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L’antisarkozysme est un humanisme" : s’il est un homme qui pourrait faire sienne cette maxime de notre invention, c’est bien
Serge Portelli, le vice-président du Tribunal de Paris, qui n’a pas l’habitude de mâcher ses mots pour dénoncer la politique impulsée par Nicolas Sarkozy. En forme de bilan de cette année 2009, il faut relire ce qu’il écrivait sur son blog le 3 novembre dernier, sous le titre de
L’extrême droite comme si vous y étiez : "
Le sarkozysme n’est pas la droite classique. L’idéologie qui l’anime n’est pas celle que nous connaissions. Le discours qu’il développe n’est en rien celui que nous entendions, avec tant de variantes pourtant, de De Gaulle à Chirac, en passant par Pompidou ou Giscard d’Estaing. Le vocabulaire qu’il utilise - avec soin - n’est pas celui de la droite républicaine. Son dictionnaire ordinaire emprunte de plus en plus au langage de l’extrême droite et ce langage - qui s’impose insidieusement grâce à l’empire et l’emprise médiatique du système - nous habitue progressivement au pire. Même si les livres d’histoire et de sciences politiques ne le présentent pas ainsi, l’un des actes fondateurs de notre démocratie est, en 1981, la suppression de la peine de mort. Nous avons abandonné pour de bon l’un des derniers oripeaux de la barbarie. Dans sa course éperdue à l’électorat et aux idées lepénistes, Nicolas Sarkozy n’arrête pas de tutoyer cette peine de mort et de jouer avec cette abolition fondatrice. Dans la stratégie ordinaire du discours paradoxal, tout est dit pour nous rapprocher de l’idée que cette peine est envisageable, quitte au dernier moment à se draper vertueusement dans un discours abolitionniste auquel plus personne ne croit. L’utilisation permanente du mot “monstre” pour désigner les auteurs des crimes les plus graves fait partie de cette dérive perverse du vocabulaire. On exclut ainsi ces hommes de l’humanité ordinaire : inutile de chercher à les ramener un jour parmi nous - ce qui, au-delà de la nécessaire sanction, est la mission première de la justice -, nous sommes dans la logique de l’élimination. Dire d’un homme qu’il est un “monstre”, c’est tuer l’homme en lui." Portelli aborde ensuite avec pertinence la problématique de la lutte contre la délinquance sexuelle et le mot "
castration" qui s’invite au bal de toutes les régressions.
Puis vient le tour, dans le viseur du bazooka de Portelli, de notre ministre de la Persécution des étrangers : "Eric Besson, lui, avec le zèle touchant des ultimes convertis, tentant de faire oublier ses anciennes et virulentes dénonciations du sarkozysme, avoue sans pudeur qu’en exécution des consignes du président de la République, il cherche à récupérer les voix de l’extrême droite. Il veut, dit-il, “la mort” du Front National. La paradoxe est que cet homme qui se disait de gauche et se dit à présent de droite, patauge dorénavant non seulement dans les idées mais les pratiques de l’extrême droite. Enfermer des enfants dans des centres de rétention, expulser des jeunes scolarisés, détruire des familles, faire vivre dans l’angoisse des dizaines de milliers d’hommes, de femmes, d’enfants, simplement “coupables” de n’avoir pas de papiers, mobiliser en permanence et pervertir l’appareil d’Etat dans des tâches purement électoralistes, renvoyer des étrangers par charters dans des pays en guerre... voici la réalité de cette politique nauséabonde. Utiliser la souffrance d’êtres humains pour asseoir son pouvoir aujourd’hui et le conserver demain. Dévoyer les valeurs de la République pour fortifier un clan. Mais il faut, là encore, tordre le cou aux mots pour légitimer ce combat déloyal. L’appellation de ce ministère d’identité nationale est une honte permanente, une opération de grossière propagande qu’il nous faut dénoncer chaque jour. Sans que jamais ne s’installe le renoncement." Un bon programme pour 2010, non ?
PS : relire sur plumedepresse Eric Besson, ministre des lepénistes.