étudiants rejoignent le mouvement. lien

Air France annonce de nouvelles grèves les 17, 18, 23 et 24 avril (lien), le personnel hospitalier lance une grève du 7 au 20 avril. lien

Les cheminots ont même organisé une opération plutôt sympa : au péage autoroutier de Pamiers, ils ont fait passer gratuitement les autos. lien

Mais la grève lancé par les cheminots à des conséquences financières lourdes pour ceux-ci, et fort heureusement la solidarité est en train elle aussi de faire tache d’huile : plusieurs initiatives ont été lancées, comme par exemple celle menée par le sociologue Jean-Marc Salmon, récoltant en une semaine 170 000 €, et vient de dépasser les 400 000 €. lien

Plus d’un français sur deux juge aujourd’hui nécessaire un mouvement similaire à celui de mai 68, alors que la commémoration du cinquantenaire se rapproche chaque jour un peu plus. lien

Un sondage portant sur plus de 30 000 internautes affirme que 97% d’entre eux souhaitent la démission de Macron. lien

La stratégie du gouvernement est claire, se basant sur le concept « diviser pour régner » ; tentant d’opposer les différents syndicats, espérant réveiller chez le citoyen lambda la notion de la « prise en otage », espérant opposer les « français qui travaillent », et les « privilégiés » qui s’accrocheraient à leur statut.

Stratégie risquée, car si la grève dure, et s’étend à d’autres secteurs, les français reprocheront alors au gouvernement de n’avoir pas su négocier, et la colère pourrait bien se retourner contre lui.

L’avenir nous le dira, car comme dit mon vieil ami africain : « même si le chien a 4 pattes, il ne peut prendre 2 chemins à la fois ».

L’image illustrant l’article vient de mai-68-revolution-possible.fr

Merci aux internautes pour leur aide précieuse

Olivier Cabanel

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