ÉTAT D’URGENCE : doit-on renoncer définitivement à l’état de droit ?
par Robert GIL
vendredi 5 février 2016
L’état d’urgence conduit à des décisions arbitraires, des dérives autoritaires. Par nature, il est une atteinte aux libertés publiques puisqu’il permet des mesures exceptionnelles qui dérogent à l’état de droit . Depuis novembre 2015, plus de trois mille perquisitions sont intervenues. Concernant les interdictions de réunions, le gouvernement refuse de communiquer les chiffres.
Des mesures dérogatoires, au nom du « péril imminent » du terrorisme, permettent à l’état de faire perquisitionner chez vous à tout moment, au seul motif d’un « comportement suspect » ou d’un « risque de menace à l’ordre public ». Des mesures préventives (assignations à domicile, gardes à vue prolongées …) dont l’efficacité n’est pas démontrée, peuvent alors être prises sans aucun contrôle du juge judiciaire, ce dernier étant présenté comme un obstacle à « l’efficacité » contre le terrorisme. Or, il n’en est rien puisque le cadre légal actuel accorde déjà à la police des pouvoirs hautement dérogatoires dans les cas de menace terroriste.
Le renforcement du pouvoir de l’exécutif a conduit très vite à de multiples abus : comment justifier les perquisitions chez des maraîchers bio’ ou l’assignation à résidence et les 317 gardes à vue de manifestants écologistes sur les 529 effectuées ? Ou est la lutte contre le terrorisme ? Mettre fin à l’état d’urgence aboutirait de fait à faire tomber les assignations à domicile, et même si on nous explique que ce serait dangereux , que faire ? Les garder dans cette situation tant qu’il existera une menace terroriste ?
Il faut s’inquiéter des pouvoirs sans contrôle donnés à ceux qui peuvent arriver aux manettes de l’État .
De nombreux dérapages, révélant un racisme anti-musulmans, ont été également constatés. Sur les 3000 perquisitions effectuées, seules 4 enquêtes préliminaires pour terrorisme ont été ouvertes . Nous affirmons qu’il est nécessaire et possible que l’état protège les habitants face au terrorisme, sans remettre en cause les droits et les libertés.
Le gouvernement a annoncé une possible extension de l’état d’urgence , alors même que Cinq rapporteurs de l’ONU en charge des droits de l’homme, ont recommandé à la France de ne pas le prolonger au-delà du 26 Février, sous le motif qu’il impose des « restrictions excessives et disproportionnées sur les libertés fondamentales ».
La Ligue des Droits de l’Homme a quant à elle saisi le Conseil d’état pour demander la suspension immédiate de la mesure . Elle affirme qu’autoriser le maintien perpétuel du régime exceptionnel au nom de la lutte contre le terrorisme revient à renoncer définitivement à l’état de droit .
Inscrire l’état d’urgence dans la Constitution, ce serait graver dans le marbre ce régime d’exception qui permet l’action des forces de sécurité sans contrôle du juge et enlève toute protection aux citoyens contre l’arbitraire du pouvoir. Cela touche au socle même de la démocratie en France.
Refusons une société du contrôle généralisé, une société qui glisse de la présomption d’innocence au présumé potentiellement coupable ! Ne donnons pas satisfaction aux terroristes qui recherchent justement à nous faire renoncer à notre vie démocratique !
« Ce sont les renoncements quotidiens qui forgent les chaines de notre soumission « … Marie PHILOMENE