Et si Mélenchon se qualifiait pour le 2e tour...

par Fergus
jeudi 24 mars 2022

Incontestablement, le candidat de La France Insoumise bénéficie, dans l’optique de la présidentielle, d’une réelle dynamique durant ce mois de mars. Sera-t-elle suffisamment forte pour permettre à Jean-Luc Mélenchon de se qualifier pour le 2e tour dans un peu plus de deux semaines ? Nul ne peut le dire à l’heure actuelle tant sont grandes les incertitudes qui pèsent sur les résultats du 1er tour. Tout pourrait dépendre de l’émergence et de l’ampleur d’un vote utile à gauche...

Si l’on en croit les sondages, le seuil de qualification pour le 2e tour de la présidentielle pourrait, en 2022, être encore plus bas qu’en 2017, année qui avait vu Marine Le Pen se qualifier avec un score de 21,30 %, Emmanuel Macron n’ayant, quant à lui, totalisé qu’un peu flamboyant 24,01 % malgré sa pole position. Certes, le président sortant caracole en tête des enquêtes actuelles avec un score qui, depuis près de deux semaines, varie – grâce notamment à l’effet drapeau – entre 28 et 31 %, mais la candidate du Rassemblement national, mesurée entre 17 et 20 % des voix, n’est pas assurée d’obtenir son ticket pour le 2e tour. La faute à un trublion : le candidat de Reconquête, Éric Zemmour, qui mord de manière très significative sur l’électorat RN, au grand dam de la représentante du parti.

Cette concurrence à l’extrême-droite est évidemment du pain béni pour Mélenchon. Malgré la balkanisation de la gauche, celui qui – depuis qu’il a réussi à fédérer le Front de Gauche – se croit un avenir à la Jaurès se prend à rêver de réussir en 2022 ce qu’il a échoué à faire en 2017, malgré une excellente campagne marquée par une rupture avec les accents par trop agressifs de 2012. « Le bruit et la fureur » ayant, lors de la dernière présidentielle, cédé la place à une posture moins délibérément clivante, le candidat de La France Insoumise avait en effet réussi à élargir sa base naturelle en séduisant une frange d’abstentionnistes et en captant une part importante des électeurs socialistes au détriment du falot Benoît Hamon (Mais au fait, que devient-il, celui-là ? A-t-on des nouvelles ?).

Mélenchon est-il capable de faire mieux en 2022 qu’en 2017 ? Malgré sa dynamique du moment, c’est loin d’être évident dans la mesure où le leader de LFI se heurte cette année à une candidature de l’ancien allié communiste. Une épine dans son pied car cela le prive ipso facto de quelques précieux points. Aucune réserve de voix n’étant à espérer du côté du subclaquant PS, et très peu du côté des électeurs écologistes, la question d’un retrait du candidat PCF dans la course à l’Élysée revêt une importance capitale. Mélenchon étant actuellement mesuré entre 12 et 14 % dans les enquêtes et Roussel entre 3 et 4 %, le total des deux électorats – ils sont sur le papier très largement fongibles – pourrait en théorie hisser le candidat insoumis au contact de Le Pen, ce qui rebattrait totalement les cartes.

Bien décidé à forcer le destin pour faire triompher son projet, Mélenchon « mouille le maillot », comme pourrait dire à son sujet un supporter de cet OM dont le député de Marseille est devenu un afficionado depuis qu’il est élu de la cité phocéenne. Et le fait est qu’il marque de précieux points comme l’a démontré le dimanche 20 mars la spectaculaire marche parisienne de 100 000 partisans (revendiqués) entre la place de la Bastille et celle de la République où se tenait un meeting du candidat LFI. Encore faut-il enfoncer le clou pour réussir à passer par le « trou de souris » théorisé par JLM il y a quelques mois. Pour cela, Mélenchon misera une nouvelle fois le 5 avril sur un « multi-meeting » au cours duquel son hologramme, aussi déterminé que pugnace, sera présent dans une dizaine de villes et pas seulement à Lille où le candidat insoumis se tiendra sur l’estrade en chair et en os.  

Cela sera-t-il suffisant ? Pas sûr car l’on voit mal Fabien Roussel se retirer d’une compétition politique majeure qui redonne quelques couleurs à un parti jusque-là caractérisé par un constant déclin. Qui plus est, ni lui ni les électeurs communistes les plus fidèles n’ont oublié que Jean-Luc Mélenchon, peu avant d’acter la rupture avec le PCF après la présidentielle de 2017, avait exprimé dans un tweet adressé à Pierre Laurent ce qu’il pensait de l’allié communiste, notamment en usant de cette phrase assassine : « Vous êtes la mort et le néant » ! Or, sans un renfort significatif des électeurs du PCF, il sera difficile, faute de renforts venus d’ailleurs – que ce soit des électeurs erratiques d’une gauche déboussolée ou des égarés du RN « fâchés mais pas fachos » –, d’atteindre le seuil de qualification.

Mélenchon n’en croit pas moins aux vertus d’un vote utile – « efficace » en langage insoumis – qui pourrait lui permettre de réussir son pari. Méthode Coué ? Qui sait ? Cela dit, le candidat de LFI va également être confronté à une autre difficulté, potentiellement plus problématique pour lui : le vote utile à l’extrême-droite. Qui peut en effet sérieusement croire que, les jours passant et les sondages actant toujours plus le différentiel qui se creuse entre Le Pen et Zemmour, les électeurs de cette famille politique prendront le risque d’une élimination dès le 1er tour pour cause d’une dispersion mortifère des voix ? L’adhésion au candidat de Reconquête, handicapé par ses discours clivants et provocateurs (y compris sur les Ukrainiens), ne cesse de s’éroder, et cela sert évidemment les intérêts d’une Le Pen qui, durant cette campagne, a su lisser son discours et jeter un voile pudique sur ses encombrantes amitiés russes.

Et si, malgré tout, Mélenchon se qualifiait pour le 2e tour ? Probablement n’aurait-il pas les armes pour l’emporter face à Macron dans un pays dont le centre de gravité politique est de plus en plus positionné à droite. Mais au moins aurions-nous droit entre les deux tours de la présidentielle à un débat d’une toute autre tenue intellectuelle et d’une bien plus grande pugnacité que celui – ô combien pathétique tant il a été médiocre ! – qui a opposé en 2017 Macron à Le Pen. Un débat de surcroît en forme d’opposition entre deux choix de société : le néolibéralisme triomphant d’un côté ; le social et la réforme des institutions de l’autre. Croisons les doigts pour que les résultats des urnes fassent mentir les enquêtes d’opinion le soir du 10 avril. Parce que la politique a un besoin urgent de réhabilitation. Et plus encore parce que les Français le valent bien !


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