Être truand ET président de la république française ne serait pas incompatible !
par La râleuse
samedi 4 février 2017
Vous le saviez peut-être ? Eh bien, moi, non.
Moi, je l’ai découvert en regardant l’émission « Quotidien » diffusée sur TMC et animée par Yann Barthès et ses talentueux collaborateurs auxquels je suis fidèle depuis leur précédente émission « Le Petit Journal » diffusée sur Canal+
Et la surprise a été telle que, si le ciel m’était tombé sur la tête, je n’aurais pas été plus groggy.
En effet, vous, qui l’ignoriez comme moi, avez bien lu.
Il ne s’agit pas seulement de pouvoir en toute légalité être malfrat et « candidat à l’élection présidentielle ». Il s’agit de pouvoir être, très légalement, gibier de potence et « président de la république » élu.
Et, si je ne me trompe, sauf être destitué suite à une loi bien floue datant de 2007 un président de la république jouit de l’immunité judiciaire et ne peut, durant son mandat et devant aucune juridiction ou autorité administrative française, être requis de témoigner non plus que faire l’objet d’une action, d’un acte d’information, d’instruction ou de poursuite ; tout délai de prescription ou de forclusion est suspendu.
Or, que m’a appris Yann Barthès, via son émission « Quotidien » : qu’il n’était nullement exigé de produire aucun des trois bulletins qui constituent le casier judiciaire pour être candidat à la présidentielle susceptible d’être élu président de la république française.
Quid du casier judiciaire ?
Créé en 1848, le casier judiciaire mémorise les condamnations pénales, celles prononcées par les juridictions commerciales et certaines décisions administratives ou disciplinaires.
Jusqu’en novembre 2016, l'effacement de ces condamnations intervenait automatiquement au décès du condamné ou, au plus tard, lorsque l'intéressé atteignait l'âge de 100 ans. Selon un décret publié au Journal officiel le 30 novembre 2016, excepté en cas de décès où le casier s'autodétruit automatiquement, les données restent accessibles jusqu'à l'âge de 120 ans
À partir de cet enseignement, sachant qu’il est rigoureusement impossible, en France, d’accéder à la fonction publique, de prétendre aux professions d’avocat, dentiste, médecin, architecte ou pharmacien, dès lors que l’on ne dispose pas d’un casier judiciaire vierge, qu’un casier judiciaire vierge peut, de même, être exigé pour qui souhaite être instituteur, caissier, agent de sécurité, chauffeur de taxi, pompier, etc. que même dans le privé son casier judiciaire peut être demandé à qui postule pour un emploi, il est aberrant de songer qu’un candidat à l’élection présidentielle ne soit pas tenu de produire son casier judiciaire.
En poussant le raisonnement encore plus loin, on peut s’étonner d’une coïncidence de dates :
- 1848 : création du casier judiciaire
- 1848 : début du mandat du premier président de la république française, Louis-Napoléon Bonaparte
On peut s’étonner encore plus, sachant que pendant près de 170 ans, il n’a jamais été demandé aux 23 candidats élus à la présidence de la république française, qui ont succédé à Louis-Napoléon Bonaparte, de produire leur casier judiciaire.
N’est-il pas effarant de se dire que pendant ces presque 170 années, un individu ayant commis des crimes sans jamais être soupçonné, avait toute latitude (a peut être eu toute latitude) de devenir président de la république française avec tous les pouvoirs et l’immunité que lui procurait ce mandat ?
Il aura donc fallu attendre décembre 2016 pour que soit déposé un projet de loi prévoyant que, du président de la République au simple élu local, il conviendra de présenter le bulletin n°2 de son casier judiciaire avant de convoiter un mandat, quel qu'il soit.
Concrètement, pour se porter candidat, il sera exigé que le bulletin n°2 du casier judiciaire ne fasse mention d'aucun crime ni des délits suivants : manque de probité, corruption et trafic d'influence, recel et blanchiment, fraude électorale, infraction fiscale, agression ou harcèlement sexuels.
Porté par Madame Fanny Dombre-Coste députée socialiste de l’Hérault (merci, Madame. Elles sont si rares les femmes porteuses de vraies valeurs en politique) ce projet, accepté à l'unanimité par la commission des lois de l'Assemblée nationale le 25 janvier, a été adopté par les députés ce 1er février 2017.
Bon, je suis d’accord qu’il est regrettable de constater que
- même s'il doit passer son tour lors d'une élection, un candidat n'est pas éternellement banni du suffrage électoral, grâce aux règles d'effacement du casier,
- qu’il sera toujours possible à un individu, dès lors qu’il n’aura jamais été soupçonné, d’être candidat à la présidence de la république quand bien même il aura blessé ou zigouillé un ou plusieurs quidam.
Et puis quitte à exprimer des regrets, autant commencer par celui-ci :
Pour devenir une loi, ce projet doit être officialisé par le Sénat qui n’est pas prêt de le faire… à cause de… le croirez-vous… la prochaine échéance présidentielle.