Europe, c’est à qui perd gagne
par olivier cabanel
mardi 28 mai 2019
Une fois les élections terminées, tous, ou presque, les belligérants en présence trouvent de plus ou moins bonnes raisons de se réjouir... et si les gagnants n’étaient pas ceux que l’on croit ?
Le RN se frotte les mains bien sûr, puisqu’il est arrivé en tête en France, devançant d’un point les « macronniens »...mais finalement, ce parti, avec 22 sièges, en gagne moins qu’il y a 5 ans.
Finalement, c’est au cœur de l’Europe qu’il faut voir si le verre est à moitié plein... ou à moitié vide.
En effet, pour appliquer leurs programmes, les extrêmes-droites doivent parler d’une seule voix, et là, c’est loin d’être gagné.
Ils obtiennent en principe 73 sièges, soit finalement un peu moins qu’en 2014.
Ensuite le discours que tient Marine Le Pen est quasi aux antipodes de celui tenu par Mattéo Salvini, car pour ne prendre que cet exemple, le leader extrémiste italien ne veut pas stopper l’immigration, mais il demande seulement aux autres pays européens qu’ils en prennent leur part, ce qui est loin d’être la position du RN. lien
Et puis si l’on prend un autre axe de réflexion, celui des estoniens d’EKRE, on sait déjà qu’ils voient d’un assez mauvais œil les amitiés que MLP a tissé avec Poutine, puisque ce parti est violemment anti russe.
Quittons les ultras nationalistes pour les marcheurs de Macron qui semblent avoir du mal à digérer l’humiliation de la deuxième place, et qui se contentent du score, minimisant le petit point de différence, justifiant ainsi la continuation du programme décidé en 2017.
Il semble bien que Macron n’ait pas réalisé qu’en tentant de récupérer les électeurs écologistes, en se posant comme un « vrai » défenseur de l’environnement, il les a poussé involontairement à préférer l’original à la copie, permettant a EELV de prendre la 3ème place.
En effet, c’est un peu grâce à Macron que les Verts européens pourraient avoir au sein de l’Europe une importance majeure, puisqu’ils obtiennent en principe 70 sièges, ce qui leur permettrait de peser encore plus au sein de l’hémicycle... à moins qu’ils cèdent aux sirènes de LREM, ce que l’on constate avec la main tendue de la porte-parole des marcheurs qui espère séduire les écolos. lien
En 2014, ils n’avaient obtenu que 52 sièges.
Le PPE, avec 23,83%, reste la principale force politique du parlement, obtenant 179 députés, mais même avec ses alliés socio-démocrates et leurs 150 eurodéputés, ils ne pèsent plus que 43,8%, et devront chercher d'improbables alliances, d’autant que dans ce groupe se trouve celui de Victor Orban, lequel pose un vrai problème : il a été suspendu au sein du PPE... et ses 13 sièges, obtenus avec ses partenaires du KDNP (lien) se retrouveraient alliés aux nationalistes de Mattéo Salvini. lien
Les libéraux centristes se trouvent renforcés avec 39 sièges supplémentaires par rapport à 2014, et parviennent à obtenir 107 eurodéputés et c’est dans ce groupe, nommé ALDE, que LREM siègera. Lien
Sauf que, comme le constate dans son billet Amélie Poinssot, journaliste à Médiapart : « l’Alde est une fédération qui porte en elle, comme tous les groupes du Parlement Européen, d’étranges contradictions. On y retrouve ainsi ANO, le parti du 1er ministre tchèque, le richissime Andrej Babis sur lequel pèsent de lourdes accusations de corruption ». lien
C’est donc autour de ces 4 acteurs principaux que l’Europe va s’articuler, et le groupe majoritaire composé du PPE et des sociaux-démocrates (S&D), devra trouver des alliances pour garder le pouvoir, et là ce n’est pas gagné.
Mais revenons aux résultats français. A gauche, les résultats sont décevants, même si Glucksmann, évitant le pire, continue d’y croire, faisant porter la responsabilité de son mauvais score à la division qui règne. lien
Les insoumis connaissent une débâcle.
Jacques Sapir évoque « une déroute, un désastre magistral », et il l’explique sans prendre des pincettes : « l’abandon de la ligne de « rassemblement du peuple » qui avait porté JLM à près de 20% lors du 1er tour de l’élection présidentielle de 2017, est la cause de cet effondrement ». lien
Hamon disparait et, s’il faut en croire son bras droit, Guillaume Balas, il se met en retrait de la vie politique. lien
Les socialistes stagnent, et ne se sont jamais remis de la trahison Hollandaise, lors du tournant social libéral de 2014. lien
Wauquiez a subi une véritable déroute, poussé doucement vers la sortie par ses amis, déroute, qui s’explique aussi par la polarisation voulue par Macron, opposant LREM au RN, amenant la droite à se faire battre par les Verts de Jaddot.
L’avenir nous dira si le petit poucet Vert va pouvoir jouer les troubles fêtes au sein de l’assemblée, une assemblée qui va avoir beaucoup de difficulté à se trouver un président qui plaise à tous.
Les gilets jaunes, dont nombreux manquent de culture politique, ont probablement en majorité, apporté leur voix à l’extrême droite...lien
C’est bien l’analyse que la philosophe Barbara Stiegler a fait, en tentant de comprendre comment il est possible qu’une mobilisation qui a franchi le cap des 6 mois ait eu si peu d’effets. Lien
Elle constate aussi que la stratégie politique binaire mise en œuvre par Macron est un échec, puisque en opposant deux partis, le sien, et celui du RN, il a focalisé l’attention des électeurs sur des enjeux discutables, d’autant que LREM et le RN ont finalement des objectifs assez proches, même si leurs programmes officiels divergent...
Comme dit mon vieil ami africain : « marche sur une fourmi, mille autres t’attaqueront ».
Le dessin illustrant l’article est de Pawel Kuczynski
Merci aux internautes pour leur aide précieuse
Olivier Cabanel
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