Et si à gauche, on rallumait les étoiles ?

par Henry Moreigne
jeudi 25 février 2016

Il y a décidément de quoi être fort dépité lorsqu'on a le cœur à gauche. Passons sur le cas de François Hollande dont le mandat appartient déjà au passé et qui ne laissera pas un grand souvenir dans les mémoires. C'est vers l'avenir qu'il faut se tourner. Las, les options proposées ne sont pas à la hauteur des enjeux historiques de l'époque.

D'un côté, Manuel Valls affiche une volonté réformiste qu'on peut saluer mais qui se trouve totalement desservie par une brutalité et un autoritarisme qui la rende inacceptable. En face, ressortent des cartons, les vieilles badernes dogmatiques figées dans leur posture depuis plusieurs décennies et qui ne prônent que l'immobilisme.

La solution ne viendra pas de Martine Aubry à l'origine d'une réforme majeure, les 35 heures, qui dans sa déclinaison et surtout l'esprit qui l'entoure a largement contribué au naufrage économique de la France. Dans sa tribune aux allures de coup de poignard dans le dos, la maire de Lille forme un bien étonnant attelage avec Daniel Cohn-Bendit. A 70 ans, l'écolo-libertaire continue à gérer sa petite entreprise personnelle. Son bilan au parlement européen est voisin de zéro. Fort en gueule, l'euro député est devenu l'allié objectif d'un système dans lequel il s'est parfaitement coulé à l'image de ses chroniques sur Europe 1 ou son amour du football professionnel, modèle de l'ultralibéralisme le plus sauvage. Ses nombreuses années au parlement européen n'ont pas été l'occasion de voir émerger un projet alternatif à l'actuelle construction européenne qui repose sur le dogme sacré de la loi du marché.

Tout ce petit cercle ne veut pas voir que le monde qui nous entoure est en train de s'effondrer à un rythme qui s'accélère. La scène que nous vivons aujourd'hui n'est que la répétition de celle vécue par le citoyen Romain du Vème siècle. La chute de Rome est liée pour certains historiens à sa barbarisation autrement dit à une romanisation trop large qui a dilué les valeurs fondamentales de la civilisation romaine. La leçon devrait être méditée à l'aune des interminables flux de migrants qui se profilent à l'horizon. L'Europe ne peut se résigner à n'être qu'une vaste passoire. Ce qui est vrai pour les hommes l'est également en économie. Le fameux grand marché intérieur européen est ouvert aux quatre vents. Ceux venus de l'Ouest, formalisés dans le sinistre projet de TAFTA consacre la suprématie des multinationales US sur le droit des États. Ceux de l'Est condamnent ce qui reste de l'industrie européenne à une lente agonie face au dumping des pays émergents et à des coûts de transports bas pour les importateurs mais excessifs pour l'environnement.

Économie, géopolitique, environnement... nous nous acheminons vers un collapsus global. Et ce n'est pas la politique de l'autruche à la petite semaine qui prédomine qui nous sauvera. C'est bien d'une refondation de la civilisation européenne dont nous avons besoin aujourd'hui pour tenter de freiner sinon d'arrêter le déclin de notre société.

Dans le drame qui est en train de s'écrire, l'histoire on le sait est toujours tragique, chacun d'entre nous a la possibilité de choisir la catégorie dans laquelle il veut s'inscrire : les insouciants, les hédonistes individualistes, les hommes de bonnes volonté décidés à affronter l'avenir armés d'un dessein basé sur la solidarité.

A gauche, l'effondrement intellectuel des partis est terrible. Il ne doit pas occulter que la société civile, elle, jouit d'une formidable vivacité. C'est de là que viendra le salut. Des universitaires, des philosophes, d'entrepreneurs, de simples citoyens. Bref de personnes qui disposent d'une vision globale du monde qui nous entoure et d'une fraîcheur qui tranche avec le cynisme des hommes politiques actuels. C'est un grand défi d'intelligence collective qui nous attend.

Refusons aujourd'hui de tomber de Charybde en Scylla, de choisir entre Valls et Aubry, qui ne sont que les deux faces d'une même pièce. Soyons les argonautes de ce XXIème siècle. Soyons de dignes enfants des Lumières. Il suffit juste d'une pichenette salutaire pour faire émerger les allumeurs de réverbères. Comme aurait dit Apollinaire, "Il est grand temps de rallumer les étoiles".

Les étoiles mouraient dans ce beau ciel d’automne
Comme la mémoire s’éteint dans le cerveau
De ces pauvres vieillards qui tentent de se souvenir
Nous étions là mourant de la mort des étoiles
Et sur le front ténébreux aux livides lueurs
Nous ne savions plus que dire avec désespoir
Ils ont même assassiné les constellations
Mais une grande voix venue d’un mégaphone
Dont le pavillon sortait
De je ne sais quel unanime poste de commandement
La voix du capitaine inconnu qui nous sauve toujours cria
Il est grand temps de rallumer les étoiles.
Guillaume Apollinaire "Les Mamelles de Tirèsias"


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