Éric Bougaud : « Une manipulation politique de l’information ! »

par Richard Patrosso
lundi 25 octobre 2010

Entretien avec Éric Bougaud. Le délégué de Debout la République s’exprime sur les derniers événements concernant la réforme des retraites : « casseur » accusé d’être un policier, « déblocage » de la raffinerie Total de Grandpuits, choix du vote unique au Sénat, etc.

Un « casseur » est soupçonné d’être, en réalité, un policier en civil. Quelle est votre réaction sur cette polémique qui enfle sur Internet ?
 
Nous devons apprendre à nous méfier des images qui circulent sur le web. De même les témoignages de personnes, sûrement sincères, mais forcément imprécis en raison des éléments de stress, de la vitesse des événements, d’impressions personnelles qui rendent notre vision subjective. Les policiers sont des salariés comme les autres et pour la majorité d’entre eux, ils soutiennent les actions contre la réforme des retraites, mais ils sont soumis à une obligation de réserve et à des ordres qu’ils doivent respecter. J’ai trop de respect pour les policiers pour penser qu’un seul puisse être un casseur. C’est impossible, je n’y crois pas.
 
Face à ce soupçon, demandez-vous à la police d’effectuer une enquête interne ?
 
Non. Il faut faire confiance aux hommes que sont les policiers. Ils sont professionnels et responsables.
 
Jean-Luc Mélenchon a accusé « les casseurs » d’être « des sarkozystes militants ». Que pensez-vous de cette déclaration ?
 
Les casseurs sont probablement issus de quartiers défavorisés que l’on laisse pourrir depuis quarante ans. Ce sont surtout des jeunes désœuvrés à la recherche d’une autorité, de références et d’emplois. Ils profitent des manifestations pour se défouler. Parmi eux, certains délinquants en profitent pour piller les magasins. Nous sommes loin de sarkozystes militants.
 
Si ceux qui sont appelés « les casseurs » ne sont pas des individus payés par le président de la république, alors ils ne sont pas contrôlables par l’État. Par conséquent, ne sont-ils pas les seuls capables de faire reculer le Gouvernement ? Ne sont-ils pas, en fait, les meilleurs alliés de ceux qui se veulent pacifistes ?
 
Les casseurs ne sont les alliés de personne. Leur présence donne une image négative des manifestations auprès de la population. Rappelons-le : les manifestants sont des citoyens responsables et pacifistes.
 
Vendredi, l’État a ordonné aux gendarmes de débloquer la raffinerie Total de Grandpuits. Condamnez-vous cette intervention ?
 
Certes le droit de grève n’est pas le droit de blocage, on ne peut non plus, dans l’absolu, empêcher un travailleur d’aller travailler s’il le souhaite, mais à quoi servirait une grève si on n’en ressentait pas les effets ? Impossible de faire pression pour faire changer les choses si tout tourne normalement. Les syndicats sont dans leur rôle, l’État et le préfet aussi quand ils demandent l’application d’une loi.
 
La majorité présidentielle a opté pour le vote unique au Sénat. Certains les accusent de passer en force alors que c’est dans la Constitution. Et vous ?
 
Le vote unique est prévu pour des cas d’exceptions graves. Ici, nous sommes face à un refus du Gouvernement de procéder à un débat démocratique. L’emploi du vote unique était une raison suffisante pour rejeter la réforme. Je ne comprends pas l’attitude des sénateurs centristes.
 
Le Front de Gauche organise une collecte pour soutenir les travailleurs en grève. Est-ce le rôle d’un parti politique ? Votre organisation, Debout la République, envisage-t-elle de se joindre à cette collecte ?
 
Le rôle de tout parti politique est de tout faire pour améliorer la vie des citoyens. Le Front de Gauche défend son électorat. Pour « Debout la République », je ne peux prendre de position, il faudrait poser la question à Nicolas Dupont-Aignan et au conseil national de DLR. Pour ses militants, la question est individuelle : chacun est libre d’y participer ou pas. Pour moi, l’idée ne me choque pas, je la trouve belle et généreuse.
 
Appelez-vous les citoyens à donner aux travailleurs en grève ?
 
Les citoyens ont une conscience.
 
Jeudi prochain, une nouvelle journée nationale de manifestations sera organisée. Le Gouvernement et ses assemblées n’ont pas écouté les citoyens qui sont descendus dans la rue pour se faire entendre : devant cet entêtement, appelez-vous le mouvement de contestation à s’entêter, à son tour ? Irez-vous manifester uniquement contre cette réforme sur les retraites ou bien descendrez-vous défendre d’autres revendications ?
 
Pour nous, chez DLR, la première revendication pour sauver notre régime de retraite, c’est le plein emploi. Et là, Bruxelles refuse que la France y remédie (Euro trop cher, coût des charges, absence de protectionnisme). Il faut renégocier, et même annuler, tous les traités, y compris ceux de Maastricht, Amsterdam et de Lisbonne, et envisager de sortir de l’UE en cas d’impossibilité. Pourquoi les travailleurs français, associés aux agriculteurs et aux indépendants, n’iraient-ils pas tous manifester devant le parlement européen ? Un blocage total de tous les gouvernements qui siègent à Bruxelles par quatre ou cinq millions de Français pourraient peut-être faire bouger les choses.
 
La loi a été adoptée par le Sénat : son adoption définitive est donc proche. Une fois que ceci sera fait, les manifestants, dont vous faites partie, devront-ils se soumettre à la souveraineté de leurs élus ou bien continuerez-vous à descendre dans la rue ?
 
Tant que les Français décideront de résister à cette réforme et aux effets négatifs de la mondialisation, nous serons à leurs côtés.
 
Le Gouvernement ne communique plus sur les menaces d’attentats islamistes. Est-ce la confirmation que la révélation publique de ces menaces n’avait qu’un but, bien précis, celui de décourager les citoyens à se rassembler dans les rues pour manifester leur opposition aux nouvelles lois sur les retraites ? Le Gouvernement a-t-il essayé de faire peur au Peuple pour qu’il accepte, retranché dans ses murs avec la peur au ventre, ses projets de lois sur les retraites ?
 
Les menaces d’attentats islamistes sont bien réelles et permanentes, mais ce ne sont pas les seules. Les intégristes, de tout bord, menacent le monde. Ce sont des fous dont la Nation doit se protéger. Les annonces de menaces sont récurrentes, il y en a souvent ; ce qui change, c’est la lecture que certains en font, et là, c’est une manipulation politique de l’information.
 
Propos recueillis par Richard Patrosso (le samedi 23 octobre 2010)

Le dossier du site Arrêt sur Images sur la vidéo du « casseur » soupçonné d’être un policier :

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